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[ 30 septembre 2021 ] Imprimer

Introduction au droit

Les caractères de la règle de droit

DAE vous propose, en ce début d’année universitaire, de faire un point sur les caractères de la règle de droit.

■ Un caractère abstrait

Parce qu’elle « concerne chacun et ne vise personne en particulier » (J.-L.Aubert et E.Savaux, Introduction au droit et thèmes fondamentaux du droit civil, Sirey, 16e éd., 2016, n° 8), la règle de droit, générale et impersonnelle, est abstraite. En dépend son impartialité, indispensable dans un régime démocratique.

● Dans la forme, l’abstraction de la règle juridique se traduit souvent par l’emploi de pronoms indéfinis.

Exemples

Code civil, art. 8 :  « Tout Français jouira des droits civils »

Code civil, art. 9 : « Chacun a droit au respect de sa vie privée ».

● Dans le fond, ce caractère abstrait (ou encore général et impersonnel) signifie que la règle de droit s’applique à un nombre indéterminé de personnes placées dans la situation visée par la règle ; en ce sens, la règle de droit s’oppose à la mesure individuelle qui cible une ou plusieurs personnes expressément nommées.

Exemples de distinction entre règle de droit et mesure individuelle 

- Sont des règles de droit les textes qui prévoient les modalités de désignation des titulaires de certaines fonctions, comme la fonction à la présidence du Conseil constitutionnel (Ord. n° 58-1067 du 7 nov.1958, art. 1er : « Le président du Conseil constitutionnel est nommé par décision du Président de la République. Il est choisi parmi les membres du Conseil, nommés ou de droit ».

- Sont des mesures individuelles les décrets qui portent nomination de telle ou telle personne à de telles fonctions (Décr. du 19 févr. 2016 nommant Laurent Fabius à la présidence du Conseil constitutionnel, JO du 20 févr.: « (…) Décide : M. Laurent Fabius est nommé président du Conseil constitutionnel en remplacement de Jean-Louis Debré. Fait le 19 février 2016. François Hollande ».

■ Un caractère obligatoire

● Commun à toute règle de conduite, ce caractère n’est pas propre à la règle juridique. Il est toutefois constitutif de sa définition : la règle de droit est obligatoire. La liberté de l’appliquer n’existe pas. Elle s’impose à tous.

● Commun à toute règle juridique, ce caractère obligatoire connaît toutefois une différence de degrés, justifiant la distinction suivante : 

- les règles dites impératives, dont le caractère obligatoire est absolu en sorte qu’aucun individu ne peut jamais se soustraire à son application ;

Exemples

Code pénal, art. 222-1 : L’interdiction de tuer par commission d’un meurtre est puni de trente ans de réclusion criminelle.

Cette règle impérative, relevant même de l’ordre public, s’applique de manière absolue. La volonté particulière de son auteur, telle que celle d’expier son acte ou la promesse de ne pas le réitérer, sera inefficace : elle ne lui permettra pas d’échapper à la sanction pénale.

- les règles dites supplétives (de volonté) qui régissent une situation à moins que les individus aient prévu de l’écarter. Elles sont ainsi nommées car elles suppléent l’absence de volonté contraire des sujets de droit. Le caractère obligatoire de la règle de droit supplétive est ainsi d’un degré moindre que celui attaché à la règle de droit impérative ; il reste néanmoins acquis, la règle n’étant pas non plus incitative (comp. avec les avis, recommandations, etc., relevant d’un « droit souple », non obligatoire en principe mais appliqué en pratique, v. C. Thibierge, « Le droit souple. Réflexion sur les textures du droit », RTD civ. 2003. 599). Cette moindre force normative s’explique simplement par la valeur conférée à la règle, utile au bon fonctionnement de la société sans pour autant lui être essentielle : là réside le critère de distinction entre les règles supplétives et les règles impératives, les deux répondant, avec une seule différence de degrés, au caractère obligatoire constitutif de la règle juridique (A. Marais, Introduction au droit, Vuibert, 10e éd., n° 32, p. 47). 

Exemple

Code civil, art. 1387 : la loi n’impose aux époux le régime légal de la communauté réduite aux acquêts qu’à défaut pour eux d’avoir conclu d’autres « conventions spéciales » relatives à leurs biens, « que les époux peuvent faire comme ils le jugent à propos, pourvu qu’elles ne soient pas contraires aux bonnes mœurs ou aux dispositions qui suivent ». La soumission des époux au régime légal de la communauté ne s’impose donc que si ces derniers n’ont pas conclu de contrat de mariage. C’est dire que les époux peuvent choisir d’écarter l’application de ce régime légal en passant un contrat de mariage (de séparation de biens notamment) devant notaire.

■ Un caractère coercitif

Il constitue non seulement un élément de définition de la règle de droit mais également, et surtout, son élément distinctif : la singularité de la règle de droit, en comparaison des autres règles de conduite (morale, religieuse, etc.), réside dans son caractère coercitif. En effet, la règle de droit fait toujours l’objet d’une coercition, le plus souvent étatique, ou bien supra-étatique : lorsque la règle est supranationale, celle-ci fait l’objet d’un contrôle juridictionnel européen ou international en sorte qu’en cas de violation, la sanction de la règle de droit n’est pas étatique, mais supra-étatique. 

En toute hypothèse, la sanction de la règle de droit par une autorité publique dotée d’un pouvoir juridictionnel de contrainte est sans nul doute le critère de la règle de droit. 

Cela signifie que la règle de droit est assortie de sanctions qui lui sont spécifiques ; celles-ci se déclinent en trois types : exécution, réparation et punition. 

● Exécution : possibilité pour le juge d’ordonner au contrevenant d’exécuter la règle enfreinte.

Exemple

Le créancier peut saisir le juge pour obtenir du débiteur qu’il exécute le contrat.

● Réparation : possibilité pour une personne victime d’un « préjudice » causé par la violation de la règle de droit d’en obtenir réparation auprès du responsable.

Exemple

Une personne qui est blessée à la suite du comportement fautif d’un tiers pourra, si les conditions de sa faute sont établies, demander à ce dernier des dommages-intérêts.

● Punition : répression d’un comportement antisocial justifiant, en droit pénal, le prononcé d’une peine. En droit civil, l’idée de punition est en revanche quasi absente. Les sanctions prévues ont en général un but indemnitaire ; ce n’est qu’à titre exceptionnel qu’elles revêtent un caractère punitif. 

Les peines prévues sont diverses, graduées selon la gravité du comportement fautif, et cumulables.

Exemples

Code pénal, art. 221-3 : commis avec préméditation ou guet-apens, le meurtre constitue un assassinat puni de la réclusion criminelle à perpétuité.

Code pénal, art. 221-6: l’homicide involontaire est puni de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 euros (al. 1er) ; en cas de violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, les peines encourues sont portées à 5 ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende.

 

Auteur :Merryl Hervieu


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