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[ 27 mars 2018 ] Imprimer

Libertés fondamentales - droits de l'homme

Les enfants réfugiés syriens ont le droit d’aller à l’école !

Mots-clefs : Refus de scolarisation ; Maire ; Injonction, École maternelle, École élémentaire, Habitat précaire, Place disponible, Collectivités territoriales

Un maire ne peut légalement refuser l’inscription d’enfants à l’école en raison de leur mode d’habitat précaire et du manque de places.

Des familles de réfugiés d’origine syrienne se sont installées dans des pavillons abandonnés d’une cité près de l’aéroport d’Orly située sur la commune d’Athis-Mons. Elles avaient demandé la scolarisation de leurs enfants pour la rentrée 2017. Le maire a refusé l’inscription d’une cinquantaine d'enfants en écoles maternelle ou élémentaire en se fondant notamment sur le fait que la commune ne disposait pas de places suffisantes. Les familles ont alors saisi le juge administratif afin que leurs enfants soient scolarisés.

Le tribunal administratif vient d’annuler les décisions de refus de scolarisation du maire. Il lui est enjoint d’inscrire ces enfants à l’école dans un délai de quinze jours à compter de la notification des jugements (CJA, art. L. 911-1).

Il convient de distinguer deux catégories d’enfants, ceux de plus de six ans et relevant de l’école élémentaire obligatoire et ceux de moins de six ans relevant de l’école maternelle non obligatoire.

■ S’agissant des enfants âgés de plus de six ans.

Le maire est tenu de scolariser les enfants lorsque la famille réside sur le territoire de sa commune (C. éduc., art. L. 131-1).

Longtemps exclus du champ de la scolarisation obligatoire, les jeunes étrangers vivant sur le territoire de la République sont vis-à-vis de l'instruction dans la même situation que leurs camarades de nationalité française. Les engagements internationaux de la France excluent toute discrimination (Conv. EDH, art. 14 ; Protocole additionnel n° 1, art. 2; CIDE, art. 28 ; CEDH 5 juin 2008, Sampanis et a. c/ Grèce, n° 32526/05). 

Ainsi, tout enfant doit être scolarisé quel que soit le titre auquel il séjourne en France, les autorités scolaires n'ont pas à exercer de contrôle de la régularité de leur situation. L'article L. 131-1 du Code de l’éducation vise tous les enfants «français et étrangers»; aucune distinction ne peut être faite entre élèves de nationalité française et élèves de nationalité étrangère pour l'accès au service public de l'éducation ; aucun titre ou justificatif de séjour ne peut être exigé pour l'inscription d'un élève (la détention d'un titre de séjour n'est obligatoire que pour les étrangers de plus de 18 ans, CESEDA, art. L. 311-1).

Par ailleurs, les élèves étrangers non francophones, peuvent bénéficier d’un accueil différencié dans des classes d'accueil ou d'initiation dont l'objectif est de permettre à l'élève de rejoindre au plus tôt la classe regroupant les élèves de son âge ou de son niveau.

Enfin, l'article 193 de loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté a modifié l’article L. 131-5 du Code de l’éducation en ajoutant un alinéa selon lequel «le statut ou le mode d'habitat des familles installées sur le territoire de la commune ne peut être une cause de refus d'inscription d'un enfant soumis à l'obligation scolaire … ».

Ainsi, le maire de la commune d’Athis-Mons ne pouvait en aucun cas justifier son refus de scolarisation en invoquant que ces enfants habitaient dans des conditions précaires et que la commune ne disposait pas des infrastructures suffisantes pour les accueillir.

■ S’agissant de l’inscription en classe de maternelle pour les enfants âgés de moins de six ans.

Depuis la loi d'orientation de 1989, l'accueil des enfants de moins de trois ans doit être assuré en priorité dans les écoles et classes maternelles situées dans un environnement social défavorisé, que ce soit dans les zones urbaines, rurales ou de montagne. Un effort particulier doit être fait en zone d'éducation prioritaire (C. éduc., art. L. 111-1 et D. 113-1). La scolarisation des très jeunes enfants peut compenser le handicap linguistique et culturel, notamment pour ceux qui n'entendent pas le français à la maison. 

