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Droit des obligations
Les limites de la responsabilité du transporteur ferroviaire en cas de retard
Mots-clefs : Contrat de transport ferroviaire, Retard, Responsabilité, Dommage prévisible
En cas de retard, le transporteur ferroviaire ne peut être tenu responsable des conséquences de ce retard non prévisibles au moment de la conclusion du contrat.
Un dommage ne peut en cacher un autre, tel pourrait être l’enseignement de cet arrêt…
En raison du retard d’un train, un avocat manque une audience. Il demande alors le remboursement du prix de son billet ainsi que l’octroi de dommages-intérêts. Le juge de proximité saisi fait droit à sa demande. Selon lui, les conditions d’engagement de la responsabilité de la SNCF étaient bien toutes réunies : l’inexécution de l’obligation de ponctualité mise à la charge du transporteur a bien directement causé les préjudices patrimoniaux (prix du voyage, gain manqué par la perte éprouvée des honoraires attendus) et moraux (inquiétude, énervement) subis. Il revenait donc à la Cour de cassation, par la suite saisie par le transporteur, d’identifier, parmi les dommages dont l’avocat victime entendait obtenir réparation, ceux susceptibles de constituer un préjudice réparable. Elle y a apporté une réponse classique, au visa de l’article 1150 du Code civil : puisqu’en matière contractuelle, seul est réparable le dommage prévisible au moment de la conclusion du contrat, la victime ne pouvait ici prétendre qu’à l’indemnisation du préjudice directement causé par le retard (coût du voyage), à l’exclusion des autres chefs de préjudice, dont la réparation fut, à tort, ordonnée par la juridiction du fond antérieurement saisie.
Cet arrêt illustre une condition essentielle de la réparabilité du dommage en matière contractuelle : sa prévisibilité. Dans des circonstances proches de celles rapportées, la première chambre civile avait déjà plusieurs fois rappelé, l’année précédente, cette condition légale propre à la responsabilité contractuelle (Civ. 1re, 28 avr. 2011 ; Civ. 1re, 23 juin 2011). À nouveau visé, l'article 1150 du Code civil, qui fonde cette exigence, dispose que « (l)e débiteur n'est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n'est point par son dol que l'obligation n'est point exécutée ». Cette limitation des dommages réparables se justifie pleinement, pour des raisons tant objectives que subjectives.
Objectivement, tout d'abord, il a été montré qu'en droit romain (V. Van Ryn), et dans l'esprit des glossateurs, la limitation du dommage réparable au seul dommage prévisible se justifie par référence à l'objet du contrat : ce dernier étant déterminé dès la formation de la convention, la logique contractuelle commutative suppose que, par équité, la réparation soit limitée à une valeur économique équivalente à l’objet convenu (en ce sens, V. Toullier).
Subjectivement, ensuite, la doctrine a établi un parallèle éclairant : le Code civil offre aux contractants les moyens juridiques de déterminer librement l'étendue de leurs engagements et les conséquences éventuelles de l'inexécution, soit en renforçant les obligations pesant sur une partie (notamment par le biais de clauses pénales), soit en les allégeant, voire en les supprimant purement et simplement (par le biais de clauses de responsabilité); or, il va de soi que les parties déterminent le contenu de ces clauses en fonction des données à leur disposition au seul moment où elles s'engagent ; l'équilibre voulu par les contractants est donc étroitement lié au contexte économique et social de la conclusion de l'acte, et notamment de l'évaluation qu'ils font des conséquences prévisibles de son inexécution. Ce serait également la raison pour laquelle l'article 1150 du Code civil limite le dommage réparable à ce qui était prévu ou prévisible lors du contrat : il convient de ne pas trahir les prévisions contractuelles et de ne pas déséquilibrer l'acte, rétrospectivement.
De toute évidence, cette exigence de prévisibilité du dommage ne se retrouve pas en matière de responsabilité extracontractuelle : les parties n'ayant jamais voulu le fait produit, le dommage ne résulte donc pas de la violation de la parole donnée (pacta sunt servanda) mais de la règle générale de vie en société qui interdit de nuire à autrui sans un motif légitime (neminem lædere). Cette absence de volonté antérieure au dommage rend ce dernier nécessairement imprévisible : il est par conséquent logique, en cette matière, de ne pas limiter a priori les types de dommages réparables.
Civ. 1re, 26 sept. 2012, FS-P+B+I, n°11-13.177
Références
Le débiteur n'est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n'est point par son dol que l'obligation n'est point exécutée.
■ Civ. 1re, 28 avr. 2011, n°10-15.056, Dalloz Actu Étudiant 4 mai 2011, RTD civ. 2011. 547, obs. Jourdain.
■ Civ. 1re, 23 juin 2011, n°10-15.811, Dalloz Actu Étudiant 6 juill. 2011, RTD civ. 2011. 772, obs. Jourdain.
■ Van Ryn, Responsabilité aequilienne et contrat, Bruxelles 1933, n°36 s.
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