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[ 30 novembre 2012 ] Imprimer

Droit de la famille

L’enfant a droit d’être entendu !

Mots-clefs : Audition des enfants mineurs, Droit, Étendue, Rôle du juge

Dans toute procédure le concernant et tout au long de celle-ci, le mineur capable de discernement est en droit d’exiger d’être entendu par le juge.

Une mineure de huit ans demande à être entendue dans la procédure de divorce de ses parents. Pour rejeter sa demande, les juges du fond retiennent que si l'article 388-1 du code civil donne au mineur capable de discernement le droit d’être entendu dans toute procédure le concernant, ce texte ne lui confère cependant pas la possibilité d'exiger son audition à tous les stades de la procédure ; en l’espèce, la demande n’ayant été formulée par l’enfant qu’en cause d’appel, celle-ci devait alors, selon la cour d’appel, être rejetée. Il revenait donc à la Cour de cassation de clarifier l’interprétation du texte précité pour qualifier l’audition des enfants mineurs de droit ou de simple faculté. En vertu des articles 388-1 du Code civil et 338-2 du Code de procédure civile, elle tranche nettement en faveur du droit de l’enfant à être entendu. Méconnaissant leur obligation de faire droit, tout au long de la procédure, à la demande d’audition qui leur avait été adressée, la cour d’appel, après avoir pourtant constaté que l'enfant avait, par lettre reçue au greffe le lendemain de l'audience de plaidoirie, sollicité son audition, a alors violé les deux textes précités.

La solution allait de soi tant les termes du dispositif applicable que l’objectif qu’il poursuit sont clairs sur cette question. La loi du 5 mars 2007, réformant les articles relatifs à l'audition du mineur dans le Code civil, et le décret du 20 mai 2009 précisant dans le Code de procédure civile les modalités de celle-ci ont marqué un net renforcement de la protection de l'enfant dans l'exercice de ses droits. Ainsi, aux termes de l'article 388-1 du Code civil ici visé, le mineur capable de discernement peut être entendu dans toute procédure le concernant. Tel est le cas, à l’évidence, de la procédure de divorce de ses parents dès lors que le jugement du divorce, qui viendra clore la procédure engagée, déterminera l'exercice de l'autorité parentale relativement aux enfants du couple ainsi que les modalités leur entretien. Surtout, le texte précité précise bien que l’audition du mineur est de droit dès lors que ce dernier en fait la demande et ce, à tous les stades de la procédure, comme le rappelle la Haute cour conformément au texte de l’article 338-2 du Code de procédure civile, également visé.

Soulignons aussi que l'article 388-1 du Code civil, qui fonde la solution, impose au juge, dans son quatrième alinéa, de s'assurer que le mineur a bien été informé de son droit à être entendu. L'acte introductif d'instance devra ainsi être accompagné d'un avis rappelant les dispositions de l'article 388-1 du Code civil et l'obligation des parents d'informer leur enfant de son droit à être entendu. Le même article prévoit que, par principe, le juge doit lui-même entendre le mineur ; ce n'est que si l'intérêt de ce dernier le commande et donc par exception, que le magistrat désignera une personne chargée de l'audition (C. pr. civ., art. 338-9). Par ailleurs, si le mineur peut être entendu seul ou avec son avocat, le bénéfice de l'aide juridictionnelle est de droit, ce qui permet de garantir une indépendance vis-à-vis des parties et une neutralité à l'égard de l'enfant (L. n° 91-647, 10 juill. 1991, art. 9-1).

Susceptible d’entraver la liberté de parole l’enfant, la contrainte du dispositif a, toutefois, été tempérée par le législateur concernant les modalités d’organisation de l'audition du mineur : l'article 388-1 du Code civil ne donne, en effet, aucune indication sur la forme selon laquelle le juge doit recueillir la parole de l'enfant. Également susceptible de nuire au juge, ce « corset » législatif fut encore assoupli à son profit : une liberté d’appréciation des sentiments exprimés par le mineur lui a été reconnue. En principe, il n'est donc pas tenu de se conformer aux souhaits de ce dernier ; seul l'intérêt de l'enfant, parfois contraire à sa volonté, doit dicter sa décision. Cependant, la pratique montre que l’avis de l’enfant détermine très souvent la décision. Ce constat est contestable. S’il convient de prendre en compte la volonté exprimée par le mineur, parfois proche de la majorité, et de ne pas ignorer le risque d’une réaction excessive de sa part si le droit d’être entendu ne lui était pas reconnu, faut-il pour autant lui reconnaître la possibilité de couper tous liens avec l’un de ses parents, lesquels demeurent tenus de certains droits et obligations à son égard, comme ceux relatifs à l'autorité parentale ? La réponse à cette question ne peut être seulement juridique. Elle en appelle à la clairvoyance et à la prudence du juge.

Civ. 1er, 24 oct. 2012, n°11-18.849

Références

■ Code civil

Article 388-1

« Dans toute procédure le concernant, le mineur capable de discernement peut, sans préjudice des dispositions prévoyant son intervention ou son consentement, être entendu par le juge ou, lorsque son intérêt le commande, par la personne désignée par le juge à cet effet. 

Cette audition est de droit lorsque le mineur en fait la demande. Lorsque le mineur refuse d'être entendu, le juge apprécie le bien-fondé de ce refus. Il peut être entendu seul, avec un avocat ou une personne de son choix. Si ce choix n'apparaît pas conforme à l'intérêt du mineur, le juge peut procéder à la désignation d'une autre personne. 

L'audition du mineur ne lui confère pas la qualité de partie à la procédure. 

Le juge s'assure que le mineur a été informé de son droit à être entendu et à être assisté par un avocat. »

■ Code de procédure civile

Article 338-1

« Le mineur capable de discernement est informé par le ou les titulaires de l'exercice de l'autorité parentale, le tuteur ou, le cas échéant, par la personne ou le service à qui il a été confié de son droit à être entendu et à être assisté d'un avocat dans toutes les procédures le concernant. 

Lorsque la procédure est introduite par requête, la convocation à l'audience est accompagnée d'un avis rappelant les dispositions de l'article 388-1 du code civil et celles du premier alinéa du présent article. 

Lorsque la procédure est introduite par acte d'huissier, l'avis mentionné à l'alinéa précédent est joint à celui-ci. »

Article 338-2

« La demande d'audition est présentée sans forme au juge par le mineur lui-même ou par les parties. Elle peut l'être en tout état de la procédure et même pour la première fois en cause d'appel. »

Article 338-9

« Lorsque le juge estime que l'intérêt de l'enfant le commande, il désigne pour procéder à son audition une personne qui ne doit entretenir de liens ni avec le mineur ni avec une partie. Cette personne doit exercer ou avoir exercé une activité dans le domaine social, psychologique ou médico-psychologique.

Elle est avisée de sa mission sans délai et par tout moyen par le greffe. »

■ Article 9-1 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique

« Dans toute procédure le concernant, le mineur entendu dans les conditions mentionnées à l'article 388-1 du code civil, s'il choisit d'être entendu avec un avocat ou si le juge procède à la désignation d'un avocat, bénéficie de droit de l'aide juridictionnelle. »

 

Auteur :M. H.

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