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[ 3 décembre 2013 ] Imprimer

Droit européen et de l'Union européenne

L’exigence d’un recours effectif en cas de violation d’un délai de jugement raisonnable

Mots-clefs : Recours effectif, Principe de délai de jugement raisonnable, Recours en indemnisation, Recours en annulation, Droit de l’Union

L’obligation d’un délai raisonnable de jugement trouve son fondement en droit de l’Union dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. L’identification de la violation donne lieu à une convergence de jurisprudence entre celle de la CEDH et de la CJUE, les deux juridictions s’appuyant sur les mêmes critères d’identification : les circonstances propres de l’affaire, le comportement des parties et la survenance d’incidents procéduraux. La violation doit alors donner lieu à un recours effectif qui prend la forme, en droit de l’Union, du recours en indemnisation devant le Tribunal de l’Union, le recours en annulation étant inapproprié.

L’obligation d’un délai de jugement raisonnable est une obligation présente à la fois en droit de l’Union et au sein de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (Conv. EDH). En droit de l’Union, la Cour rattache aujourd’hui cette obligation à l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux consacrée au principe de la protection juridictionnelle effective, cette obligation étant précédemment un principe général du droit. L’article 6 § 1er de la Conv. EDH constitue le fondement juridique pour le droit européen. 

Si l’obligation était admise, sa portée restait à définir, quant à la voie de droit à mettre en œuvre, dès lors que la violation constituait un moyen afin d’obtenir l’annulation d’un arrêt et, in fine, d’une décision de la Commission européenne en droit de la concurrence.

À l’origine de l’affaire se trouve un recours en annulation d’une entreprise qui entend contester la décision de la Commission qui la condamne à une lourde amende. Cependant, la procédure devant le Tribunal de l’Union européenne va durer cinq ans et neuf mois. Le Tribunal a refusé de se prononcer sur le moyen lié au délai, moyen qui a été à nouveau soulevé dans le cadre du pourvoi devant la CJUE.

L’arrêt de la Cour apporte une double réponse : 

– la première concernant la voie de droit ;

– la seconde concernant les critères d’identification d’un délai raisonnable.

▪ En premier lieu sur la voie de droit ouverte aux particuliers, la Cour de justice s’appuie largement sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui précise que le dépassement du délai constitue une irrégularité de procédure qui doit ouvrir à un recours effectif pour un redressement approprié (ex : CEDH gde ch., 10 sept. 2010, Mc Farlane c/ Irlande).

La Cour de justice traduit cette obligation par l’ouverture d’une procédure en indemnisation devant le Tribunal de l’Union, qui lui semble la seule procédure pertinente.

L’absence de délai de jugement raisonnable ne peut pas donner lieu à une annulation de la décision initiale à moins que le non-respect du délai ait une incidence sur la solution du litige.

Ainsi, le recours en indemnisation est la voie de droit de principe, qui ne peut être conçue comme une procédure incidente, ce recours ayant son propre objet, exigeant un examen des faits différents. 

Cependant, la Cour impose que le Tribunal statue dans une formation différente que celle qui a eu à se prononcer dans le cadre du recours en annulation.

▪ En second lieu sur les critères d’identification, la Cour a une approche convergente avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH 8 déc. 1983, Pretto c/ Italie) même si elle ne fait expressément, lors de cette phase de raisonnement, aucune référence à sa jurisprudence.

La juridiction de l’Union précise que le Tribunal doit prendre en considération les circonstances de l’affaire, c’est-à-dire la complexité du litige, le comportement des parties ou encore la survenance d’incidents procéduraux.

En l’espèce, la Cour indique qu’au regard des éléments en sa possession, les circonstances de l’affaire ne pouvaient justifier un tel délai et plus particulièrement la durée de trois ans et dix mois entre la fin de la procédure écrite et l’ouverture de la procédurale.

Le principe est ainsi effectif en droit de l’Union, disposant d’une voie de droit identifiée, obligeant les juridictions de l’Union à être dorénavant plus efficace. 

CJEU, Grde ch., 26 nov. 2013, Kendrion NV c/ Commission européenne, C-50/12P

Références

■ CEDH gde ch., 10 sept. 2010, Mc Farlane c/ Irlande, n° 31333/06.

■ CEDH 8 déc. 1983, Pretto c/ Italie, n° 7984/77.

■ Article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne - Droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial

« Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l'Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article.

Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter.

Une aide juridictionnelle est accordée à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, dans la mesure où cette aide serait nécessaire pour assurer l'effectivité de l'accès à la justice. »

■ Article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme - Droit à un procès équitable 

« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. 

2. Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. 

3. Tout accusé a droit notamment à : 

a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui ; 

b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;

c) se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent ; 

d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ; 

e) se faire assister gratuitement d’un interprète, s’il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l’audience. » 

 

Auteur :V. B.


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