Ainsi, à trois ans, tous les enfants dont la famille en fait la demande doivent pouvoir être accueillis dans l'école la plus proche de leur domicile (C. éduc., art. L. 113-1). Toutefois, la Cour administrative d’appel de Versailles (4 juin 2010, n° 09VE01323 s’agissant d’un enfant handicapé) a considéré que le législateur a seulement entendu assigner aux collectivités publiques l'objectif d'accueillir à l'école maternelle les enfants qui ont atteint l'âge de trois ans, sans pour autant avoir institué un droit à leur admission dans un établissement scolaire avant l'âge de six ans. Dès lors, elle a jugé que la responsabilité de l'État pour faute en cas de carence ne pouvait être engagée.

Concernant les jugements relatifs aux enfants réfugiés syriens, le tribunal administratif, se fondant sur les dispositions du Code de l’éducation et sur le principe d’égal accès au service public, décide que le maire ne pouvait légalement refuser de les accueillir dans une école maternelle pour un motif tiré du mode d’habitat ou des difficultés d’adaptation des enfants ne parlant pas français. 

La scolarisation des enfants de moins de six ans n’étant pas une obligation pour le maire, le tribunal administratif reconnaît que le maire pouvait opposer le manque de places disponibles toutefois, il doit le justifier. Or, la commune d’Athis-Mons dispose de huit écoles maternelles et le nombre de demandes d’inscription des enfants d’origine syrienne est très faible. Le tribunal administratif annule donc les refus de scolarisations pour erreur de fait.

TA Versailles, 15 mars 2018, n° 18003151800317 et 1800333.

Références

■ Convention européenne des droits de l’homme

Article 14

« Interdiction de discrimination. La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »

■ Protocole additionnel n° 1

Article 2

 « Droit à l'instruction.   Nul ne peut se voir refuser le droit à l'instruction. L'État, dans l'exercice des fonctions qu'il assumera dans le domaine de l'éducation et de l'enseignement, respectera le droit des parents d'assurer cette éducation et cet enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques. »

■ Convention de New-York du 26 janvier 1990, relative aux droits de l'enfant (CIDE)

Article 28

« 1. Les États parties reconnaissent le droit de l'enfant à l'éducation, et en particulier, en vue d'assurer l'exercice de ce droit progressivement et sur la base de l'égalité des chances:

  a) Ils rendent l'enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous;

  b) Ils encouragent l'organisation de différentes formes d'enseignement secondaire, tant général que professionnel, les rendent ouvertes et accessibles à tout enfant, et prennent des mesures appropriées, telles que l'instauration de la gratuité de l'enseignement et l'offre d'une aide financière en cas de besoin;

  c) Ils assurent à tous l'accès à l'enseignement supérieur, en fonction des capacités de chacun, par tous les moyens appropriés;

  d) Ils rendent ouvertes et accessibles à tout enfant l'information et l'orientation scolaires et professionnelles;

  e) Ils prennent des mesures pour encourager la régularité de la fréquentation scolaire et la réduction des taux d'abandon scolaire.

  2. Les États parties prennent toutes les mesures appropriées pour veiller à ce que la discipline scolaire soit appliquée d'une manière compatible avec la dignité de l'enfant en tant qu'être humain et conformément à la présente Convention.

  3. Les États parties favorisent et encouragent la coopération internationale dans le domaine de l'éducation, en vue notamment de contribuer à éliminer l'ignorance et l'analphabétisme dans le monde et de faciliter l'accès aux connaissances scientifiques et techniques et aux méthodes d'enseignement modernes. A cet égard, il est tenu particulièrement compte des besoins des pays en développement. »

■ CEDH 5 juin 2008, Sampanis et a. c/ Grèce, n° 32526/05.

■ CAA Versailles, 4 juin 2010, n° 09VE01323 : AJDA 2010. 2004, concl. S. Davesne.

 

Auteur :Christelle de Gaudemont

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