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Droit des obligations
Les conditions de l'exigence de proportionnalité de l'engagement de la caution
Mots-clefs : Cautionnement, Solidarité, Proportionnalité, Appréciation
La disproportion d’un cautionnement doit être appréciée au moment de la conclusion du contrat au regard des ressources de chaque caution, en considération de son endettement global.
La loi n° 2003-721 du 1er août 2003 relative à l'initiative économique a prolongé, par l'article L. 341-4 du Code de la consommation, la sanction jurisprudentielle du cautionnement excessif. En effet, par un arrêt de principe du 17 juin 1997, dit Macron, la chambre commerciale de la Cour de cassation avait déjà consacré, indépendamment du Code de la consommation, une exigence de proportionnalité entre le montant de la garantie et les ressources de la caution. Désormais, le texte de l’article L. 341-4 du Code de la consommation, figurant au visa de la décision rapportée, constitue « le siège » de l'exigence de proportionnalité en matière de cautionnement, même si le principe jurisprudentiel antérieur de proportionnalité continue de pouvoir s’appliquer, mais uniquement aux cautionnements consentis par des créanciers non professionnels ou par des personnes morales, non visés par le texte.
Celui-ci prévoit qu’ « un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus (…) ». Or, l’application de cette disposition soulève certaines difficultés, ne serait-ce que parce que la disproportion n'obéit pas à un paramètre purement mathématique et fait l'objet d'une nécessaire appréciation par le juge.
En l’espèce, des parents et leur fils se portent cautions solidaires d’un prêt consenti à une société. Celle-ci est par la suite placée en liquidation judiciaire. La banque déclare en conséquence sa créance et assigne les cautions en paiement. L’une d’entre elles oppose à la banque la disproportion de son engagement. La cour d’appel la déboute de sa demande et la condamne solidairement au remboursement du prêt garanti. Pour écarter le caractère disproportionné de l’engagement de caution, la cour retient que le prêt litigieux fut également garanti par deux autres cautions, solvables, et que les autres engagements de caution souscrits par ailleurs par l’appelant ne peuvent être pris en considération dès lors qu’ils ne correspondent qu’à des dettes éventuelles.
La Cour de cassation censure cette analyse aux motifs :
– d’une part, que la disproportion doit être appréciée lors de la conclusion du contrat de cautionnement au regard du montant de l’engagement souscrit et des biens et revenus de chaque caution ;
– et, d’autre part, que la disproportion doit être appréciée en considération de l’endettement global de la caution, y compris celui résultant d’engagements de caution autres que celui contesté.
Le défaut de proportionnalité peut être invoqué par toute caution personne physique, à condition de pouvoir établir l’inadaptation de l’engagement souscrit à sa situation personnelle. L’adéquation commandée par l’exigence de proportionnalité est objective, le créancier devant mettre en relation le montant de l’engagement envisagé avec l’état financier et patrimonial de la caution, afin de lui éviter tout risque d’endettement excessif.
Dans cette perspective, en cas de pluralité de cautions, les contraintes objectives de chacune doivent être prises en compte. C’est la raison pour laquelle la Cour de cassation rappelle, en l’espèce, le principe selon lequel l'existence d'autres garanties est sans incidence sur la réalité de la disproportion de l'engagement de la caution, celle-ci devant s'apprécier exclusivement, lors de la conclusion de l'engagement, au regard de ses biens et revenus (v. déjà, Com. 5 avr. 2011, inédit). Elle reproche, en conséquence, aux juges du fond d’avoir tenu compte de la garantie apportée par les deux autres cautions engagées, alors qu’une juste mise en œuvre du principe de proportionnalité supposait de tenir compte des situations respectives de chaque caution.
Une autre précision importante est également apportée : si le créancier doit veiller à la proportionnalité de l’engagement d’une caution indépendamment des autres garanties souscrites, il doit, au contraire, prendre en considération les autres engagements de caution pris par celle avec laquelle il contracte.
Com. 22 mai 2013, n°11-24.812
Références
■ Article L. 341-4 du Code de la consommation
« Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. »
■ Com. 17 juin 1997, n°95-14.105, RTD civ. 1998. 100, obs. Mestre.
■ Com. 5 avr. 2011, n° 10-18.106.
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