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[ 18 septembre 2017 ] Imprimer

Droit des obligations

Les effets de l’interdépendance contractuelle sur la fin du contrat

Mots-clefs : Obligations, Contrats, Interdépendance, Location financière, Effets, Résiliation, Caducité

Lorsque des contrats sont interdépendants, la résiliation de l'un quelconque d'entre eux entraîne la caducité, par voie de conséquence, des autres, sauf pour la partie à l'origine de l'anéantissement de cet ensemble contractuel à indemniser le préjudice causé par sa faute.

Les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants et la résiliation de l'un quelconque d'entre eux entraîne nécessairement la caducité des autres ; et la partie à l'origine de l'anéantissement de cet ensemble contractuel doit indemniser le préjudice causé par sa faute. Tel est le rappel d’une solution désormais classique auquel procède, dans les deux espèces rapportées, la chambre commerciale de la Cour de cassation.

Dans la première affaire, une SCP de notaires avait conclu un contrat de fourniture et d'entretien de photocopieurs, pour la souscription duquel elle avait dû conclure, concomitamment, un contrat de location financière avec un établissement bancaire. Après avoir résilié ce dernier contrat, la SCP avait informé son cocontractant de sa décision de résilier en conséquence le contrat de prestations de services. Ce dernier l'avait alors assignée en paiement de l’indemnité de résiliation anticipée stipulée dans le contrat de services, ce à quoi la SCP lui avait opposé la caducité, consécutive à la résiliation du contrat de financement, du contrat de prestations de services. Pour la condamner tout de même au versement de cette indemnité, la cour d'appel jugea que les deux conventions, dans la mesure où elles avaient une existence propre et étaient susceptibles d'exécution indépendamment l'une de l'autre, ne pouvaient pas en conséquence être considérées comme inscrites au cœur d’une opération unique au sein de laquelle la résiliation de l'un des contrats aurait eu pour effet de priver l'autre de cause et de justifier, ainsi, sa caducité. Pour motiver sa décision, la cour retint qu’en l’espèce, les conditions générales du contrat de location financière telles qu’elles avaient été librement rédigées et acceptées par l’ensemble des parties au contrat ne faisaient dépendre la conclusion, l'exécution, ou encore la résiliation du contrat de financement d'un quelconque contrat de service, lequel avait été conclu indépendamment du contrat résilié. En outre ressortaient également des termes des conditions générales que le contrat de services pouvait être passé relativement à un matériel différent de celui qui faisait l'objet du contrat de location, en sorte qu'il n'en constituait pas l'accessoire. Cette décision est cassée par la Cour de cassation au visa de l’article 1134 du Code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations. Selon la Haute juridiction, ces contrats, conclus le même jour pour réaliser une opération unique incluant une location financière, étaient interdépendants, et la résiliation de l'un avait entraîné la caducité de l'autre, excluant ainsi l'application de la clause du contrat caduc stipulant une indemnité de résiliation. 

Dans une seconde espèce, une société avait conclu un contrat de prestation de surveillance électronique d’une durée de quarante-huit mois renouvelable et quelques jours plus tard, un contrat de location de matériel pour assurer cette surveillance, d’une durée identique au contrat de prestation de services. Avant l’échéance du terme des contrats, la société obtint, avec l’accord du bailleur, la résiliation du contrat de location. Le prestataire soutenait qu’à défaut de résiliation de contrat de prestation, ce dernier avait été reconduit au terme de la période initiale, et demanda en conséquence le paiement de l’indemnité contractuelle de résiliation anticipée. La cour d’appel accueillit sa demande, au motif que la résiliation anticipée du contrat de location était sans effet sur le contrat de prestation, conclu pour une durée déterminée et irrévocable. Cet arrêt est également cassé par la Cour de cassation, qui énonce que « lorsque des contrats sont interdépendants, la résiliation de l'un quelconque d'entre eux entraîne la caducité, par voie de conséquence, des autres, sauf pour la partie à l'origine de l'anéantissement de cet ensemble contractuel à indemniser le préjudice causé par sa faute ». 

