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Droit des obligations
Les conséquences procédurales de l’indivisibilité conventionnelle
Mots-clefs : Indivisibilité des conventions, Qualité à agir du cocréancier, Rupture des contrats, Indemnisation du préjudice personnel
Le cocréancier d’une obligation indivisible inexécutée ne peut agir seul en rupture des contrats qui constituent l’ensemble contractuel mais peut toujours agir seul en réparation de son préjudice personnel.
Par une première convention, plusieurs hectares de terres agricoles, un logement indépendant et des bâtiments agricoles ont été mis à la disposition d'un occupant. En contrepartie d'une occupation gratuite des lieux, une seconde convention a été conclue entre l'occupant, d'une part, la propriétaire des lieux et son fils, d'autre part, tendant à la prise en charge et à l'entretien par l'occupant des chevaux appartenant aux intéressés. Prétendant avoir récupéré les animaux dans un état déplorable et invoquant des dégradations dans les lieux occupés, la propriétaire des lieux a agi en rupture des deux conventions ainsi qu'en paiement de dommages-intérêts. En première instance puis en appel, ses demandes ont été jugées irrecevables pour défaut de qualité à agir, son fils, propriétaire d'un des sept chevaux, n’étant pas partie à l'instance. Au soutien de son pourvoi, la propriétaire fait valoir que la cour d’appel n’a pas caractérisé l’indivisibilité des conventions en cause et qu’en l’absence d’indivisibilité instituée entre les créanciers, un créancier peut agir seul en résolution de la convention à laquelle il est partie et en indemnisation du dommage subi. La question de la caractérisation de l’indivisibilité conventionnelle se trouvait donc posée à la Cour de cassation afin de juger de la recevabilité de l’action en réparation et en rupture des conventions intentée par un seul des cocréanciers. À cette question, la Cour de cassation répond en distinguant la question de la demande de rupture de celle de réparation. Concernant la rupture, la Cour retient que ces deux contrats constituant bien un ensemble interdépendant et indivisible, celle-ci emporterait l’anéantissement des obligations souscrites en faveur du créancier, non représenté, et qu’en conséquence, la cour d'appel en a exactement déduit que la propriétaire ne pouvait agir seule en rupture de ces deux contrats. En revanche, elle affirme que l’indivisibilité entre plusieurs conventions ne saurait priver un des contractants de la possibilité d’agir seul en réparation de ses préjudices personnels ; partant, la demanderesse avait qualité pour agir quoique le cocréancier ne fût pas régulièrement représenté à la procédure.
L’appréciation de l’indivisibilité n’est pas chose aisée. Elle est pourtant nécessaire au regard des conséquences qu’elle emporte. Parfois objective (naturelle) en ce sens que les prestations ne pourraient pas se concevoir séparément, l’indivisibilité est le plus souvent subjective (conventionnelle) car elle résulte de la volonté des parties. Dans ce dernier cas, il appartient aux juges du fond d’apprécier souverainement la réalité du lien d’indivisibilité. Cette appréciation est surtout nécessaire dans l’hypothèse, celle de l’arrêt commenté, où la volonté des parties ne s’est pas expressément manifestée : il appartient alors au juge de la déduire de l’attitude des parties et de l’économie de l’ensemble en cause. En l’espèce, il ressort du contrôle de qualification opéré par la première chambre civile que les deux contrats conclus entre les parties, sans être naturellement indivisibles, forment néanmoins un contrat unique puisque l’obligation de payer les loyers définie à un contrat est remplie par l’exécution de la prise en charge de l’entretien et de la valorisation des chevaux prévus par l’autre contrat. La qualification d’ensemble indivisible emporte un certain nombre de conséquences, la plus connue concernant les effets de la disparition de l’un des contrats — quelle qu’en soit la cause (nullité, résolution, résiliation) — laquelle emporte la caducité de ceux qui lui sont indivisiblement liés. Cet arrêt a le mérite de préciser les effets procéduraux, plus rarement évoqués, d’une telle qualification. Ainsi, le cocréancier de l’obligation indivisible inexécutée ne peut agir seul en rupture de contrats interdépendants. L’indivisibilité rejaillit sur le plan procédural en sorte qu’un cocréancier ne peut former seul une demande dont l’accueil aboutirait à anéantir la créance d’un autre. Empruntant à la solidarité, l’indivisibilité implique en effet que le jugement obtenu contre l’un des cocréanciers a autorité envers les autres. En ce sens, le Code de procédure civile prévoit qu’en cas d’indivisibilité, l’appel ou le pourvoi formé contre l’un n’est recevable que si tous sont appelés à l’instance (art. 553 et 615 C. pr. civ.). En revanche, le cocréancier peut agir seul en réparation de son préjudice personnel, par essence extrait du champ de l’indivisibilité contractuelle.
Civ. 1re, 22 mars 2012, pourvoi n°09-72.792
Références
Indivisibilité
[Droit civil]
« État de ce qui ne peut être divisé et doit être envisagé dans son ensemble. Se dit principalement des obligations dont l’exécution partielle est impossible en raison soit de la nature de l’objet de l’obligation, soit de la volonté des parties. »
[Procédure civile]
« Il y a indivisibilité lorsque la situation juridique qui est l’objet du procès intéresse plusieurs personnes, de telle manière que l’on ne peut la juger sans que la procédure et le jugement retentissent sur tous les intéressés.
Connexité renforcée, l’indivisibilité exerce principalement son influence sur la compétence, sur l’exercice et les effets des voies de recours. »
Source : Lexique des termes juridiques 2012, 19e éd., Dalloz, 2011.
■ Code de procédure civile
En cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, l'appel de l'une produit effet à l'égard des autres même si celles-ci ne se sont pas jointes à l'instance ; l'appel formé contre l'une n'est recevable que si toutes sont appelées à l'instance.
« En cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties le pourvoi de l'une produit effet à l'égard des autres même si celles-ci ne sont pas jointes à l'instance de cassation.
Dans le même cas, le pourvoi formé contre l'une n'est recevable que si toutes sont appelées à l'instance. »
« L'obligation est indivisible, quoique la chose ou le fait qui en est l'objet soit divisible par sa nature, si le rapport sous lequel elle est considérée dans l'obligation ne la rend pas susceptible d'exécution partielle. »
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