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[ 29 septembre 2023 ] Imprimer

Droit des obligations

Levée de l’option d’un contrat de promesse : force obligatoire du formalisme prévu par les parties

Les modalités contractuellement prévues dans un contrat de promesse pour lever l’option s’imposent au juge comme aux parties en sorte que la levée d’option d’une promesse d’achat d’actions ne peut être jugée valable lorsque les bénéficiaires ont méconnu la stipulation spéciale les obligeant, par dérogation aux dispositions générales du contrat admettant toute notification par écrit, au respect d’un formalisme spécifique.

Com. 30 août 2023, n° 21-24.090

À l’origine du pourvoi formé par son auteur, une promesse d’achat des actions détenues par une société, conclue en décembre 2012. Par une lettre du 7 mai 2013, remise le même jour en main propre au promettant, les bénéficiaires de cette promesse d’achat avaient notifié à ce dernier leur levée de l’option. Le promettant ayant finalement refusé d’acquérir les actions, il avait été assigné en réparation du préjudice résultant de la violation de sa promesse. Après avoir été condamné en appel, le promettant soutenait devant la Cour de cassation que les bénéficiaires n’avaient pas levé l’option conformément aux modalités prévues par l’article 3.2 du contrat de promesse, stipulant que la levée de l’option devrait être exclusivement effectuée par lettre recommandée par accusé de réception. Selon le demandeur au pourvoi, les bénéficiaires de la promesse n’ont donc pas pu valablement lever l’option d’achat des titres au moyen d’un courrier remis en main propre. Partant, les juges du fond auraient méconnu la loi des parties en considérant que les bénéficiaires ayant valablement levé l’option, le promettant devait être jugé défaillant dans l’exécution de la promesse d’achat. La Cour de cassation donne raison au promettant et casse l’arrêt d’appel au visa de l’article 1134 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016. Elle relève en ce sens que pour juger valable la levée de l’option, la cour d’appel a retenu que les modalités de notification prévues à l’article 9 de la promesse d’achat prévoyaient soit la remise d’un écrit en main propre, soit l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé réception. Selon les juges d’appel, ces modalités constituaient des dispositions générales n’excluant pas d’autres formalités et avaient vocation à s’appliquer à toute notification effectuée en exécution de la promesse d’achat. Les juges du fond ont ajouté que si l’article 3.2 de ladite promesse prévoyait certes que « la levée d’option de vente devra être notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception adressée par les bénéficiaires au promettant », cette stipulation n’excluait pas pour autant le recours aux modalités générales de notification de l’article 9 précité. Ils en ont déduit que les modalités de notification de la levée d’option prévues par l’article 3.2 n’étaient pas prescrites à peine de validité, mais simplement à titre probatoire, l’intention des parties étant de prouver l’exercice d’un droit dans le respect des délais contractuels et que la remise en main propre, qui permettait aux bénéficiaires d’avoir la certitude de la date à laquelle interviendrait la notification, n’avait pas à être écartée dès lors qu’elle constituait l’un des modes de notification contractuellement prévu. Ainsi la cour d’appel a-t-elle, selon la chambre commerciale, dénaturé la stipulation claire et précise de l’article 3.2 de la promesse d’achat, laquelle dérogeait sans ambiguïté à la stipulation générale de l’article 9 en obligeant les bénéficiaires de la promesse à lever l’option par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. La Haute cour en conclut que les bénéficiaires n’ont pas valablement levé l’option.

Cette solution atténue la portée du principe de consensualisme qui régit toute promesse de contrat autre que celle portant sur un bien immobilier. Ainsi d’une promesse d’achat d’actions, dénuée de tout formalisme. En effet, conformément au droit commun, le contrat de promesse est, par principe, un contrat consensuel, caractérisé par sa liberté de forme. Cette liberté de principe peut toutefois être restreinte par la loi des parties. Ainsi, en l’espèce, les modalités prévues pour la levée de l’option étaient régies par deux stipulations distinctes et conformément à l’adage specialia generalibus derogant, l’application de la stipulation générale admettant la levée de l’option par la remise d’un écrit en main propre devait être écartée en considération de la stipulation spéciale, dérogatoire à la clause générale, soumettant la validité de la levée de l’option à l’envoi d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Autrement dit, en dépit du principe de consensualisme, le formalisme contractuellement prévu par la loi des parties s’impose au juge lequel ne peut, sans encourir le grief de la dénaturation, méconnaître la force obligatoire du contrat en refusant d’appliquer au litige la stipulation spéciale obligeant les bénéficiaires, pour lever l’option, à une formalité particulière. Les contractants sont ainsi appelés à une grande vigilance quant à la rédaction du contrat de promesse. En effet, les modalités de la levée de l’option, telles qu’elles auront été spécifiquement prévues par le contrat, s’imposent au juge comme aux parties. Or leur méconnaissance est susceptible d’emporter des conséquences drastiques, le formalisme contractuellement prévu pour lever l’option étant prescrit ad validitatem, et non à titre probatoire. Ainsi dans la décision rapportée, privant les bénéficiaires de la promesse, en conséquence de leur non-respect du formalisme prescrit, de toute indemnisation malgré le refus du promettant de réitérer sa promesse d’achat. Il est enfin à noter qu’un même refus leur aurait été opposé si les bénéficiaires avaient sollicité l’exécution forcée de la promesse. D’où la nécessité pour les bénéficiaires d’une promesse de veiller scrupuleusement au respect des modalités stipulées pour lever l’option, faute de quoi aucune des sanctions prévues en cas de rétractation du promettant dans le délai d’option ne pourra être obtenue.

 

Auteur :Merryl Hervieu


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