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Droit de la famille
Les conséquences de l’annulation pour bigamie d’un premier mariage sur la validité du second
Mots-clefs : Famille, Mariage, Bigamie, Nullité
La nullité du premier mariage entraînant sa disparition rétroactive, le second mariage célébré entre les mêmes personnes ne peut être annulé du chef de bigamie, quand bien même la nullité du premier serait prononcée après la célébration du second.
Si la bigamie est la cause la plus fréquemment invoquée pour faire annuler un mariage, les effets de l’annulation d’une union ainsi contractée suscitent encore des difficultés d’application que la première chambre civile, par la décision rapportée, contribue à dissiper.
En l’espèce, un couple s’était marié en Algérie en 2001 alors que l’époux était déjà marié à une femme dont il ne divorça qu’un an plus tard. En 2005, le même couple se maria à nouveau, en France. Saisi par le procureur de la République en annulation du mariage célébré en 2005 pour bigamie, et à titre reconventionnel, par l’épouse en annulation du mariage célébré en 2001, le tribunal de grande instance accueillit ces demandes. Le jugement fut confirmé en appel, au motif que si le prononcé de la nullité du mariage célébré en 2001 l’avait fait disparaître rétroactivement, la validité du second mariage devait s’apprécier au jour de sa célébration. Or, à cette date, les époux se trouvaient, selon les juges du fond, en état de bigamie, le mariage célébré en 2001 n’étant pas, en 2005, encore dissous. C’est cette analyse qui se trouve censurée par la Cour de cassation.
Au visa des articles 147 et 189 du Code civil, la Haute cour se fonde sur l’effet rétroactif de la nullité pour juger que puisque le premier mariage avait été annulé et qu’il était donc réputé n’avoir jamais existé, le second mariage conclu entre les mêmes personnes est nécessairement valable, peu important que l’annulation du premier mariage eut été prononcée après la célébration du second.
La bigamie est une cause de nullité absolue du mariage (C. civ., art. 184). Les deux époux peuvent agir en nullité, même celui qui est à l’origine de la nullité. En l’espèce, la demanderesse à l’action était l’épouse en secondes noces. Celle-ci était en droit, après avoir découvert que le premier mariage de son conjoint n’était pas dissous lors de la cérémonie, de solliciter la nullité de sa propre union (Civ. 1re, 26 oct. 2011).
Quant au procureur de la République, celui-ci est tenu de demander la nullité des mariages bigames dont il a connaissance, sous réserve d’agir du vivant des époux. C’est la raison pour laquelle il sollicita, en l’espèce, l’annulation du mariage célébré en France, en 2005, sans pouvoir en revanche requérir celle du mariage célébré quelques années plus tôt en Algérie puisque dans le cas d’un mariage célébré à l’étranger, le ministère public ne peut demander la nullité d’un acte public établi par une autorité étrangère ; il peut simplement, dans cette hypothèse, obtenir l’inopposabilité en France des effets du mariage pour défaut d’intention matrimoniale (Civ. 1re, 6 mai 2009).
Outre la question des personnes autorisées à agir, la décision rapportée offre surtout l’occasion de rappeler la spécificité des conditions de l’action en nullité d’un mariage bigame. En effet, dans le cas particulier de l’action en nullité pour bigamie, si l’auteur de l’action oppose la nullité d’une précédente union, la validité ou la nullité de ce mariage doit être jugée préalablement (C. civ., art. 189). Les juges doivent alors surseoir à statuer sur la nullité du second mariage jusqu’à ce que la validité de la première union soit tranchée (Civ. 1re, 26 oct. 2011, préc.). Ce point est désormais acquis en jurisprudence.
Dans cette affaire, les juges du fond avaient pourtant fait une mauvaise application de la règle en paralysant le jeu de la rétroactivité inhérente à la nullité. En effet, par principe, la nullité, qu’elle soit relative ou absolue, entraîne l’anéantissement rétroactif du mariage, sous la réserve bien connue du mariage putatif, qui limite à l’avenir les effets de l’annulation. Soulignons, qu’en l’espèce, cette exception ne pouvait jouer car sa condition essentielle, la bonne foi du ou des époux, est nécessairement écartée lorsque l’irrégularité entachant le mariage révèle, par elle-même, la mauvaise foi d’au moins un des époux. Or, un Français ne peut prétendre ignorer l’interdiction de la bigamie en France (à l’inverse d’un étranger originaire d’un pays qui l’admet). Par conséquent, l’effet rétroactif de la nullité du mariage célébré en 2001 devait jouer pleinement. Celui-ci était donc censé n’avoir jamais existé. Le second mariage ne pouvait donc, en raison de la disparition rétroactive du premier, être annulé du chef de bigamie, et peu important, dès lors, la date du prononcé de la nullité du premier mariage. Même si elle intervient après la célébration du second, l’effet rétroactif de l’annulation commande de considérer ce mariage comme valable.
Civ. 1re, 25 sept. 2013, n°12-26.041
Références
■ Code civil
« On ne peut contracter un second mariage avant la dissolution du premier. »
« Tout mariage contracté en contravention aux dispositions contenues aux articles 144, 146, 146-1, 147, 161, 162 et 163 peut être attaqué, dans un délai de trente ans à compter de sa célébration, soit par les époux eux-mêmes, soit par tous ceux qui y ont intérêt, soit par le ministère public. »
« Si les nouveaux époux opposent la nullité du premier mariage, la validité ou la nullité de ce mariage doit être jugée préalablement. »
■ Civ. 1re, 26 oct. 2011, n°10-25.285, RTD civ. 2012. 54, obs. Hauser.
■ Civ. 1re, 6 mai 2009, n°07-21.826, RTD civ. 2009. 509, obs. Hauser.
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