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[ 9 janvier 2024 ] Imprimer

Droit du travail - relations individuelles

Les informations concomitantes à la proposition de modification du contrat pour motif économique

La proposition de modification du contrat pour motif économique ne suit pas le même régime que les autres propositions de modification du contrat. Afin que le salarié puisse faire un choix en connaissance de cause, l’employeur doit délivrer au salarié diverses informations.

Soc. 8 nov. 2023, nos 22-12.412 22-10.350 et 22-11.369

Dans une série d’arrêts du 8 novembre 2023, la Cour de cassation apporte d’utiles précisions au régime de la proposition de modification du contrat pour motif économique. L’article L. 1222-6 du Code du travail énonce en effet que « lorsque l’employeur envisage la modification d’un élément essentiel du contrat de travail pour l’un des motifs économiques énoncés à l’article L. 1233-3 du même code, il en fait la proposition au salarié par lettre recommandée avec avis de réception. La lettre de notification informe le salarié qu’il dispose d’un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus. À défaut de réponse dans le délai d’un mois, le salarié est réputé avoir accepté la modification ». Le salarié qui souhaite résister doit donc nécessairement s’exprimer. Mais l’employeur pourra alors procéder à son licenciement pour motif économique. Se soumettre ou se démettre… la décision du salarié n’est pas facile. Aussi, arrêt après arrêt, la Cour de cassation fixe des garanties procédurales lui permettant de faire un choix éclairé. Les hauts magistrats avaient déjà affirmé que le délai d’un mois doit impérativement être respecté par l’employeur (Soc. 10 déc. 2003, n° 01-40.225) et que le non-respect des formalités prescrites le prive de toute solution puisqu’il ne peut ni se prévaloir d’un refus ni d’une acceptation par le salarié (Soc. 25 janv. 2005, n° 02-41.819). Dans trois arrêts du 8 novembre 2023, la Cour insiste sur l’information que l’employeur doit délivrer au salarié. Il doit non seulement mentionner par écrit le contexte économique dans lequel s’inscrit sa proposition mais encore préciser les nouvelles conditions d’emploi en cas d’acceptation.

■ L’information du contexte économique de la proposition

L’article 1222-6 du Code du travail est le seul article de la section 2 intitulée « modification du contrat de travail pour motif économique ». Son champ d’application est restreint par le renvoi à l’article L. 1233-3. Il ne s’applique donc qu’à certaines propositions de modification du contrat : celles s’inscrivant dans l’un des contextes économiques identifiés par le législateur. L’employeur envisage donc une modification du contrat en raison de difficultés économiques, de mutations technologiques ou d’une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité (la cessation d’activité est ici sans intérêt puisqu’elle conduit à la suppression des emplois). Si la cause de la proposition patronale relève d’un autre contexte, le formalisme ne s’impose pas mais surtout, le silence ne peut valoir acceptation (Soc. 13 sept. 2017, n° 15-28.569). La Cour de cassation exige désormais que l’employeur informe précisément le salarié de ce contexte économique. Ainsi dans une première affaire, une association avait proposé à une salariée une baisse de sa durée du travail à 20 heures hebdomadaires avec réduction de sa rémunération au motif que l’activité de l’établissement ne permettait plus de maintenir un temps complet. L’employeur avait notifié sa proposition par lettre recommandée et indiqué à la salariée qu’elle disposait d’un délai de 1 mois pour répondre. La salariée étant restée silencieuse, l’employeur avait considéré que la modification était valablement intervenue. La salariée avait alors saisi le conseil des prud’hommes d’une demande de résiliation judiciaire. La Cour de cassation approuve la décision des juges du fond ayant fait droit à cette demande. Elle précise que « l’employeur qui n’a pas mentionné dans la lettre de proposition de modification du contrat de travail le motif économique pour lequel cette modification est envisagée ne peut se prévaloir, en l’absence de réponse du salarié dans le mois, d’une acceptation de la modification ». En l’espèce l’association n’ayant pas allégué que la réorganisation résultait de difficultés économiques ou de mutations technologiques ou qu’elle fût indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de la structure, elle ne pouvait pas se prévaloir de l’article L. 1222-6 c. trav. Dans la seconde affaire, à l’inverse, un VRP s’était vu proposer une réduction de son périmètre commercial en raison d’une réorganisation au sein de la société en vue notamment de préserver sa compétitivité commerciale. Le salarié ayant refusé, il avait été licencié pour motif économique. Il contestait son licenciement en s’appuyant sur l’ambiguïté des motifs de la proposition. La Cour de cassation souligne que certes la lettre ne faisait pas référence à l’article L. 1222-6 c. trav mais indiquait que la modification envisagée était motivée par une réorganisation visant à préserver la compétitivité de l’activité commerciale. La société pouvait donc se prévaloir du refus du salarié et procéder ensuite à son licenciement.

■ L’information des nouvelles conditions d’emploi

Dans le dernier arrêt du 8 novembre 2023, un employeur avait décidé de fermer un centre optique. Il avait proposé à la salariée qui y était affectée de travailler dans un autre centre qui serait créé si elle acceptait un changement de lieu de travail. En attendant l’ouverture de ce nouveau site, elle serait affectée au sein d’autres centres optiques existant. La salariée, veuve avec deux jeunes enfants à charge, n’était pas très mobile car elle dépendait des membres de sa famille pour prendre en charge ses enfants lorsqu’elle travaillait. Aussi avait-elle refusé la proposition de modification du contrat et opté pour un contrat de sécurisation professionnelle. Elle avait ensuite saisi le conseil des prud’hommes pour contester la rupture de son contrat. La Cour régulatrice censure la décision des juges du fond rejetant sa demande. Elle indique que l’employeur qui propose une modification du contrat pour raison économique « est tenu de l’informer de ses nouvelles conditions d’emploi afin de lui permettre de prendre position sur l’offre qui lui est faite en mesurant les conséquences de son choix ». À défaut, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse. Or en l’espèce, la proposition ne mentionnait pas la date d’affectation définitive de la salariée au centre optique éventuellement créé et n’indiquait pas non plus les lieux temporaires d’affectation. La lettre n’était donc pas suffisamment précise.

Ces nouvelles exigences d’informations permettent certainement au salarié concerné par une modification du contrat pour raison économique de formuler un choix en connaissance de cause. Reste que les articles L. 1222-6 ou L. 1233-3 c. trav. n’exigent pas formellement cette information. En revanche, elle résulte de la loyauté contractuelle rappelée à l’article L. 1222-1 c. trav. Dès lors, pourquoi cantonner la délivrance de ces informations à certaines modifications du contrat ? Tout salarié a un intérêt à connaître précisément les raisons qui conduisent l’employeur à demander une évolution du socle contractuel puisque cela lui permet de savoir si, en cas de refus, il s’expose à un licenciement justifié. La solution de la chambre sociale mériterait donc d’être étendue à toutes les propositions de modification de contrat.

Références :

■ Soc. 10 déc. 2003, n° 01-40.225 P : D. 2004. 323, et les obs.

■ Soc. 25 janv. 2005, n° 02-41.819 P : D. 2005. 458.

■ Soc. 13 sept. 2017, n° 15-28.569 P : D. 2017. 1838.

 

Auteur :Chantal Mathieu

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