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[ 28 octobre 2015 ] Imprimer

Procédure civile

Les effets du caractère accessoire de l’astreinte

Mots-clefs : Astreinte, Annulation de la décision assortie d’une astreinte, Annulation de la condamnation principale, Anéantissement de l'astreinte, Restitution des sommes versées au titre de l’astreinte

L'annulation d’une décision assortie d’une astreinte emporte de plein droit, par la perte de fondement juridique que cette annulation implique, l'anéantissement des décisions prises au titre de la liquidation de l'astreinte et lorsque celle-ci a déjà été payée, son montant doit être restitué.

Plusieurs actionnaires avaient consenti à deux bénéficiaires un pacte de préférence en cas de vente de leurs actions. Les promettants ayant violé le pacte en cédant ces actions à une société tierce, les bénéficiaires avaient obtenu en référé la condamnation sous astreinte de ces derniers et de la société tierce à poursuivre certains de leurs engagements, pour ensuite solliciter la liquidation des astreintes. 

Par un arrêt du 25 mai 2000 (Civ. 2e, 25 mai 2000, n° 97-17.768), la Cour de cassation avait rejeté le pourvoi formé contre la décision ayant liquidé l'astreinte et prononcé de nouvelles injonctions sous astreinte. Puis par un autre arrêt (Com., 11 mars 2003, n° 99-11.806), elle avait cassé partiellement la décision ayant liquidé l'astreinte à la charge des cédants et de la société tierce pour annuler leur condamnation. En outre, elle avait par la suite confirmé une sentence arbitrale ayant dit le pacte de préférence privé d'effet (Civ. 1re, 3 oct. 2006, n° 05-14.099 et 05-14.507), et donc logiquement validé la cession d’actions intervenue en violation de ce pacte (Com., 20 févr. 2007, n° 03-17.150 et 03-17.880). Elle avait, enfin, confirmé une décision ayant rejeté la demande de liquidation de la seconde astreinte prononcée (Civ. 2e, 31 mars 2011, n° 10-10.020). Les bénéficiaires du pacte avaient toutefois fait saisir les parts sociales en cause. 

En première instance, les juges avaient ordonné la mainlevée de la saisie, constatant la perte de fondement juridique des précédentes décisions ayant ordonné les astreintes puis, par un second jugement du même jour, condamné pour la même raison les bénéficiaires à restituer aux promettants le montant des astreintes versées. Les bénéficiaires avaient alors formé deux pourvois en cassation contre les deux arrêts confirmatifs de ces jugements, reprochant à la cour de juger les décisions de liquidation d'astreinte privées de fondement juridique alors que la méconnaissance d’une astreinte, mesure de contrainte destinée à vaincre la résistance opposée à l'exécution d'une condamnation, est un fait juridique qui ne peut être effacé par une décision ultérieure et qui doit être sanctionné par sa liquidation ; or en l'espèce, la décision liquidant l'astreinte se trouvait bien justifiée par la méconnaissance de précédentes décisions rendues en référé justifiés par la violation du contrat conclu (le pacte). Par ailleurs, l'inobservation des prescriptions du juge des référés est un fait juridique qui ne peut avoir disparu sous le seul effet d’une décision ultérieure des juges du fond d’annuler le pacte de préférence. 

Leurs pourvois sont rejetés au motif que l'astreinte étant une mesure accessoire destinée à assurer l'exécution d'une condamnation, la décision ordonnant l'astreinte ayant été fondée sur le caractère obligatoire entre les parties du pacte de préférence, ce dernier, ultérieurement annulé et donc réputé n'avoir jamais existé, avait privé ladite décision de son fondement juridique, ce dont la cour d'appel a exactement déduit que les sommes versées au titre de cette décision ayant liquidé l'astreinte devaient être restituées.

L'astreinte se définit comme une condamnation pécuniaire accessoire à une décision de justice principale condamnant un débiteur, à l’effet de l’inviter à exécuter dans les meilleurs délais la décision le condamnant en exerçant sur lui une pression financière dont l’intensité dépend de son degré de résistance. 

Par nature, l'astreinte est donc une mesure accessoire dont l'objet est d'inciter à l'exécution d'une condamnation principale. 

En conséquence, elle ne peut être prononcée si l'obligation n'existe pas ou plus, qu’elle n'existe pas encore ou qu’elle n'est plus susceptible d'exécution (Com., 31 mai 1976; n° 75-14.625. Civ. 2e, 10 juin 2010, n° 06-17.827). L'astreinte est donc une mesure accessoire à la condamnation principale. C'est en raison de ce caractère accessoire que la Cour de cassation juge depuis longtemps que l'annulation d’une décision assortie d’une astreinte emporte de plein droit, par la perte de fondement juridique que cette annulation implique<s>,</s> l'anéantissement des décisions prises au titre de la liquidation de l'astreinte (Com., 6 mai 2003, n° 01-01.118 : la cassation de la décision assortie d'une astreinte entraîne de plein droit, pour perte de fondement juridique, l'anéantissement des décisions prises au titre de la liquidation de l'astreinte. Civ. 2e, 6 janv. 2005, n° 02-15.954 : doivent être annulées pour perte de fondement juridique les décisions qui ont liquidé l'astreinte prononcée à l'encontre d'une société, dès lors que la condamnation de celle-ci a été annulée par une décision postérieure devenue irrévocable. Com., 3 mai 2006, n° 04-15.262 : la réformation d'une décision assortie d'une astreinte entraîne de plein droit, pour perte de fondement juridique, l'anéantissement des décisions prises au titre de la liquidation de l'astreinte, fussent-elle passées en force de chose jugée)

La nullité étant réputée effacer le passé, l'arrêt commenté en a donc tiré la conséquence que la décision ayant ordonné l’astreinte avait perdu son fondement juridique dès lors que le pacte, dont le caractère obligatoire attaché à tout contrat avait justifié la condamnation de ses auteurs assortie d’une astreinte, avait été annulé, ce qui entraînait l'anéantissement des décisions de liquidation de l'astreinte. Et lorsque l'astreinte liquidée par une décision passée en force de chose jugée a, comme en l’espèce, déjà été payée, son montant doit être restitué (Civ. 2e, 28 sept. 2000, n° 98-16.175).

Civ. 2e , 24 sept. 2015, n° 14-14.977 et 14-14.978.

Références

■ Code des procédures civiles d’exécution

Article L. 131-4

« Le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter.

Le taux de l'astreinte définitive ne peut jamais être modifié lors de sa liquidation.

L'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère. »

■ Code civil

Article 1134

« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi. »

■ Civ. 2e, 25 mai 2000, n° 97-17.768.

■ Com., 11 mars 2003, n° 99-11.806.

■ Civ. 1re, 3 oct. 2006, n° 05-14.099 et 05-14.507.

■ Com., 20 févr. 2007, n° 03-17.150 et 03-17.880.

■ Civ. 2e, 31 mars 2011, n° 10-10.020.

 Com., 31 mai 1976, n° 75-14.625, Bull. civ., IV, n° 186.

■ Civ. 2e, 10 juin 2010, n° 06-17.827.

 Com., 6 mai 2003, n° 01-01.118.

 Civ. 2e, 6 janv. 2005, n° 02-15.954.

■ Com., 3 mai 2006, n° 04-15.262.

 Civ. 2e , 28 sept. 2000, n° 98-16.175, Bull. civ. II, n° 134 ; D. 2000. 254; RTD civ. 2000. 899, obs. R. Perrot.

 

Auteur :M. H.


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