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Procédure pénale
Les procédures alternatives aux poursuites à l’épreuve des principes du droit pénal général et de la procédure pénale
Mots-clefs : Récidive (premier terme, second terme, condamnation définitive), Composition pénale, Mesure alternative aux poursuites, Comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, Contradictoire
En cas de procédure alternative aux poursuites, le fait pour le tribunal correctionnel d’avoir eu accès au dossier de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ne fait pas forcément grief lorsqu’il fonde sa décision de culpabilité sur d’autres pièces du dossier.
Une personne était poursuivie devant le tribunal correctionnel pour conduite en état d’ivresse. En application de l’article 40-1 du Code de procédure pénale (C. pr. civ.), le ministère public, saisi des faits, avait préalablement proposé au prévenu d’accepter une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), qui est une procédure alternative aux poursuites instaurée par la loi du 9 mars 2004. Le conducteur avait dans un premier temps répondu positivement à la demande du ministère public, puis il s’était rétracté, en raison d’un désaccord sur la durée de la peine qui lui était proposée. Cette rétractation était conforme aux dispositions de l’article 495-14 C. pr.civ.
Dès lors, il devait être jugé par un tribunal selon la procédure classique de jugement. Or, le tribunal correctionnel saisi des faits avait eu accès au dossier de CRPC, et avait motivé sa décision de condamnation sur les éléments contenus dans ce dossier. Cette pratique était contraire aux dispositions de l’article 495-14 alinéa 2 C. pr. civ. En effet, le législateur, lors du vote du « plaider coupable » à la française, avait souhaité sauvegarder les droits de la défense, en empêchant qu’un prévenu se voie opposer les « aveux » faits au cours de la CRPC. Cette interdiction oblige donc les juridictions de jugement à fonder la culpabilité du prévenu sur des preuves tangibles, et non sur de simples déclarations faites au cours de la CRPC.
En l’espèce, la cour d’appel avait confirmé la condamnation, en se fondant sur d’autres éléments que ceux contenus dans le dossier de CRPC. Le demandeur au pourvoi considérait quant à lui que le simple fait pour le tribunal d’avoir eu accès au dossier de CRPC avait porté atteinte aux droits de sa défense. La Cour de cassation valide néanmoins la position de la cour d’appel, en considérant que la consultation par la juridiction de jugement du dossier de CRPC n’a pas porté atteinte aux intérêts du prévenu, « les juges du fond ne s’étant pas fondés sur cette pièce pour asseoir en tout ou en partie leur conviction sur la culpabilité [du prévenu] ». L’esprit de la loi est donc respecté, bien que cette solution puisse paraître contraire a priori à la lettre du CPP (art 495-14).
Dans le second moyen de cassation soulevé devant elle, la chambre criminelle se penche sur la définition du premier terme de la récidive en matière d’alternative aux poursuites. En l’espèce, le même prévenu avait été condamné à payer une amende de composition pénale, dans une précédente affaire de conduite en état d’ivresse. Le tribunal correctionnel et la cour d’appel avaient considéré que cette composition constituait le premier terme d’une récidive, en vertu de l’article 132-10 du Code pénal. À l’appui de cette interprétation, on peut rappeler que l’exécution de la composition éteint l’action publique, conformément aux dispositions de l’article 41-2 CPP. Toutefois, la Cour de cassation, dans un avis rendu le 18 janvier 2010 avait considéré qu’ « une amende de composition pénale exécutée ne peut constituer le premier terme d'une récidive au sens de l'art. 132-10 C. pén. ». Elle considère donc que la composition ne constitue pas une peine, puisque l’article 41-2 parle de « mesures » imposées au prévenu. La chambre criminelle casse logiquement l’arrêt d’appel dans ses dispositions relatives à l’état de récidive.
