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[ 27 novembre 2014 ] Imprimer

Droit européen et de l'Union européenne

Les prestations sociales ne sont pas automatiques

Mots-clefs : Citoyen européen, Prestations sociales, Inactif, Travailleur, Non-discrimination, Droit de séjour

Les citoyens de l’Union inactifs économiquement ne bénéficient pas systématiquement de l’ensemble des prestations sociales dans l’État membre d’accueil. Les États membres peuvent, en effet, les écarter sans que cette situation porte atteinte au principe de non-discrimination dès lors que le citoyen ne remplit pas les conditions pour séjourner dans l’État membre d’accueil au regard de la directive 2004/38.

Tout citoyen de l’Union européenne est titulaire des droits de circuler et de séjourner, contrairement aux ressortissants des pays tiers qui ne bénéficient pas directement de ces droits. Cependant, au sein des citoyens de l’Union, les conditions de mise en œuvre diffèrent afin que ces droits n’entraînent pas une charge déraisonnable pour le système social de chacun des États membres.

C’est ainsi que les citoyens économiquement inactifs doivent avoir des ressources suffisantes au regard de la directive 2004/38 pour séjourner plus de trois mois dans un État membre d’accueil et éventuellement bénéficier de prestations sociales. Cette situation est différente pour les actifs qui jouissent du principe du traitement national et ont, en conséquence, accès aux mêmes prestations sociales que les nationaux, dès lors que les conditions fixées par le législateur sont réunies.

Dans l’arrêt rapporté, largement relayé par les médias, le contentieux est lié à la situation d’une femme, de nationalité roumaine, tout comme son fils en bas âge. Cette dernière s’est installée en Allemagne chez sa sœur. Elle bénéficie de la part des autorités d’une attestation de séjour illimitée. Depuis qu’elle est en Allemagne, elle perçoit une prestation pour enfant à charge et, également, une avance sur pension alimentaire, le père étant inconnu. Il faut préciser que cette femme, qui n’a pas de qualifications professionnelles, n’a pas exercé d’activité professionnelle en Allemagne, tout comme en Roumanie et aucun élément ne laisse à penser qu’elle ait à un moment donné cherché du travail.

La requérante a demandé à percevoir des prestations sociales, ce qui lui a été refusé par l’organisme payeur, Jobcenter, et considère que ce refus est contraire au droit de l’Union.

Le juge allemand va alors poser plusieurs questions préjudicielles, sur le fondement du règlement 883/2004, relatif à la coordination des systèmes de sécurité sociale, de la directive 2004/38, relative aux droits des citoyens de l’Union, et des articles 18 et 20 TFUE afin de savoir si ces dispositions s’opposent à celles nationales allemandes et conduisent à une situation de discrimination.

La Cour de justice va répondre en deux temps pour déterminer s’il y a atteinte au principe de non-discrimination tel qu’il est réaffirmé dans la directive 2004/38.

Dans un premier temps, elle recherche si le refus des autorités peut entrer dans le champ des dérogations au principe de non-discrimination. L’article 24, paragraphe 2, de la directive prévoit qu’un État membre a la faculté de ne pas verser de prestations sociales pour les inactifs, lorsque leur présence est inférieure à une durée de cinq ans sur leur territoire. En effet, c’est seulement après un séjour légal ininterrompu d’une période de cinq ans que le citoyen de l’Union obtient la qualité de résident permanent et doit alors bénéficier des prestations sociales, étant totalement assimilé à un ressortissant national. L’absence de ressources suffisantes ne peut conduire à une expulsion conformément au caractère protecteur du statut de résident permanent.

Dans un second temps, la Cour examine si la mesure n’est pas discriminatoire sur le fondement du régime général de l’article 24, paragraphe 1er, de la directive. La Cour précise alors immédiatement que l’obligation de non-discrimination ne s’applique que si le séjour est légal au sens de la directive, c'est-à-dire, au-delà de la pièce d’identité valide, que la personne ait les ressources suffisantes lorsqu’il s’agit d’un séjour de plus de trois mois. 

Ce n’est pas le cas de la requérante, qui ne bénéficie pas d’un droit de séjour sur le fondement de la directive 2004/38. Elle n’entre dès lors pas dans le champ d’application de la directive et ne peut obtenir le versement des prestations sociales. Il n’y a pas de discrimination.

La Cour de justice précise que le législateur de l’Union pouvait prévoir une telle différence de traitement afin que le citoyen européen, arrivant dans un État membre d’accueil, ne devienne une charge déraisonnable pour l’État membre, au niveau de son système social.

La condition des ressources suffisantes constitue, en conséquence, une véritable restriction à l’accès aux prestations sociales, empêchant qu’un citoyen décide d’user de sa mobilité uniquement à des fins d’obtention de ces mêmes prestations. Il revient cependant à chaque État de fixer par la suite les conditions à réunir pour bénéficier de chacune des prestations.

CJEU 11 nov. 2014, Elisabeta Dano, Florian Dano c/ Jobcenter Leipzig, C-333/13

Références

■ Directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) n° 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE)

Article 24 - Égalité de traitement

« 1. Sous réserve des dispositions spécifiques expressément prévues par le traité et le droit dérivé, tout citoyen de l'Union qui séjourne sur le territoire de l'État membre d'accueil en vertu de la présente directive bénéficie de l'égalité de traitement avec les ressortissants de cet État membre dans le domaine d'application du traité. Le bénéfice de ce droit s'étend aux membres de la famille, qui n'ont pas la nationalité d'un État membre et qui bénéficient du droit de séjour ou du droit de séjour permanent.

2. Par dérogation au paragraphe 1, l'État membre d'accueil n'est pas obligé d'accorder le droit à une prestation d'assistance sociale pendant les trois premiers mois de séjour ou, le cas échéant, pendant la période plus longue prévue à l'article 14, paragraphe 4, point b), ni tenu, avant l'acquisition du droit de séjour permanent, d'octroyer des aides d'entretien aux études, y compris pour la formation professionnelle, sous la forme de bourses d'études ou de prêts, à des personnes autres que les travailleurs salariés, les travailleurs non salariés, les personnes qui gardent ce statut, ou les membres de leur famille. »

■ Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne

Article 18 - (ex-article 12 TCE)

« Dans le domaine d'application des traités, et sans préjudice des dispositions particulières qu'ils prévoient, est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité.

Le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, peuvent prendre toute réglementation en vue de l'interdiction de ces discriminations. »

Article 20 (ex-article 17 TCE)

« 1. Il est institué une citoyenneté de l'Union. Est citoyen de l'Union toute personne ayant la nationalité d'un État membre. La citoyenneté de l'Union s'ajoute à la citoyenneté nationale et ne la remplace pas.

2. Les citoyens de l'Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus par les traités. Ils ont, entre autres:

a) le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres;

b) le droit de vote et d'éligibilité aux élections au Parlement européen ainsi qu'aux élections municipales dans l'État membre où ils résident, dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État;

c) le droit de bénéficier, sur le territoire d'un pays tiers où l'État membre dont ils sont ressortissants n'est pas représenté, de la protection des autorités diplomatiques et consulaires de tout État membre dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État;

d) le droit d'adresser des pétitions au Parlement européen, de recourir au médiateur européen, ainsi que le droit de s'adresser aux institutions et aux organes consultatifs de l'Union dans l'une des langues des traités et de recevoir une réponse dans la même langue.

Ces droits s'exercent dans les conditions et limites définies par les traités et par les mesures adoptées en application de ceux-ci. »

 Règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale.

 

Auteur :V. B.

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