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Droit des obligations
Les effets de la subrogation conventionnelle limités par l’autorité relative de la chose jugée
Mots-clefs : Subrogation, Subrogation conventionnelle, Autorité relative de la chose jugée au profit du subrogeant, Conservation du droit d’agir en justice du subrogé
Le subrogé est fondé à solliciter la condamnation à son profit du débiteur quand bien même celui-ci aurait déjà été condamné au profit du subrogeant.
Un établissement de crédit avait consenti à un couple quatre prêts garantis par des hypothèques conventionnelles portant sur un immeuble leur appartenant. Cet établissement avait, par ailleurs, accordé à une société un prêt dont le couple s’était porté caution. À la suite de la défaillance de cette société, l’établissement de crédit avait obtenu, par jugement du 13 octobre 1992, la condamnation de l’épouse au paiement d’une certaine somme et fait inscrire une hypothèque judiciaire sur le même immeuble. La liquidation judiciaire de l’époux ayant été prononcée, le partage de l’indivision existant entre lui et son épouse et la licitation de leur bien immobilier avaient été ordonnées par jugement du 9 mars 1994. Après qu’un état de compte de liquidation et de partage du prix de vente eut été dressé, une SCP avait versé à l’épouse, en sa qualité d’avocat du mandataire liquidateur, une somme de 60 000 euros environ, sans tenir compte des inscriptions hypothécaires grevant le bien. La société assurant cette SCP avait alors indemnisé l’établissement de crédit puis, subrogée dans les droits de celui-ci, avait assigné l’épouse en remboursement de cette somme.
Pour rejeter sa demande, la cour d’appel considéra d’une part que l’assureur avait manqué à la charge de la preuve qui lui incombait. Relevant en ce sens que s’il avait produit la copie des actes notariés de prêt souscrits par le couple, les décomptes de créance versés aux débats, relatifs à quatre prêts, dont la date de signature n’était pas précisée, ne permettaient pas, en l’absence de tableaux d’amortissement, de vérifier leur correspondance à ces contrats. En outre, ceux-ci mentionnaient un principal et des intérêts sans ventilation des sommes dues au titre du capital restant dû, des échéances impayées et des frais.
Les juges du fond rejetèrent, d’autre part, sa demande au motif que la débitrice ayant déjà été condamnée par jugement rendu le 13 octobre 1992, cela suffisait à constituer un titre exécutoire.
La Cour de cassation censure leur analyse.
Au visa de l’article 1315 du Code civil, elle reproche, tout d’abord, à la cour d’appel d’avoir inversé la charge de la preuve dans la mesure où l’assureur ayant apporté la preuve de l’existence des contrats de prêt sur lesquels il fondait ses demandes, il incombait à la débitrice, qui ne contestait pas que les fonds lui avaient été remis, de justifier qu’elle s’était libérée de ses obligations.
Il s’agit là d’une application classique des règles relatives à la charge de la preuve de son obligation telles qu’elles sont prévues par le texte visé. En effet, conformément au premier alinéa de ce texte, l’assureur avait bien rempli la charge lui incombant en versant aux débats, comme preuve de l’existence de sa créance contractuelle, la copie des contrats de prêt litigieux, de telle sorte qu’en vertu du second alinéa du même texte, la charge de la preuve devait dès lors peser sur la débitrice, alors tenue de justifier qu’elle avait bien restitué les fonds prêtés.
Ensuite, la Cour reproche aux juges d’avoir violé les articles 1250 et 1351 du Code civil, au motif que le subrogé est fondé à solliciter la condamnation à son profit du débiteur quand bien même celui-ci aurait déjà été condamné au profit du subrogeant. Se voit ici affirmé un tempérament notable à l’effet traditionnel de la subrogation, la transmission de la totalité de la créance, avec, donc, l’ensemble des droits et actions qui s’y attachent.
En principe, le subrogataire devient créancier du subrogé au lieu et place du créancier initial, le subrogeant. Il peut alors exercer les droits et actions qu’il reçoit par ce mode de transmission des créances, par la loi ou par convention, du subrogeant, et qu’il peut alors opposer au débiteur de ce dernier. Prenant la place du premier créancier, le subrogeant, le subrogé devrait pouvoir se prévaloir d’un jugement de condamnation rendu à son profit. Le mécanisme de la subrogation permettrait du moins de l’expliquer.
Pourtant, la Cour s’y oppose en vertu du principe de l’autorité relative de la chose jugée : en vertu de ce principe, le jugement en cause n’emportait condamnation de la caution qu’au profit du premier créancier, et sa portée ne peut être étendue à celui subrogé dans ses droits.
Outre cet argument de texte, il est encore possible de considérer que cette affirmation ne vaut que lorsque la saisie des biens du débiteur est, comme en l’espèce, en jeu mais que dans d’autres hypothèses, comme celle d’un jugement simplement relatif aux caractères de la créance, la relativité de la chose jugée ne suffirait pas à tempérer l’effet subrogatif consenti et convenu par les parties.
Civ. 1re, 10 sept. 2014, n°13-14.583
Référence
■ Code civil
« Cette subrogation est conventionnelle :
1° Lorsque le créancier recevant son paiement d'une tierce personne la subroge dans ses droits, actions, privilèges ou hypothèques contre le débiteur : cette subrogation doit être expresse et faite en même temps que le paiement ;
2° Lorsque le débiteur emprunte une somme à l'effet de payer sa dette, et de subroger le prêteur dans les droits du créancier. Il faut, pour que cette subrogation soit valable, que l'acte d'emprunt et la quittance soient passés devant notaires ; que dans l'acte d'emprunt il soit déclaré que la somme a été empruntée pour faire le paiement, et que dans la quittance il soit déclaré que le paiement a été fait des deniers fournis à cet effet par le nouveau créancier. Cette subrogation s'opère sans le concours de la volonté du créancier. »
« Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. »
« L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité. »
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