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[ 18 novembre 2013 ] Imprimer

Procédure pénale

L’exigence incontournable du principe du contradictoire

Mots-clefs : Principe du contradictoire, Procès équitable, Chambre de l’instruction

Si la chambre de l’instruction, lors de l’examen d’une voie de recours, peut fonder sa décision sur une pièce nouvelle ne figurant pas au dossier déposé au greffe, c’est à la condition de l’avoir préalablement soumise au débat contradictoire.

Le principe du contradictoire découle du caractère équitable du procès et garantit, selon les termes de la Cour européenne, aux parties « le droit de se voir communiquer et de discuter toute pièce ou observation présentée au juge, fût-ce par un magistrat indépendant, en vue d’influencer sa décision » (CEDH 27 mars 1998, J. J. c/ Pays-Bas). Le juge est le premier débiteur de cette obligation.

Rappelons, que le principe du contradictoire émaille toutes les matières et n’est pas propre au procès pénal. Ainsi, en matière civile par exemple, la loi confie au juge le soin d’assurer le respect du contradictoire. Il résulte ainsi de l’article 16, alinéa 1er, du Code de procédure civile que : « Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer […] le principe de la contradiction ».

Lorsqu’aucune des parties n’a pu prendre connaissance des pièces, le principe du contradictoire est violé. Tel est le rappel que fait la chambre criminelle dans un arrêt de principe rendu le 6 novembre dernier.

En l’espèce, dans le cadre d’une information des chefs de destruction, dégradations volontaires d’objets immobiliers et mobiliers par moyen dangereux en bande organisée, violences avec arme sur agents de la force publique en récidive, participation à un attroupement armé, la chambre de l'instruction a infirmé l’ordonnance du juge des libertés et de la détention et ordonné la mise en liberté sous contrôle judiciaire du mis en examen.

Pour parvenir à cette décision, la juridiction s’est appuyée sur un procès-verbal relatif à une confrontation organisée par le juge d’instruction d’un témoin entendu sous anonymat, qui avait initialement désigné l’accusé comme l’auteur des violences, avant de le mettre hors de cause. Or, ce procès-verbal, qu’elle s’est fait communiquer en cours de délibéré, ne figurait pas au dossier déposé au greffe et n’a été porté à la connaissance ni du ministère public ni de la personne mise en examen !

C’est donc fort logiquement que la Cour de cassation censure la décision et déclare dans un attendu de principe, au visa des articles 6 § 1er de la Conv. EDHpréliminaire et 197 du Code de procédure pénale qu’« il résulte de ces textes que, si la chambre de l’instruction, lors de l’examen d’une voie de recours, peut fonder sa décision sur une pièce nouvelle ne figurant pas au dossier déposé au greffe, c’est à la condition de l’avoir préalablement soumise au débat contradictoire ».

L’existence d’un procès équitable ne se conçoit guère si le juge se fonde sur un élément sans donner aux parties la possibilité d’en débattre contradictoirement. En outre, cette solution a le mérite d’être également plus respectueuse de l’effectivité du respect des droits de la défense.

Crim. 6 nov. 2013, n°13-85.658

Références

■ CEDH 27 mars 1998, J. J. c/ Pays-Bas, n°9/1997/793/994.

■ Code de procédure pénale

Article préliminaire

« I.-La procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l'équilibre des droits des parties. 

Elle doit garantir la séparation des autorités chargées de l'action publique et des autorités de jugement. 

Les personnes se trouvant dans des conditions semblables et poursuivies pour les mêmes infractions doivent être jugées selon les mêmes règles. 

II.-L'autorité judiciaire veille à l'information et à la garantie des droits des victimes au cours de toute procédure pénale. 

III.-Toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n'a pas été établie. Les atteintes à sa présomption d'innocence sont prévenues, réparées et réprimées dans les conditions prévues par la loi. 

Elle a le droit d'être informée des charges retenues contre elle et d'être assistée d'un défenseur. 

Si la personne suspectée ou poursuivie ne comprend pas la langue française, elle a droit, dans une langue qu'elle comprend et jusqu'au terme de la procédure, à l'assistance d'un interprète, y compris pour les entretiens avec son avocat ayant un lien direct avec tout interrogatoire ou toute audience, et, sauf renonciation expresse et éclairée de sa part, à la traduction des pièces essentielles à l'exercice de sa défense et à la garantie du caractère équitable du procès qui doivent, à ce titre, lui être remises ou notifiées en application du présent code. 

Les mesures de contraintes dont la personne suspectée ou poursuivie peut faire l'objet sont prises sur décision ou sous le contrôle effectif de l'autorité judiciaire. Elles doivent être strictement limitées aux nécessités de la procédure, proportionnées à la gravité de l'infraction reprochée et ne pas porter atteinte à la dignité de la personne. 

Il doit être définitivement statué sur l'accusation dont cette personne fait l'objet dans un délai raisonnable. 

Toute personne condamnée a le droit de faire examiner sa condamnation par une autre juridiction. 

En matière criminelle et correctionnelle, aucune condamnation ne peut être prononcée contre une personne sur le seul fondement de déclarations qu'elle a faites sans avoir pu s'entretenir avec un avocat et être assistée par lui. »

Article 197

« Le procureur général notifie par lettre recommandée à chacune des parties et à son avocat la date à laquelle l'affaire sera appelée à l'audience. La notification est faite à la personne détenue par les soins du chef de l'établissement pénitentiaire qui adresse, sans délai, au procureur général l'original ou la copie du récépissé signé par la personne. La notification à toute personne non détenue, à la partie civile ou au requérant mentionné au cinquième alinéa de l'article 99 est faite à la dernière adresse déclarée tant que le juge d'instruction n'a pas clôturé son information. 

Un délai minimum de quarante-huit heures en matière de détention provisoire, et de cinq jours en toute autre matière, doit être observé entre la date d'envoi de la lettre recommandée et celle de l'audience. 

Pendant ce délai, le dossier est déposé au greffe de la chambre de l'instruction et tenu à la disposition des avocats des personnes mises en examen et des parties civiles dont la constitution n'a pas été contestée ou, en cas de contestation, lorsque celle-ci n'a pas été retenue. 

Copie leur en est délivrée sans délai, à leurs frais, sur simple requête écrite. Ces copies ne peuvent être rendues publiques. » 

 Article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme Droit à un procès équitable 

« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. 

2. Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. 

3. Tout accusé a droit notamment à : 

a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui ; 

b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;

c) se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent ; 

d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ; 

e) se faire assister gratuitement d’un interprète, s’il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l’audience. »

■ Article 16 du Code de procédure civile

« Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. 

Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement. 

Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations. » 

 

 

Auteur :C. L.


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