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Droit du travail - relations individuelles
Les conséquences du harcèlement moral et sexuel
Mots-clefs : Harcèlement moral, Harcèlement sexuel, Responsabilité de l’employeur, Obligation de sécurité de résultat, Licenciement pour faute grave
L’employeur manque à son obligation de sécurité de résultat lorsqu’un salarié est victime de harcèlement moral ou sexuel. Il appartient au juge du fond de vérifier si le manquement de l’employeur avait empêché la poursuite du contrat de travail.
Prohibé à l’article L.1152-1 du Code du travail, le harcèlement moral n’est pas défini par le législateur qui se contente d’énoncer qu’ « [a]ucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ». Le harcèlement sexuel, quant à lui, est caractérisé par « le fait d'imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité […], soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante » (C. pén., art. 222-33, I).
Notons que le harcèlement moral et le harcèlement sexuel, bien qu’en partie différents dans leurs éléments constitutifs, semblent néanmoins entretenir des liens étroits : le refus de l’un peut parfois être la cause de l’autre. Des avances sexuelles éconduites peuvent, par la suite, donner lieu à des représailles caractérisées par des agissements de harcèlement moral (Crim. 3 sept. 2014). Certains se demandent, d’ailleurs, si le harcèlement sexuel « ne serait pas, au fond, […] qu’une catégorie particulière de harcèlement moral » voire même « qu’un harcèlement moral à connotation sexuelle » (v. P. Adam, § 64).
Dans l’espèce rapportée, une salariée a été victime de harcèlement moral, émanant de son supérieur hiérarchique, à la suite de la divulgation de faits de harcèlement sexuel, également commis par ce dernier, à la direction. Souffrant du syndrome anxio-dépressif imputable aux agissements de harcèlement, la salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail et a saisi la juridiction prud’homale pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi qu’aux fins d’obtenir des dommages et intérêts pour harcèlement moral et sexuel.
Dans de telles circonstances, plusieurs problématiques apparaissent.
■ Quid de l’obligation de sécurité de résultat de l’employeur ?
Débiteur d’une obligation de sécurité de résultat, l’employeur doit prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral (C. trav., art. L. 1152-4).
Partant, la Haute juridiction a considéré que les mesures prises a postériori de la dénonciation par la victime des agissements de harcèlement – le licenciement de l’auteur du harcèlement pour faute grave – étaient insuffisantes. Elle a alors réaffirmé (Soc. 30 oct. 2013) que l’employeur manque à son obligation « lorsqu’un salarié est victime sur le lieu de travail d’agissement de harcèlement moral ou sexuel exercés par l’un ou l’autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures pour faire cesser ces agissements ».
■ Faut-il en déduire une obligation de licencier le salarié, auteur du harcèlement ?
« Tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement moral est passible d’une sanction disciplinaire » (C. trav., art. L. 1152-5). La question du licenciement pour faute grave dans le cadre du harcèlement n’est pourtant pas si claire. Si la Cour de cassation a affirmé à plusieurs reprises que le harcèlement sexuel constitue une faute grave (Soc. 10 févr. 2009 ; Soc. 5 mars 2002), il n’en est pas de même pour le harcèlement moral. En effet, ce n’est pas l’obligation de prévenir ou de faire cesser les agissements de harcèlement qui impose en elle-même la rupture immédiate du contrat de travail (Soc. 22 oct. 2014). Il semble que ce soit davantage sur le terrain du pouvoir disciplinaire que se trouve le débat puisque le législateur ne saurait instaurer une obligation de sanctionner (v. P. Adam, § 231). Toutefois, le choix patronal semble s’avérer assez simple puisque la gravité du harcèlement justifie en elle-même l’impossibilité de maintenir le salarié dans l’entreprise.
En l’espèce, l’employeur a, à bon droit, licencié pour faute grave le salarié auteur de harcèlement moral et sexuel.
■ Le manquement de l’employeur empêche-t-il la poursuite du contrat de travail du salarié victime du harcèlement ?
Les mesures prises par l’employeur à la suite de la révélation des faits de harcèlement ne peuvent effacer son manquement à l’obligation de sécurité de résultat qui lui incombe.
En l’espèce, la salariée victime du harcèlement, souffrant d’un syndrome anxio-dépressif imputable aux agissements subis, a pris acte de la rupture de son contrat de travail. Se fondant sur l’absence de manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité de résultat, les juges d’appel ont requalifié la prise d’acte en démission.
Or la Haute juridiction rappelle qu’il appartient au juge du fond « d’apprécier si [le manquement de l’employeur] avait empêché la poursuite du contrat de travail ». Partant, la Cour de cassation reconnaît que les faits de harcèlement peuvent ne pas être constitutifs d’un manquement suffisamment grave qui serait alors susceptible de justifier la prise d’acte par la salariée.
Soc. 11 mars 2015, n°13-24.52
Références
■ Rép. travail, V°« Harcèlement moral », par P. Adam.
■ Crim. 3 sept. 2014, n°13-86.473.
■ Soc. 30 oct. 2013, n°12-15.133.
■ Soc. 10 févr. 2009, n°07-44.953.
■ Soc. 5 mars 2002, n°00-40.717.
■ Soc. 22 oct. 2014, n°13-18.862.
■ Code du travail
« Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »
« L'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.
Les personnes mentionnées à l'article L. 1152-2 sont informées par tout moyen du texte de l'article 222-33-2 du code pénal. »
« Tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement moral est passible d'une sanction disciplinaire. »
■ Article 222-33 du Code pénal
« I. - Le harcèlement sexuel est le fait d'imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.
II. - Est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d'user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers.
III. - Les faits mentionnés aux I et II sont punis de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende.
Ces peines sont portées à trois ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende lorsque les faits sont commis :
1° Par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ;
2° Sur un mineur de quinze ans ;
3° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur ;
4° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de leur auteur ;
5° Par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice. »
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