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Droit des obligations
L’enseignement est parfois abusif !
Mots-clefs : Contrat d’enseignement, Clause abusive, Paiement des frais de scolarité
La clause imposant à un élève se désistant d’une formation en cours d’année le paiement de l’intégralité du prix forfaitaire de scolarité est abusive.
Est abusive en ce qu'elle crée, au détriment de l'élève, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, la stipulation contractuelle qui fait du prix total de la scolarité un forfait intégralement acquis à l'école dès la signature du contrat et qui, sans réserver le cas d'une résiliation pour un motif légitime et impérieux, ne permet une dispense partielle du règlement de la formation qu'en cas de force majeure. Telle est la solution dégagée par la première chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 13 décembre 2012.
En l'espèce, une élève s'était inscrite en juillet 2008 à une formation de BTS Coiffure et esthétique pour l'année 2008-2009, s'acquittant immédiatement d'une partie du prix forfaitaire de la scolarité ; celle-ci ayant, dès la fin du mois de septembre 2008, décidé d'arrêter de suivre les cours qui ne répondaient pas à ses attentes, l’établissement d’enseignement a sollicité le paiement du solde du prix. L’élève avait vainement opposé un défaut d'information imputable à la société et le caractère abusif de la clause lui imposant le règlement de l'intégralité du forfait. À ces deux égards, elle obtient gain de cause devant la Cour de cassation.
Tout d'abord, s'agissant du défaut d'information imputable à la société, la Haute juridiction estime qu'il incombait à cette dernière de justifier qu'elle avait fait connaître à l’élève, avant la conclusion du contrat, les caractéristiques essentielles de l'enseignement dispensé ; aussi, selon la Cour suprême, la juridiction de proximité a violé les articles L.111-1 du Code de la consommation dans sa rédaction applicable et 1315 du Code civil, en inversant la charge de la preuve de la délivrance d’une telle information. La Cour de cassation retient, ensuite, le caractère abusif de la clause imposant le règlement de l'intégralité du forfait. Est ainsi également censuré, au visa de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, le jugement qui relevait, notamment, que l'école ne disposait pas de prérogatives créant un déséquilibre dans l'économie du contrat au détriment de l'élève et que l'école entendait légitimement se prémunir contre les ruptures intempestives de contrat susceptibles de compromettre son devenir au plan financier comme son organisation.
De nombreux contrats comportent des clauses relatives au paiement intégral du prix lorsque l'élève se désiste soit en cours d'année, soit avec un préavis insuffisant. On comprend le souci d’un établissement d'enseignement qui prévoit l'organisation de l'année scolaire en fonction des inscriptions qui lui sont adressées : tout désistement risque de perturber non seulement son planning, mais aussi sa trésorerie. Cela étant, le souci des élèves et de leurs familles de ne pas payer les frais d'une scolarité qu'ils ne suivront pas doit également être pris en compte La jurisprudence tente alors de concilier ces intérêts divergents. Ainsi, sous l’influence de la Commission des clauses abusives, elle considère depuis longtemps comme abusives les clauses qui donnent aux établissements d'enseignement la possibilité d'exiger le paiement de l'ensemble de la formation sans prendre en compte l'existence de motifs légitimes « ou » la survenance d’un cas de force majeure.
Dans l'arrêt rapporté, la Cour de cassation remplace ce « ou » par un « et », précisant ainsi sa jurisprudence antérieure : les contrats d’enseignement doivent autant réserver les cas de force majeure — ce qu’en l’espèce, l’établissement avait bien prévu — que l’existence de motifs légitimes de résiliation du contrat pour échapper au grief de l’abus.
De façon générale, l’abus tient au fait que si la résiliation, même justifiée, provient de l’élève, l'établissement pourra exiger la totalité du coût prévu de la scolarité, alors que si la résiliation est voulue par l'établissement, celui-ci ne sera tenu de verser qu'une partie des sommes déjà reçues. Pour réaliser un certain équilibre entre les prestations des parties, le contrat doit donc aménager l’indemnité due par l’élève en cas de rupture justifiée, et ce sans opérer de distinction entre le cas de force majeure et l’existence d’un motif « légitime et impérieux » qui, sans rendre impossible l’exécution de l’obligation, doit conduire à en dispenser le débiteur. Cette précision profita, en l’espèce, à l’élève qui, non empêchée d’exécuter le contrat, avait simplement décidé, de son plein gré, de ne pas suivre les cours, non conformes, selon elle, à ses attentes. Ce qui constitue, aux yeux de la Haute cour, un motif légitime et impérieux… Peut-être moins aux yeux des établissements.
Civ. 1re, 13 déc. 2012, n° 11-27.766
Références
« Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. »
■ Code de la consommation
« Tout professionnel vendeur de biens ou prestataire de services doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service. En cas de litige, il appartient au vendeur de prouver qu'il a exécuté cette obligation [modification apportée par la loi n°2009-529 du 12 mai 2009]. »
Article L. 111-1 modifié par la loi n°2010-853 du 23 juill. 2010
« I. - Tout professionnel vendeur de biens doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien.
II. - Le fabricant ou l'importateur de biens meubles doit informer le vendeur professionnel de la période pendant laquelle les pièces indispensables à l'utilisation des biens seront disponibles sur le marché. Cette information est obligatoirement délivrée au consommateur par le vendeur, avant la conclusion du contrat.
III. - En cas de litige portant sur l'application des I et II, il appartient au vendeur de prouver qu'il a exécuté ses obligations. »
« Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Un décret en Conseil d'État, pris après avis de la commission instituée à l'article L. 534-1, détermine une liste de clauses présumées abusives ; en cas de litige concernant un contrat comportant une telle clause, le professionnel doit apporter la preuve du caractère non abusif de la clause litigieuse.
Un décret pris dans les mêmes conditions détermine des types de clauses qui, eu égard à la gravité des atteintes qu'elles portent à l'équilibre du contrat, doivent être regardées, de manière irréfragable, comme abusives au sens du premier alinéa.
Ces dispositions sont applicables quels que soient la forme ou le support du contrat. Il en est ainsi notamment des bons de commande, factures, bons de garantie, bordereaux ou bons de livraison, billets ou tickets, contenant des stipulations négociées librement ou non ou des références à des conditions générales préétablies.
Sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1156 à 1161, 1163 et 1164 du code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat. Il s'apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l'exécution de ces deux contrats dépendent juridiquement l'une de l'autre.
Les clauses abusives sont réputées non écrites.
L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.
Le contrat restera applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans lesdites clauses.
Les dispositions du présent article sont d'ordre public. »
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