Crim. 30 nov. 2010, n° 10-80.460, F-P+B
Références
■ Comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité
« Mode de saisine du tribunal correctionnel, encore appelé le « plaider coupable », mis en place par la loi no 2004-204 du 9 mars 2004 (loi Perben II), consistant à éviter la lourdeur d'un examen en audience dès lors que l'auteur de l'infraction reconnaît les faits qui lui sont reprochés et sa culpabilité. Le procureur de la République peut alors lui proposer d'exécuter une ou plusieurs des peines principales ou complémentaires encourues, et, en cas d'acceptation, l'intéressé est aussitôt présenté devant le président du tribunal de grande instance (ou le juge délégué par lui), aux fins d'homologation de la proposition ainsi faite. La procédure n'est applicable, ni aux mineurs de dix-huit ans, ni en matière de délits de presse, de délits d'homicides involontaires, de délits politiques ou de délits dont la procédure de poursuite est prévue par une loi spéciale. »
« Cause d'aggravation de la peine résultant pour un délinquant de la commission d'une seconde infraction dans les conditions précisées par la loi, après avoir été condamné définitivement pour une première infraction. La récidive est dite générale ou spéciale selon qu'elle existe pour deux infractions différentes ou seulement pour deux infractions semblables ; elle est dite perpétuelle ou temporaire selon qu'elle existe quel que soit le délai qui sépare les deux infractions, ou seulement si la seconde infraction est commise dans un certain délai qui court à compter de l'expiration de la première peine. »
« Procédures se substituant à l'engagement d'un procès pénal, mises en œuvre par le procureur de la République sur le principe de l'opportunité des poursuites : la médiation et la composition pénale en sont les symboles les plus forts. »
« Mesure de compensation ou de réparation proposée par le procureur de la République, tant que l'action publique n'a pas été mise en mouvement, à une personne majeure qui reconnaît avoir commis un ou plusieurs délits ou une ou plusieurs contraventions dont la liste est fixée par la loi ou le règlement. Après avoir été validée par le président du tribunal, son exécution éteint l'action publique. »
Sources : Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.
Code de procédure pénale
« Lorsqu'il estime que les faits qui ont été portés à sa connaissance en application des dispositions de l'article 40 constituent une infraction commise par une personne dont l'identité et le domicile sont connus et pour laquelle aucune disposition légale ne fait obstacle à la mise en mouvement de l'action publique, le procureur de la République territorialement compétent décide s'il est opportun :
1° Soit d'engager des poursuites ;
2° Soit de mettre en œuvre une procédure alternative aux poursuites en application des dispositions des articles 41-1 ou 41-2 ;
3° Soit de classer sans suite la procédure dès lors que les circonstances particulières liées à la commission des faits le justifient. »
« Le procureur de la République, tant que l'action publique n'a pas été mise en mouvement, peut proposer, directement ou par l'intermédiaire d'une personne habilitée, une composition pénale à une personne physique qui reconnaît avoir commis un ou plusieurs délits punis à titre de peine principale d'une peine d'amende ou d'une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à cinq ans, ainsi que, le cas échéant, une ou plusieurs contraventions connexes qui consiste en une ou plusieurs des mesures suivantes :
[…] L'exécution de la composition pénale éteint l'action publique. Elle ne fait cependant pas échec au droit de la partie civile de délivrer citation directe devant le tribunal correctionnel dans les conditions prévues au présent code. Le tribunal, composé d'un seul magistrat exerçant les pouvoirs conférés au président, ne statue alors que sur les seuls intérêts civils, au vu du dossier de la procédure qui est versé au débat. La victime a également la possibilité, au vu de l'ordonnance de validation, lorsque l'auteur des faits s'est engagé à lui verser des dommages et intérêts, d'en demander le recouvrement suivant la procédure d'injonction de payer, conformément aux règles prévues par le code de procédure civile.
Les compositions pénales exécutées sont inscrites au bulletin n° 1 du casier judiciaire.
[…]
Le président du tribunal peut désigner, aux fins de validation de la composition pénale, tout juge du tribunal ainsi que tout juge de proximité exerçant dans le ressort du tribunal. […] »
« À peine de nullité de la procédure, il est dressé procès-verbal des formalités accomplies en application des articles 495-8 à 495-13.
Lorsque la personne n'a pas accepté la ou les peines proposées ou lorsque le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui n'a pas homologué la proposition du procureur de la République, le procès-verbal ne peut être transmis à la juridiction d'instruction ou de jugement, et ni le ministère public ni les parties ne peuvent faire état devant cette juridiction des déclarations faites ou des documents remis au cours de la procédure. »
Code pénal
« Lorsqu'une personne physique, déjà condamnée définitivement pour un délit, commet, dans le délai de cinq ans à compter de l'expiration ou de la prescription de la précédente peine, soit le même délit, soit un délit qui lui est assimilé au regard des règles de la récidive, le maximum des peines d'emprisonnement et d'amende encourues est doublé. »
■ Cass., avis, 18 janv. 2010 , Bull. crim. (avis) no 1 ; D. 2010. AJ 327, note Léna ; AJ pénal 2010. 187, obs. Danet.
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