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[ 16 juin 2021 ] Imprimer

Libertés fondamentales - droits de l'homme

Les langues régionales

Publiée au Journal officiel du 23 mai 2021, la loi n° 2021-641 du 21 mai 2021 relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion a été amputée de certaines de ses dispositions par le Conseil constitutionnel.

C’est la Constitution de la Cinquième République qui a mentionné pour la première fois dans une constitution française que « la langue de la République est le français » (Const. 58, art. 2, al. 1er). 

L’article 75-1 de la Constitution de 1958 issu de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 précise que « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France ». C’est en écho à cet article que des députés ont proposé une loi afin que soient définies les mesures de protection et de promotion des langues régionales qui incombent aux collectivités publiques tout en précisant que « l’insertion des langues régionales dans le patrimoine constitutionnel s’inscrit dans une complémentarité avec l’article 2 de la Constitution » (Proposition de loi nº 2548). 

Trois domaines sont visés dans cette loi : le patrimoine, l’enseignement et les services publics via la signalétique et les actes d’état civil.

■ La protection patrimoniale des langues régionales

L’article L. 1 du Code du patrimoine précise désormais que le patrimoine linguistique, constitué de la langue française et des langues régionales appartient au patrimoine culturel immatériel, l’objectif étant que ce patrimoine bénéficie de politiques de conservation et de connaissance au même titre que le patrimoine immobilier ou mobilier. L'État et les collectivités territoriales concourent à l'enseignement, à la diffusion et à la promotion de ces langues.

De plus la connaissance de la langue française et des langues régionales est désormais un trésor national (C. patr., art. L. 111-1) . À ce titre, elle bénéficie d'une protection de la part de la puissance publique qui peut intervenir pour protéger et conserver sur le territoire national tout bien qui présenterait un intérêt majeur du point de vue linguistique, que cela concerne la langue française ou les langues régionales. La proposition de loi précitée prend l’exemple des « premiers enregistrements réalisés au dix‑neuvième siècle sur rouleaux de cire, témoins de la phonologie ancienne des langues parlées sur notre territoire, ou encore certains manuscrits de l’époque moderne qui sont des sources extrêmement précieuses pour les linguistes ». 

■ L’enseignement des langues régionales

L'article 4 de la loi étendait les formes dans lesquelles pouvait être proposé, dans le cadre des programmes de l'enseignement public, un enseignement facultatif de langue régionale. Il prévoyait que cet enseignement puisse être proposé sous la forme d'un enseignement immersif en langue régionale, sans préjudice d'une bonne connaissance de la langue française. Toutefois, le Conseil constitutionnel, se saisissant d’office de cet article, l’a censuré, le considérant contraire à l'’article 2 de la Constitution. En effet, « l'enseignement immersif d'une langue régionale est une méthode qui ne se borne pas à enseigner cette langue mais consiste à l'utiliser comme langue principale d'enseignement et comme langue de communication au sein de l'établissement » ; « l'usage du français s'impose aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l'exercice d'une mission de service public. Les particuliers ne peuvent se prévaloir, dans leurs relations avec les administrations et les services publics, d'un droit à l'usage d'une langue autre que le français, ni être contraints à un tel usage ».

Par ailleurs, la loi modifie l'article L. 442-5-1 du Code de l'éducation relatif aux modalités de participation financière d'une commune à la scolarisation d'un enfant résidant sur son territoire dans un établissement privé du premier degré situé sur le territoire d'une autre commune et dispensant un enseignement de langue régionale. Il prévoit que la participation financière à la scolarisation des enfants dans les établissements privés du premier degré sous contrat d'association dispensant un enseignement de langue régionale fait l'objet d'un accord entre la commune de résidence et l'établissement d'enseignement situé sur le territoire d'une autre commune, à la condition que la commune de résidence ne dispose pas d'école dispensant un enseignement de langue régionale. À défaut d'accord, le représentant de l'État dans le département réunit le maire de la commune de résidence et le responsable de l'établissement afin de permettre la résolution du différend en matière de participation financière, dans l'intérêt de la scolarisation des enfants en cause. (L. du 21 mai 2021, art. 6).

De plus, l’article 7 de la loi sur les langues régionales pose le principe de la reconnaissance de l’enseignement des langues régionales comme une matière facultative dans le cadre de l’horaire normal d’enseignement dans les écoles maternelles et élémentaires, les collèges et les lycées sur tout ou partie des territoires concernés. Le but est de proposer l'enseignement de la langue régionale à tous les élèves. 

■ Les services publics : signalétique plurilingue et signes diacritiques des langues régionales dans les actes d'état civil 

Les services publics peuvent assurer sur tout ou partie de leur territoire l'affichage de traductions de la langue française dans la ou les langues régionales en usage sur les inscriptions et les signalétiques apposées sur les bâtiments publics, sur les voies publiques de circulation, sur les voies navigables, dans les infrastructures de transport ainsi que dans les principaux supports de communication institutionnelle, à l'occasion de leur installation ou de leur renouvellement (L. du 21 mai 2021, art. 8).

L’article 9 entendait reconnaître dans la loi la possibilité pour les services publics d’état civil d’utiliser dans les actes d’état civil qu’ils produisent les signes diacritiques des langues régionales parlées sur le territoire français. La circulaire du 23 juillet 2014 relative à l’état civil définit les principes d’écriture des prénoms admis par l’administration française. Elle liste les signes diacritiques autorisés, parmi lesquels ne figurent pas le tilde, pourtant utilisé en breton et en basque, ou encore l’accent aigu sur le « i », le « o » ou le « u », utilisé en catalan. Le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition : « En prévoyant que des mentions des actes de l'état civil peuvent être rédigées avec des signes diacritiques autres que ceux employés pour l'écriture de la langue française, ces dispositions reconnaissent aux particuliers un droit à l'usage d'une langue autre que le français dans leurs relations avec les administrations et les services publics. Dès lors, elles méconnaissent les exigences précitées de l'article 2 de la Constitution ».

 

Auteur :Christelle de Gaudemont

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