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[ 24 septembre 2025 ] Imprimer

Libertés fondamentales - droits de l'homme

Les conditions d’octroi du congé de paternité et d’accueil de l’enfant

Ne sont pas contraires à la Constitution les dispositions qui excluent du congé de paternité et d’accueil de l’enfant l’homme vivant avec le père.

Cons. const. 8 août 2025, Assoc. des parents et futurs parents gays et lesbiens, n° 2025-1155 QPC

Le Conseil d’État a saisi le Conseil constitutionnel d’une QPC sur les articles L. 1225-35 du code du travail et L. 623-1 du code de la sécurité sociale relatifs aux conditions d’octroi du congé de paternité et d’accueil de l’enfant (CE 4 juin 2025, n° 497765). Le 8 août 2025, le Conseil constitutionnel confirmait, sous une réserve, la conformité à la Constitution de ces deux articles.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 (L. n° 2001-1246 du 21 déc. 2001) a instauré le congé de paternité ouvert au père salarié de l'enfant (CSS, art. L. 623-1 et C. trav., art. L. 1225-35 ; cette même LFSS a également créé le congé d'adoption). L’article L. 1225-35 du code du travail a ensuite été modifié par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 en ouvrant ce congé au «conjoint salarié de la mère ou la personne salariée liée à elle par un pacte civil de solidarité ou vivant maritalement avec elle» (L. n° 2012-1404 du 17 déc. 2012), devenant le congé de paternité et d'accueil. 

Ainsi, actuellement, les bénéficiaires du congé de paternité et d’accueil de l’enfant sont le père de l’enfant marié ou lié par un Pacs avec la mère (même séparé) ; le conjoint ou le concubin qui vit en couple avec la mère et, pour un couple de femmes et en cas de reconnaissance conjointe anticipée, la mère qui n'a pas accouché (mariée, pacsée ou en union libre). Ce congé est de 25 jours (32 en cas de naissances multiples) ; 4 jours doivent être pris dans le prolongement des 3 jours légaux pour naissance; les 21 jours restant pourront être pris dans les 6 mois de la naissance (art. D. 1225-8) et sont fractionnables (en 2 périodes d'une durée minimale de 5 jours chacune). Par ailleurs, ce congé est indemnisé par la sécurité sociale au même titre que le congé de maternité et dans les conditions fixées par le droit de la sécurité sociale (CSS, art. L. 331-8).

■ Les requérants invoquaient devant le Conseil constitutionnel la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi (DDH, art. 6). En effet, lorsqu’un couple d’hommes accueille un enfant et que le lien de filiation n’est établi que pour l’un d’eux, l’autre homme ne peut pas bénéficier du congé de paternité et d’accueil de l’enfant.

Cette différence de traitement est justifiée par une différence de situation. En effet, ce congé a notamment deux objectifs qui se cumulent entre eux : 

-        permettre au père d’être présent auprès de l’enfant dès les premiers jours de l’accouchement, le lien de filiation conférant des droits et obligations à l’égard de l’enfant. Le Conseil constitutionnel rappelle par une réserve d’interprétation, que dans le cas d’un couple de femmes ayant eu recours à une PMA, les dispositions contestées des articles du code du travail et du code de la sécurité sociale, ne sauraient sans méconnaître le principe d’égalité devant la loi, être interprétées comme excluant du bénéfice du congé de paternité et d’accueil de l’enfant la femme ayant signé une reconnaissance conjointe établissant la filiation de l’enfant ;

-        éviter qu’une mère reste isolée après avoir accouché. En effet, pendant cette période, une mère est particulièrement vulnérable et il convient de protéger sa santé physique et morale. La société, grâce à la sécurité sociale, permet par ce congé de soutenir la mère de l’enfant à la suite d’un accouchement.

Ainsi, l’exclusion du compagnon du père du congé de paternité et d’accueil de l’enfant n’est pas une exclusion liée au genre, ni une discrimination en raison de l’homosexualité, elle est simplement liée à l’absence de la mère de l’enfant dans le couple. Le père n’est pas exposé, après la naissance de l’enfant aux mêmes risques que la mère ayant accouché. La situation du partenaire du père de l’enfant est différente de celle de la personne qui vit avec la mère (V . également une décision la C. cass. du 30 nov. 2023, n° 22-10.559 relative à la prime de naissance qui exclut de cette prime un couple d’hommes ayant obtenu un enfant par GPA : « si la prime à la naissance a notamment pour objet de permettre au ménage ou à la personne de faire face aux dépenses liées à l'arrivée d'un enfant, elle répond également à un objectif sanitaire de surveillance et de protection de la mère et de l'enfant à naître. Il s'ensuit que pour prétendre au bénéfice de la prime à la naissance, la mère de l'enfant à naître doit appartenir au ménage auquel la prime est attribuée, de sorte qu'un allocataire ayant eu recours à une convention de gestation pour le compte d'autrui ne peut obtenir le versement de cette prestation familiale »).

■ Les requérants invoquaient également la méconnaissance du droit de mener une vie familiale normale et de l’exigence de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant (Préamb. Const. 1946, al. 10 et 11). Ils estimaient notamment que les dispositions contestées privaient l’enfant du bénéfice d’une double présence parentale en excluant le conjoint du père et instituait une discrimination entre nourrissons selon le mode de conception de l’enfant. Certains intervenants à l’audience ont simplement rappelé que la GPA était interdite en droit français. Le Conseil constitutionnel précise que les dispositions contestées sont relatives à l’attribution d’une prestation sociale pour certaines catégories de travailleurs qui leur donne droit à bénéficier d’un congé indemnisé ou du versement d’indemnités journalières lors de la naissance d’un enfant s’ils cessent d’exercer leur activité professionnelle. Ces dispositions n’ont pas pour objectif d’interdire la présence de parents ou de proches auprès de l’enfant dans la période qui suit sa naissance. Ainsi, elles ne méconnaissent pas par elle-même le droit de mener une vie familiale normale ni la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Références

■ CE 4 juin 2025, n° 497765 : AJ fam. 2025. 364, obs. A. Dionisi-Peyrusse

■ Civ. 2e, 30 nov. 2023, n° 22-10.559 : D. 2024. 464, note R. Vessaud ; ibid. 441, obs. M. Douchy-Oudot ; ibid. 891, obs. RÉGINE ; RDSS 2024. 322, note M. Mesnil ; RTD civ. 2024. 81, obs. A.-M. Leroyer

 

Auteur :Christelle de Gaudemont

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