La chambre commerciale rappelle ici une solution désormais constante énoncée il y a quatre ans par la Chambre mixte (Cass., ch. mixte, 17 mai 2013, n° 11-22.927 et n° 11-22.768), et qu’elle avait aussitôt adoptée (Com. 9 juill. 2013, n° 11-19.633 et n° 11-19.634) selon laquelle les contrats concomitants ou successifs qui, même distincts, s'inscrivent dans le cadre d’une même opération incluant une location financière, sont interdépendants en sorte que l’anéantissement de l’un entraîne systématiquement la caducité des autres. Les effets de cette interdépendance se déploient mécaniquement lorsque comme dans les deux espèces rapportées, un groupe de contrats réunit un contrat de prestations et un contrat de location financière. Ce caractère systématique s'explique par la conception objective de l'interdépendance contractuelle que la Cour de cassation retient : dès l'instant où un contrat de location finance, dans un groupe de contrats, un contrat de prestation, une interdépendance existe objectivement entre les deux conventions. Ainsi conçue, l'interdépendance n'a même pas à être recherchée : elle est en soi constituée par l'appartenance au groupe de contrats d'un contrat de location financière (V. G. Loiseau, CCC 2017, n° 7-8, comm. 61, ss. Com. 18 mai 2017, n° 15-20.458). Selon cette conception purement objective de l’interdépendance contractuelle, il va de soi que la volonté des parties est indifférente ou plutôt impuissante à la combattre. La Cour de cassation l'affirmait déjà il y a quatre ans : « sont réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance » (Ch. mixte, 17 mai 2013, n° 11-22.927 et n° 11-22.768). 

Dans les deux espèces rapportées, les juges de la chambre commerciale ont en conséquence censuré les juges du fond qui avaient, dans la première, tenu compte des conditions générales du contrat de financement pour en déduire l’indépendance des conventions litigieuses et dans la seconde, tenu compte de la durée prévue par les parties au contrat de financement pour en tirer la même conclusion. Et de manière plus générale, aucune clause contractuelle ne peut désolidariser les conventions liées. Reste la question de savoir si, inapte à défaire une interdépendance objective, la volonté exprimée par les parties pourrait en revanche instaurer une interdépendance subjective en rendant des contrats indivisibles, c’est-à-dire dans le cas où l'interdépendance ne tient plus objectivement à la nature de l'opération contractuelle intégrant un contrat de location financière. Après que la chambre commerciale l’eut admis (Com. 22 janv. 2008, n° 06-18.708 et n° 06-19.610), le nouvel article 1186 alinéa 2 du Code civil issu de la réforme du droit des contrats consacre expressément cette possibilité, à la condition toutefois, pour obtenir la caducité du contrat lié, que le contractant contre lequel elle est invoquée ait connu l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'il a donné son consentement. 

Com. 12 juill. 2017, n° 15-27.703

Com. 12 juill. 2017, n° 15-23.552

Références

■ Cass., ch. mixte, 17 mai 2013, n° 11-22.927 P  et n° 11-22.768 P: D. 2013. 1658, note D. Mazeaud ; ibid. 2487, obs. J. Larrieu, C. Le Stanc et P. Tréfigny ; ibid. 2014. 630, obs. S. Amrani-Mekki et M. Mekki ; RTD civ. 2013. 597, obs. H. Barbier ; RTD com. 2013. 569, obs. D. Legeais.

■ Com. 9 juill. 2013, n° 11-19.633 et n° 11-19.634 : D. 2013. 2551, chron. A.-C. Le Bras, H. Guillou, F. Arbellot et J. Lecaroz.

■ Com. 18 mai 2017, n° 15-20.458.

■ Com. 22 janv. 2008, n° 06-18.708 et n° 06-19.610.

 

Auteur :M.H.


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