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[ 3 juillet 2024 ] Imprimer

Droit constitutionnel

Les grandes lois de décentralisation

La décentralisation territoriale est un système d'administration par lequel les collectivités territoriales s'administrent librement par des organes délibérants élus. Elles exercent, sous le contrôle de l'État, des compétences propres. DAE vous propose de faire un point sur les grandes étapes de la décentralisation en France.

On distingue généralement quatre actes de décentralisation.

■ Acte I (1982-1986)

En France, le mouvement d’ampleur de décentralisation commence en 1981 avec l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République. Gaston Deferre, alors ministre de l'intérieur et de la décentralisation, est chargé de préparer les premières lois de décentralisation : les « lois Deferre » (82-83). Elles ont pour objet de rapprocher les citoyens des centres de décision et de responsabiliser les autorités élues.

Ainsi, la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions supprime la tutelle administrative et financière des préfets sur les collectivités territoriales (le contrôle des actes des collectivités territoriales a lieu a posteriori : les préfets peuvent saisir le juge administratif pour qu’il se prononce sur la légalité de ces actes); transforme les régions en collectivités territoriales (crées en 1972, elles avaient le statut d’établissements publics) ; transfère l'exécutif départemental du préfet au président du conseil général… 

Un nouveau principe est posé par l’article 1er, alinéa 1er de la loi du 2 mars 1982 (repris à l’art. L. 1111-1 CGCT) : « Les communes, les départements et les régions s'administrent librement par des conseils élus ». 

En 1983, deux lois modifient la répartition des compétences entre l’État, les communes, les départements et les régions : la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État (ex. de domaines de compétences : urbanisme, logement, formation professionnelle, transports scolaires, construction des établissements scolaires…) et la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 qui la complète. Les nouvelles compétences transférées par l’État aux collectivités territoriales sont accompagnées d’un transfert des ressources nécessaires à l'exercice normal de ces compétences (principe de compensation financière) et du transfert des services correspondants.

Pour accompagner cette transformation, la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 (V. désormais CGFP) crée la fonction publique territoriale.

Entre les actes I et II, diverses lois ont été votées comme la loi n° 92-108 du 3 février 1992 relative aux conditions d'exercice des mandats locaux, la loi n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République (déconcentration, démocratie locale, coopération intercommunale avec la création des communautés de communes et communautés de villes), la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, dite « Loi Chevènement «  (création des EPCI), ou encore la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité.

■ Acte II (2003-2004) Inscription de la décentralisation dans la Constitution

La loi constitutionnelle du 28 mars 2003 complète l’article 1er de la Constitution en posant en énonçant que la décentralisation est le principe d’organisation de la France. Toutefois, sa portée est essentiellement symbolique puisque le processus de décentralisation avait commencé vingt ans auparavant. 

En revanche, la révision constitutionnelle de 2003 opère une refonte complète du titre XII de la Constitution (art. 72 s.). Elle procède d'abord à une simplification et à une mise à jour. La Constitution utilisait indifféremment les expressions « collectivités locales » (Const. 58, art. 34) et territoriales (Const. 58, art. 72) ; l'unification est faite au profit de cette dernière expression. Par ailleurs, la liste des collectivités territoriales contenue à l'article 72 n'avait pas été modifiée. Elle restait fixée, comme sous l'empire de la Constitution de 1946, aux communes, départements et territoires d'outre-mer. Cet article est donc réécrit et précise que les collectivités territoriales sont les communes, les départements, les régions, les collectivités à statut particulier et les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution. La région entre enfin dans la Constitution. La loi constitutionnelle introduit également de nouveaux principes et innovations : principe de subsidiarité (Const. 58, art. 72), droit à l’expérimentation (Const. 58, art. 37-1 et 72), droit de pétition (Const. 58, art. 72-1), référendum décisionnel (Const. 58, art. 72-1), autonomie financière (Const. 58, art. 72-2) … Diverses lois organiques préciseront ensuite leurs portées (les lois organiques du 1er août 2003 relative à l’expérimentation par les collectivités territoriales préalable à toute politique différenciée de décentralisation, et relative au référendum local ; la loi organique du 29 juillet 2004, prise en application de l’article 72-2 de la Constitution, relative à l’autonomie financière des collectivités territoriales).

La loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales renforce les pouvoirs des collectivités et opère de nouveaux transferts de compétences notamment pour les régions et les départements. Elle met également en place le mécanisme de péréquation financière et favorise le développement de la démocratie locale.

Entre les actes II et III, on peut citer la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales (RCT) qui procède à divers changements importants. Cette loi avait créé les conseillers territoriaux (élus qui devaient remplacer à la fois les conseillers généraux et régionaux, siégeant dans les deux assemblées mais cette disposition a été abrogée en 2013). Elle institue également les métropoles (nouveau type de groupement de communes) et les communes nouvelles afin de permettre une fusion simplifiée de communes.

■ Acte III (2014-2015)

Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (loi MAPTAM)On trouve notamment dans cette loi un nouveau statut pour les métropoles. L’objectif est de permettre aux agglomérations de plus de 400 000 habitants d'exercer pleinement leur rôle en matière de développement économique, d'innovation, de transition énergétique et de politique de la ville. Trois métropoles à statuts particuliers sont crées : le Grand Paris et les métropoles Marseille-Aix-en-Provence et Lyon. La notion de « collectivité chef de file » est renforcée, cette collectivité dispose d’un rôle de coordination de l’action commune des collectivités, distinct de tout rôle de décision (ex : renforcement du rôle de la région en tant que chef de file en matière d’aménagement et de développement durable du territoire, département : chef de file en matière d’action sociale). La loi instaure également dans chaque régions une conférence territoriale de l’action publique chargée de favoriser un exercice concerté des compétences des collectivités territoriales, de leurs groupements et de leurs établissements publics.

Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe). Cette loi renforce les compétences des régions (ex : la région est responsable sur son territoire du développement économique et plus uniquement chef de file dans ce domaine) et celles des communautés de communes et des communautés d’agglomération, elle crée la collectivité territoriale de Corse, renforce certaines obligations des collectivités en termes de transparence et de responsabilité financière… À noter que le nombre de régions avait été réduit (de 22 à 13) avec la loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015.

■ Acte IV (2021)

Loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (loi 3DS). Ce texte, essentiellement technique, permet notamment aux communes de transférer « à la carte » des compétences facultatives à leur intercommunalité, il ouvre aux EPCI à fiscalité propre la possibilité de déléguer leurs compétences aux départements et régions. Il consacre le principe de différenciation territoriale des règles relatives à l'attribution et à l'exercice des compétences des collectivités territoriales Le texte crée une compétence d'évaluation des politiques publiques pour les chambres régionales des comptes (CRC). Elles pourront être saisies par les présidents de conseil régional, départemental ou de métropole. 

En mai 2024, deux rapports sur la décentralisation ont été publiés. Tout d’abord, le Rapport Ravignon avait pour objet d’évaluer, de constater et de proposer des solutions relatives aux coûts des normes et à l’enchevêtrement des compétences entre l’État et les collectivités. Le Rapport Woerth, ensuite, intitulé « Décentralisation le temps de la confiance », remis au Président de la République présente 51 propositions afin de relancer le processus de décentralisation. Avant qu’Emmanuel Macron ne prononce la dissolution de l’Assemblée nationale, ces rapports avaient pour objectifs de contribuer à un ou plusieurs projets de loi avant la fin de l’année 2024, toutefois cela reste pour le moment incertain… 

 

Auteur :Christelle de Gaudemont


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