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[ 10 décembre 2012 ] Imprimer

Droit des sûretés et de la publicité foncière

Les limites du formalisme en matière de cautionnement

Mots-clefs : Cautionnement, Formalisme, Étendue, Limites

Si les deux mentions exigées par la loi sont correctement reproduites par la caution, les dispositions légales ne font pas obstacle à ce que la caution approuve, par l'apposition d'une unique signature, les deux mentions, qui se font immédiatement suite.

Par acte sous seing privé du 19 avril 2006, une personne physique s'était d’abord rendu caution solidaire envers une banque des engagements d'une société. Elle demanda ensuite la nullité du cautionnement, invoquant le défaut de signature de l’ensemble des mentions légalement requises.

Les juges du fond rejetèrent cette demande : tout d’abord, dès lors que les deux mentions requises par la loi sont correctement reproduites par la caution, celle-ci demeure en droit d’approuver ces deux mentions par une seule signature. Ensuite, ayant constaté que la mention prévue par l'article L. 341-2 du Code de la consommation avait été intégralement et correctement reproduite, puis retenu que les imprécisions relatives à la désignation du débiteur principal ne modifient en rien la formule légale ni n'en rendent sa compréhension plus difficile pour la caution, la cour d'appel a rejeté la nullité du cautionnement, qui ne peut donc être encourue pour ce motif. Enfin, ayant constaté que l'engagement de caution avait été souscrit dans le respect des dispositions de l'article L. 341-2 du Code de la consommation, la cour d'appel en a déduit que l'inobservation de la mention imposée par l'article L. 341-3 du Code de la consommation ne pouvait être sanctionnée que par l'impossibilité pour la banque de se prévaloir de la solidarité, de sorte que l'engagement de caution demeurait valable en tant que cautionnement simple. La Cour de cassation rejette le pourvoi formé, confirmant ainsi le raisonnement tenu par la juridiction du fond.

Le contrat de cautionnement ne semble avoir plus rien de consensuel. Issues de la loi Dutreil du 1er août 2003 pour l'initiative économique, les dispositions concernant le cautionnement souscrit par une personne physique ont été intégrées dans le Code de la consommation à l’effet de compenser le recul, regretté à l’époque par le législateur, de la protection prétorienne des cautions. Logiquement, la relation caution personne physique/créancier professionnel, autrement dit, la qualité des parties contractantes, devint le seul critère d'application de telles dispositions, consuméristes (v. L. Aynès).

Symbole du formalisme protecteur requis par le législateur, l’article L. 341-2 du Code de la consommation, parfaite réplique des textes applicables à la formation des crédits à la consommation mobiliers et immobiliers, exige l’apposition de la main de la caution d’une mention manuscrite particulièrement détaillée (« « Toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : "En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même." »). Circonscrit à certains cautionnements — ceux souscrits par acte sous signature privée en garantie d'une opération de crédit par une personne physique et en faveur d'un créancier professionnel — ce formalisme doit pouvoir renforcer la connaissance, par la caution, de la portée de son engagement, et en limiter l'étendue. Ainsi doit se comprendre la sanction de la nullité, en principe prononcée en cas d’irrégularité formelle de l’acte.

En outre, si le cautionnement est, comme en l’espèce, solidaire, la caution doit inscrire de sa main la mention supplémentaire suivante : « En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec X..., je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement X... » (C. consom., art. L. 313-8 et L. 341-3). Toutefois, pour limiter cette surenchère protectrice, la jurisprudence, tout en contrôlant que les deux mentions exigées par la loi sont bien portées de la main même de la caution solidaire (Civ. 1re, 19 déc. 2000), se contente d’une seule signature et choisit d’écarter la sanction, trop sévère, de la nullité, au profit d’une requalification de l’acte, qui reste donc valable en tant que cautionnement simple.

Com. 16 oct. 2012, n°11-23.623

Références

■ Code de la consommation

Article L. 313-8

« Lorsque le créancier demande un cautionnement solidaire pour l'une des opérations relevant des chapitres Ier ou II du présent titre, la personne physique qui se porte caution doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante : 

"En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec X..., je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement X...". »

Article L. 341-2

« Toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : "En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même." »

Article L. 341-3

« Lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante : "En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec X..., je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement X...". »

■ L. Aynès, « La réforme du cautionnement par la loi Dutreil », Dr. & patr. 2003, n° 120, p. 29. 

 Civ. 1re, 19 déc. 2000, n°98-15.456.

 

Auteur :M. H.

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