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Procédure pénale
L’étendue du principe una via electa
Mots-clefs : Action civile, Option procédurale, Irrévocabilité, Una via electa
La règle selon laquelle la partie qui a exercé son action devant la juridiction civile ne peut la porter devant la juridiction répressive, n’est susceptible d’application qu’autant que les demandes, respectivement portées devant le juge civil et devant le juge pénal, ont le même objet, la même cause et visent les mêmes parties.
L'action en réparation du dommage né de l'infraction peut être portée soit devant la juridiction pénale, en même temps que l'action publique (C. pr. pén., art. 3) soit devant les juridictions civiles. L'article 4 du Code de procédure pénale offre à la victime le choix entre la voie civile et la voie pénale.
Si la voie pénale a été choisie, elle peut être abandonnée au profit de la voie civile. En revanche, une fois la voie civile choisie, la victime ne peut plus la quitter, en vertu du principe « electa una via ». L'article 5 du Code de procédure pénale précise ainsi que la partie, qui a exercé son action devant la juridiction civile compétente, ne peut plus la porter devant la juridiction répressive : l'option est irrévocable.
Aux conditions prévues par l’article 5 (compétence de la juridiction civile, absence d’ouverture de la voie pénale par le ministère public, absence de décision rendue sur le fond par le juge civil), le principe d’irrévocabilité suppose une triple identité entre les deux actions : les deux demandes portées devant le juge civil et le juge pénal doivent opposer les mêmes parties, avoir le même objet et la même cause (Crim. 26 avr. 1983 ; Crim. 19 janv. 1993). Tel est le cas du salarié délégué syndical qui saisit le conseil des prud'hommes à l'encontre de la société qui l'emploie pour des faits d'entrave, de discrimination syndicale et de harcèlement moral, puis se constitue partie civile et poursuit le président de ladite société devant la juridiction répressive pour les mêmes faits. (Crim. 3 avr. 2007).
L’arrêt rendu par la chambre criminelle, le 19 novembre 2013 vient à nouveau illustrer cette règle. En l’espèce, le salarié d’une communauté intercommunale avait porté plainte et s’était constitué partie civile contre le président de celle-ci, du chef de discrimination, pour l’avoir licencié à raison des activités politiques de son frère.
Le tribunal correctionnel, statuant sur l’exception d’irrecevabilité de l’action de la partie civile soulevée par le prévenu, a déclaré irrecevable l’action du salarié au motif que celui-ci avait engagé, antérieurement au dépôt de sa plainte, une action civile contre la communauté intercommunale devant le conseil de prud’hommes, ayant des cause et objet identiques. Pour confirmer le premier jugement, la cour d’appel a notamment retenu, que l’objet des deux actions, en ce qu’il s’agit d’une demande de dommages-intérêts en réparation d’un acte de discrimination, est identique.
Contestant cette analyse, la chambre criminelle affirme « que l’action introduite devant la juridiction prud’homale tendait seulement à faire reconnaître le préjudice subi par la partie civile du fait d’un licenciement qu’elle prétend abusif et avait un objet distinct de l’action introduite devant la juridiction répressive aux fins d’établir une atteinte à la dignité de la personne constituée par une discrimination dont elle se disait victime ».
En l’espèce, l'article 5 ne peut faire obstacle à la saisine de la juridiction répressive, les deux actions, si elles opposent les mêmes parties et ont la même cause, n'ont pas le même objet.
Crim. 19 nov. 2013, n°12-83.294
Références
■ Code de procédure pénale
« L'action civile peut être exercée en même temps que l'action publique et devant la même juridiction.
Elle sera recevable pour tous chefs de dommages, aussi bien matériels que corporels ou moraux, qui découleront des faits objets de la poursuite. »
« L'action civile en réparation du dommage causé par l'infraction prévue par l'article 2 peut être exercée devant une juridiction civile, séparément de l'action publique.
Toutefois, il est sursis au jugement de cette action tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement.
La mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil. »
« La partie qui a exercé son action devant la juridiction civile compétente ne peut la porter devant la juridiction répressive. Il n'en est autrement que si celle-ci a été saisie par le ministère public avant qu'un jugement sur le fond ait été rendu par la juridiction civile. »
■ Crim. 26 avr. 1983, n°81-94.457, Bull. crim. no 114.
■ Crim. 19 janv. 1993, n° 92-80.556.
■ Crim. 3 avr. 2007, n°06-86.748, Bull. crim. no 99; D. 2008. Pan. 2758, obs. Pradel ; AJ pénal 2007. 328, obs. Saas.
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