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Droit européen et de l'Union européenne
L’exigence de célérité des procédures pour le contentieux relatif au retour de l’enfant dans un État membre
Mots-clefs : Enfant, Enlèvement international, Droit de garde, Juridiction, Autonomie procédurale, Autonomie institutionnelle, Urgence, Effectivité
La mise en œuvre du droit de l’Union doit s’appuyer sur l’organisation juridictionnelle des États membres qui possèdent dans ce cadre une autonomie institutionnelle et procédurale. Cependant, cette autonomie ne doit pas nuire à l’effet utile des droits issus de l’Union européenne. Ainsi, si le règlement n°2201/2003, interprété par la Cour de justice, reconnait la capacité aux États de créer des juridictions spécialisées ou non, les juges de l’Union exige que l’objectif de célérité soit respecté étant donné qu’il s’agit de défendre les droits fondamentaux de l’enfant, principalement son droit à avoir des relations personnelles avec ses parents.
Le droit de l’Union européenne vise directement certains aspects ayant un lien avec les droits de l’enfant. Il en est ainsi du règlement n° 2201/2003 du Conseil qui organise la coopération judiciaire en matière civile pour toutes les décisions en matière de responsabilité parentale. Cependant si le règlement organise la reconnaissance et l’exécution des décisions en cas de déplacement ou de non-retour illicite de l’enfant, l’acte de droit dérivé ne précise pas quelles sont les juridictions qui sont compétentes au sein de l’État membre, renvoyant l’État à ce choix conformément aux principes de l’autonomie institutionnelle et procédurale. Ce sont ces principes qui ont été implicitement appliqués dans cette décision.
Le litige est lié au départ de la mère et de son enfant de la Belgique vers la Pologne, État dont est originaire la mère. Ce départ définitif s’est fait en l’absence de l’accord du père, britannique, mais qui résidait également en Belgique. Aucun accord n’avait par ailleurs été conclu sur les modalités de l’autorité parentale et l’hébergement. Le père a saisi les juridictions belges afin d’obtenir d’une part, l’autorité parentale et l’hébergement et d’autre part, le retour de l’enfant, conformément aux procédures prévues dans le cadre de la Convention de La Haye Du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants.
De son côté, la mère a saisi une juridiction polonaise qui a constaté le déplacement illicite mais qui a rendu une décision de non-retour. Cette décision a été notifiée aux autorités belges.
La juridiction belge, le tribunal de la famille de Bruxelles, saisie pour rendre la décision concernant le déplacement illicite de l’enfant, a renvoyé l’affaire estimant qu’une autre juridiction avait été saisie au préalable sur le fond c’est-à-dire sur le droit de garde. La cour d’appel belge alors saisie, confrontée à ce renvoi, cherche à déterminer si le règlement de l’Union impose la création d’une juridiction spécifique ou si la juridiction saisie préalablement au fond peut également se prononcer sur le retour de l’enfant conformément à l’article 11 du règlement.
Il faut préciser que la Cour de justice accepte de répondre à cette question dans le cadre spécifique de la procédure préjudicielle d’urgence. Cette procédure était possible car le contentieux entre dans le domaine de l’espace de liberté, de sécurité et de justice. En outre, il fallait un caractère d’urgence qui a été reconnu par le fait que la mère a refusé l’exercice du droit de visite du père et que l’enfant âgé de trois ans voit sérieusement remis en cause la relation avec son père.
Sur le fond, la Cour s’appuie implicitement sur l’autonomie institutionnelle et procédurale en raison de l’absence de disposition dans le règlement sur la juridiction devant être désignée. Cette situation est courante étant donné que la mise en œuvre procédurale de l’Union dépend du droit national ; il relève ainsi de l’État de déterminer les juridictions compétentes et les procédures applicables.
Il y a cependant deux limites, les principes d’équivalence et d’effectivité.
Le principe d’équivalence consiste à accéder aux juges dans les mêmes conditions, que l’action soit fondée sur le droit national ou le droit de l’Union. Ce principe n’était pas en cause ici.
Le second principe vise à garantir que la protection des droits ne soit pas rendue impossible ou excessivement difficile. Le principe d’effectivité ne paraît pas se poser puisque l’accès au juge est possible pour le contentieux relatif au déplacement illicite d’enfants.
