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Les lois de bioéthique en France : tout ce qui est techniquement possible est-il humainement souhaitable ?
Les connaissances biologiques (bio) couplées aux « valeurs » d’une société (ethos) forment la bioéthique. La France est un pays pionnier en matière de législation dans le domaine de la bioéthique. DAE vous propose de faire un point sur les lois de bioéthique en France.
« La bioéthique est une réflexion sur les progrès de la recherche dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé. Ce néologisme né dans les années 1970 regroupe ainsi les questions éthiques, ou morales, posées par ces avancées technologiques ou scientifiques, et l’impact qu’elles peuvent avoir sur l’être humain. Cela va de la relation médecin-patient aux questions plus vastes posées par la santé publique et les sciences humaines, ainsi qu'aux problèmes écologiques tels que le changement climatique. Il s’agit ainsi d’un travail commun à la croisée de plusieurs disciplines : science, philosophie, droit, médecine » (États généraux de la bioéthique).
Légiférer en matière de bioéthique permet d’encadrer les progrès de la science et de la médecine pour en éviter des dérives, de décider quelles limites il convient de ne pas franchir, de poser « un ensemble de règles juridiques gouvernant l’ensemble des pratiques médicales et/ou de recherche, dont l’objet est le corps humain et l’embryon en tant que ressource ou entité biologique ». Les modalités d’examen d’une loi de bioéthique « suivent un processus officiel, préalable à l’adoption d’éventuelles modifications législatives pour adapter le droit aux évolutions de la science en se donnant les moyens d’une réflexion rigoureuse » (Rapport de synthèse sur les états généraux de la bioéthique, CCNE, juin 2018, p. 7).
■ La France pionnière en matière de législation dans le domaine de la bioéthique
De nouvelles techniques médicales (PMA, expérimentations humaines, diagnostic prénatal…) ont posé de nouveaux problèmes éthiques pour lesquels la France a décidé très tôt de légiférer.
À la fin des années 80, une première loi sur la protection de la personne dans le cadre des essais cliniques (recherche biomédicale) voit le jour (L. n° 88-1138 du 20 déc. 1988).
Mais c’est réellement l’année 1994 qui marque un changement en France.
Après une discussion de plus d'une année et demie, trois textes communément appelés « lois de bioéthique » sont votés (L. n° 94-548 du 1er juill. 1994 relative au traitement de données nominatives ayant pour fin la recherche dans le domaine de la santé et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ; L. n° 94-653 du 29 juill. 1994 relative au respect du corps humain et L. n° 94-654 du 29 juill. 1994 relative au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal).
La France est ainsi devenue le premier pays au monde à disposer d’un arsenal législatif en matière de bioéthique.
Les lois de 1994 introduisent divers principes : respect du corps humain (C. civ., art. 16 s.) ; protection de l’espèce humaine (C. pén., art. 511-1) ; protection du corps humain (C. pén., art. 511-2 s.) ; protection de l’embryon humain (C. pén., art. 511-15 s.) ; PMA (C. civ., art. 311-19 s. ; CSP, art. L. 152-1 s.) ; don et utilisation des éléments et produits du corps humain (CSP, art. L. 665-10 s.) …
Ces lois constituent actuellement le socle de la bioéthique française. Leur objectif est de garantir le respect de la personne humaine sans freiner les progrès de la science. Toutefois, elles ont pu être qualifiées de « lois d’interdits », certaines de leurs dispositions ont été rapidement considérées comme trop restrictives, menaçant ainsi le développement de la recherche en France.
■ Les révisions
* La loi n° 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique tout en prévoyant de nouveaux interdits liés aux progrès comme l’interdiction du clonage humain (interdiction prise à la suite de la naissance en 1997 d’une brebis britannique clonée), va élargir certaines possibilités en matière de bioéthique. Ainsi, si la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires est en principe prohibée, elle peut être autorisée, à titre dérogatoire pendant cinq ans, lorsqu’elle est « susceptible de permettre des progrès thérapeutiques majeurs ». Par ailleurs, le cercle des personnes pouvant procéder à un don d’organes pour une greffe est élargi. L’Agence de la biomédecine est créée, le CCNE est doté du statut d’autorité indépendante. Est enfin prévue une clause de révision à 5 ans des dispositions bioéthiques.
* La loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique a permis notamment l’autorisation du don croisé d’organes intervenant en cas d’incompatibilité entre proches, a donné une nouvelle définition des modalités et des critères permettant d’autoriser les techniques d’assistance médicale à la procréation et d’encadrer leur amélioration, a maintenu l’interdiction, avec des dérogations sous certaines conditions, de la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires. La clause de révision des dispositions bioéthiques est désormais d’un délai maximal de 7 ans, précédée d’un débat public sous formes d’États généraux confiés au CCNE. À cette occasion a également été ratifiée la Convention du Conseil de l’Europe sur les droits de l’homme et la biomédecine (Convention d’Oviedo, 1997).
* La loi de 2021. Le projet de loi relatif à la bioéthique a été déposé sur le Bureau de l’Assemblée Nationale le 24 juillet 2019 après avoir fait l’objet d’une phase de consultation citoyenne des États généraux de la bioéthique organisé par le CCNE intitulée « Quel monde voulons-nous pour demain ? » (v. Rapport de synthèse sur les états généraux de la bioéthique, CCNE, juin 2018).
Le projet de loi a définitivement été adopté le 29 juin 2021. Il a fait l’objet d’un parcours législatif périlleux. Trois lectures ont été nécessaires pour aboutir à cette nouvelle loi actuellement devant le Conseil constitutionnel.
Avant la décision du Conseil constitutionnel, ce texte, que nous détaillerons à la rentrée, présente de nombreuses nouveautés en bioéthique : AMP ouverte à toutes les femmes, établissement d’un nouveau mode de filiation fondé sur une reconnaissance conjointe pour permettre aux couples de femmes de devenir légalement les parents de l’enfant issu de l’AMP, levée de l’anonymat des donneurs de gamètes, autoconservation des ovocytes sans raison médicale, création d’embryons chimères par l’insertion de cellules humaines dans un embryon animal, extension du don croisé d’organes, tests génétiques, utilisation des algorithmes pour un diagnostic ou une thérapie, exploitation de l’imagerie cérébrale en médecine et pour des expertises judiciaires, recherche sur l’embryon (culture limitée à 14 j.), cellules souches pluripotentes induites humaines, variation du développement génital de l’enfant, recueil de selles d’origine humaine destinées à une utilisation thérapeutique…. Un nouvel examen de la loi aura lieu dans un délai maximal de 7 ans à compter de sa promulgation.
Toutefois certains interdits ont été maintenus : pas d'AMP post mortem, pas de ROPA (réception des ovocytes de la partenaire, qui permet qu’au sein d’un couple de femmes, l’une d’entre elles puisse faire don à l’autre de ses propres ovocytes), pas d’AMP aux personnes transgenres, ni d’interruption médicale de grossesse (IMG) pour cause de détresse psychosociale à toute époque de la grossesse.
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