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Droit pénal général
Les histoires d’amour finissent mal….pour la vie privée
Mots-clefs : Atteinte à la vie privée, Interprétation stricte de la loi pénale, Diffusion d’images, Internet, Consentement, Droit à l’image
La loi pénale étant d’interprétation stricte, le fait de porter à la connaissance du public ou d’un tiers, soit des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel, soit l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé, n’est punissable que si l’enregistrement ou le document qui les contient a été réalisé sans le consentement de la personne concernée.
Publier des photos intimes d’une ancienne conquête est un phénomène mondialisé, affectant les célébrités comme les simples citoyens. On se souvient encore des photos « dénudées » de la championne française de natation publiées à son corps défendant. On a même attribué une expression pour qualifier ce comportement d’anciens amoureux éconduits : revenge porn (en français : vengeance porno). Les victimes, mises à nu sur la toile, ont-elles alors la possibilité de se tourner vers le droit pénal ? La réponse, apportée par la chambre criminelle, est négative.
Une femme a porté plainte et s’est constituée partie civile en raison de la diffusion sur internet, par son ancien compagnon, d'une photographie prise par lui, à l’époque de leur vie commune, la représentant nue alors qu’elle était enceinte. Poursuivi devant le tribunal correctionnel pour la diffusion de documents portant atteinte à la vie privée obtenus à l’aide de l’un des actes prévus par l’article 226-1 du Code pénal, l’auteur indélicat a été déclaré coupable. Pour confirmer la décision, les juges d’appel avaient cru pouvoir retenir que « le fait, pour la partie civile, d’avoir accepté d’être photographiée ne signifie pas, compte tenu du caractère intime de la photographie, qu’elle avait donné son accord pour que celle-ci soit diffusée ». Le raisonnement tenu est néanmoins censuré par la chambre criminelle laquelle énonce, au visa des articles 111-4, 226-1 et 226-2 du Code pénal que « n’est pas pénalement réprimé le fait de diffuser, sans son accord, l’image d’une personne réalisée dans un lieu privé avec son consentement ».
Le Code pénal réprime pourtant les atteintes à la vie privée, dont le droit à l’image. L’article 226-1 punit ainsi « le fait, au moyen d'un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui, soit en captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel soit en fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé ». Par ailleurs, l’article 226-2, alinéa 1er sanctionne le fait de conserver, porter ou laisser porter à la connaissance du public ou d'un tiers ou d'utiliser de quelque manière que ce soit tout enregistrement ou document obtenu à l'aide de l'un des actes prévus par l'article 226-1.
Comprendre la solution énoncée par la Cour de cassation suppose revenir sur les éléments constitutifs de l’infraction. L’élément matériel de l’incrimination prévue à l’article 226-2, qui consiste à porter à la connaissance du public ou d'un tiers ou d'utiliser de quelque manière que ce soit l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé est bien caractérisé. Mais, il faut par ailleurs déterminer que cette image a été obtenue dans les conditions fixées par l’article 226-1 auquel le texte renvoie. Or, c’est ici que le « bât blesse ». Aux termes de cette première disposition, la fixation, l’enregistrement ou la transmission de l'image d'une personne doivent avoir été réalisés, sans le consentement de celle-ci. C’est ce que rappelle la chambre criminelle dans son attendu de principe : « il se déduit du deuxième et du troisième de ces textes que le fait de porter à la connaissance du public ou d’un tiers, soit des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel, soit l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé, n’est punissable que si l’enregistrement ou le document qui les contient a été réalisé sans le consentement de la personne concernée ». En conséquence, si la victime a consenti à la prise de son image au temps où elle filait le parfait bonheur, elle ne peut plus prétendre à la protection offerte par l’article 226-2 du Code pénal réprimant la diffusion au temps des ressentiments.
On précisera que l’application de l’article 226-1 à titre autonome n’est pas non plus possible bien qu’au titre de son élément matériel, la loi réprime le fait de « fixer, enregistrer, transmettre ». La notion de transmission est un faux-ami. Les trois verbes usités, ne renvoient qu’aux différentes sortes d’appréhension de l’image de la personne (V. Rép. pén., v° Vie privée [Atteintes à la], par N. Cazé-Gaillarde, n° 45).
Face à la recrudescence de ce phénomène, et dans la lignée des législations étrangères, le législateur français envisage de pénaliser expressément le revenge porn. Un amendement a été déposé dans le cadre du projet de loi pour une République numérique. En attendant, il reste aux victimes la possibilité de se tourner vers l’article 9 du Code civil.
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