Toutefois la Cour de justice précise que la procédure choisie ne doit pas porter atteinte à l’effet utile du règlement, c’est-à-dire aux droits de l’enfant. Ces droits sont notamment protégés par l’article 24 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne qui protège, notamment, le droit pour l’enfant d’entretenir régulièrement des relations personnelles avec ses deux parents.
En conséquence, si l’État peut choisir entre une juridiction spécialisée ou attribuer la compétence à la juridiction déjà saisie au fond, la procédure finalement retenue doit être efficace, c’est-à-dire rapide. L’État est ainsi contraint par l’exigence de célérité de la procédure afin de préserver les droits de l’enfant. L’autonomie procédurale demeure mais elle doit une nouvelle fois répondre aux exigences de l’effectivité du droit de l’Union.
CJUE 9 janv. 2015, David Bradbrooke c/ Anna Aleksabdrowicz, C-498/14
Références
■ Règlement (CE) n°2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) no 1347/2000
Article 11 - Retour de l'enfant
« 1. Lorsqu'une personne, institution ou tout autre organisme ayant le droit de garde demande aux autorités compétentes d'un État membre de rendre une décision sur la base de la convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants (ci-après «la convention de La Haye de 1980») en vue d'obtenir le retour d'un enfant qui a été déplacé ou retenu illicitement dans un État membre autre que l'État membre dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour illicites, les paragraphes 2 à 8 sont d'application.
2. Lors de l'application des articles 12 et 13 de la convention de La Haye de 1980, il y a lieu de veiller à ce que l'enfant ait la possibilité d'être entendu au cours de la procédure, à moins que cela n'apparaisse inapproprié eu égard à son âge ou à son degré de maturité.
3. Une juridiction saisie d'une demande de retour d'un enfant visée au paragraphe 1 agit rapidement dans le cadre de la procédure relative à la demande, en utilisant les procédures les plus rapides prévues par le droit national.
Sans préjudice du premier alinéa, la juridiction rend sa décision, sauf si cela s'avère impossible en raison de circonstances exceptionnelles, six semaines au plus tard après sa saisine.
4. Une juridiction ne peut pas refuser le retour de l'enfant en vertu de l'article 13, point b), de la convention de La Haye de 1980 s'il est établi que des dispositions adéquates ont été prises pour assurer la protection de l'enfant après son retour.
5. Une juridiction ne peut refuser le retour de l'enfant si la personne qui a demandé le retour de l'enfant n'a pas eu la possibilité d'être entendue.
6. Si une juridiction a rendu une décision de non-retour en vertu de l'article 13 de la convention de La Haye de 1980, cette juridiction doit immédiatement, soit directement soit par l'intermédiaire de son autorité centrale, transmettre une copie de la décision judiciaire de non-retour et des documents pertinents, en particulier un compte rendu des audiences, à la juridiction compétente ou à l'autorité centrale de l'État membre dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour illicites, conformément à ce que prévoit le droit national. La juridiction doit recevoir tous les documents mentionnés dans un délai d'un mois à compter de la date de la décision de non-retour.
7. À moins que les juridictions de l'État membre dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour illicites aient déjà été saisies par l'une des parties, la juridiction ou l'autorité centrale qui reçoit l'information visée au paragraphe 6 doit la notifier aux parties et les inviter à présenter des observations à la juridiction, conformément aux dispositions du droit national, dans un délai de trois mois à compter de la date de la notification, afin que la juridiction examine la question de la garde de l'enfant.
Sans préjudice des règles en matière de compétence prévues dans le présent règlement, la juridiction clôt l'affaire si elle n'a reçu dans le délai prévu aucune observation.
8. Nonobstant une décision de non-retour rendue en application de l'article 13 de la convention de La Haye de 1980, toute décision ultérieure ordonnant le retour de l'enfant rendue par une juridiction compétente en vertu du présent règlement est exécutoire conformément au chapitre III, section 4, en vue d'assurer le retour de l'enfant. »
■ Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne
Article 24 - Droits de l’enfant
« 1. Les enfants ont droit à la protection et aux soins nécessaires à leur bien-être. Ils peuvent exprimer leur opinion librement. Celle-ci est prise en considération pour les sujets qui les concernent, en fonction de leur âge et de leur maturité.
2. Dans tous les actes relatifs aux enfants, qu’ils soient accomplis par des autorités publiques ou des institutions privées, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale.
3. Tout enfant a le droit d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à son intérêt. »
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