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L’extension du principe de non-discrimination aux travailleurs non-résidents
Mots-clefs : Libre circulation des travailleurs, Principe de non-discrimination, Avantage fiscal, Impôt sur le revenu, Marché intérieur, Frontières
La libre circulation des travailleurs prévue à l’article 45 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne impose un principe de non-discrimination quant aux conditions de travail, à la rémunération, mais également les règles fiscales conformément à la jurisprudence (CJUE 14 févr. 1995, Schumacker). Le principe de non-discrimination est mis en œuvre au regard de la comparaison entre deux travailleurs résidents dans un État d’accueil ou entre un travailleur résident dans l’État d’accueil et un travailleur transfrontalier. Pour la première fois, la Cour étend l’application de ce principe en comparant la situation de deux travailleurs transfrontaliers au regard de la législation fiscale applicable dans l’État membre d’accueil, renforçant la réalisation du marché intérieur.
La libre circulation des travailleurs est une liberté essentielle pour la mise en œuvre du marché intérieur. Au-delà des règles relatives à l’accès et à l’exercice d’une activité salariée professionnelle, la mobilité des ressortissants de l’Union est favorisée également par le bénéfice de droits sociaux et fiscaux, conformément à l’application du principe de non-discrimination, tirée de l’article 45, paragraphe 2 TFUE. Cet article est complété par des dispositions de droit dérivé dont le règlement 492/2011. L’application du principe de non-discrimination, y compris en matière fiscale, vise à ne pas dissuader un travailleur migrant de l’Union à faire usage de sa mobilité.
À l’origine des faits, se trouve une législation néerlandaise. Cette législation a pour objet d’accorder des avantages fiscaux à des travailleurs transfrontaliers, travaillant aux Pays-Bas mais ayant leur résidence principale à plus de 150 kilomètres de la frontière néerlandaise. Ces travailleurs bénéficient d’une réduction fiscale forfaitaire pour l’impôt sur le revenu. Selon le législateur néerlandais, cette législation prend en considération les frais occasionnés par l’impossibilité d’effectuer les allers et retours quotidiennement. La difficulté est que les travailleurs transfrontaliers résidant à moins de 150 kilomètres ne sont pas titulaires des mêmes avantages. Le problème posé à la Cour de justice est alors de déterminer si cette législation ne contrevient pas au principe de non-discrimination.
Avant de se prononcer sur la portée des obligations de l’Union par rapport au droit des travailleurs, la Cour précise le champ d’application du principe de non-discrimination.
Elle indique pour la première fois que ce principe de non-discrimination doit s’appliquer également entre travailleurs non-résidents. Ainsi l’obligation de non-discrimination ne concerne pas uniquement les travailleurs au sein d’un même État membre, ou encore les travailleurs résidents par rapport non-résidents. La Cour étend ainsi l’obligation de respecter ce principe à la situation des travailleurs non-résidents entre eux par rapport à l’application de la législation de l’État membre de leur lieu de travail. La Cour appuie son raisonnement sur l’article 26 TFUE, définissant le marché intérieur comme un espace sans frontière<del>s</del> intérieure<del>s</del> notamment pour la libre circulation des travailleurs. Le fait de fixer un critère de 150 kilomètres à partir de la frontière néerlandaise constitue une frontière intérieure au sens de l’article 26 TFUE, conduisant la Cour a confronté cette règle au droit de l’Union.
Sur le fond, la Cour examine la législation, en admettant préalablement qu’elle a pour objectif, en réalité, de favoriser la libre circulation des travailleurs en prenant en considération les frais découlant de leur lieu de vie. La législation répond ainsi à un objectif légitime. Selon la Cour, il n’y a pas lieu d’identifier une discrimination dès lors que les travailleurs transfrontaliers, résidant à moins de 150 kilomètres de la frontière, bénéficient également d’avantages fiscaux mais en effectuant une déclaration de leurs frais réels. Ainsi, l’avantage existe mais ne répond pas aux mêmes modalités, le forfait ayant pour intérêt de ne pas nécessiter la présentation de preuves des frais engagés. Les modalités n’ont en conséquence pas d’incidences sur l’appréciation ici d’une discrimination. La Cour précise toutefois que cette appréciation ne vaut que si le forfait n’aboutit à une surcompensation au regard du système des frais réels.
CJEU 24 févr. 2015, C. G. Sopora, C-512/13
Références
■ CJUE 14 févr. 1995, Schumacker, C-279/93.
■ Règlement (UE) no 492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union.
■ Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne
Article 26 (ex-article 14 TCE)
« 1. L'Union adopte les mesures destinées à établir ou assurer le fonctionnement du marché intérieur, conformément aux dispositions pertinentes des traités.
2. Le marché intérieur comporte un espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée selon les dispositions des traités.
3. Le Conseil, sur proposition de la Commission, définit les orientations et conditions nécessaires pour assurer un progrès équilibré dans l'ensemble des secteurs concernés. »
Article 45 (ex-article 39 TCE)
« 1. La libre circulation des travailleurs est assurée à l'intérieur de l'Union.
2. Elle implique l'abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l'emploi, la rémunération et les autres conditions de travail.
3. Elle comporte le droit, sous réserve des limitations justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique:
a) de répondre à des emplois effectivement offerts,
b) de se déplacer à cet effet librement sur le territoire des États membres,
c) de séjourner dans un des États membres afin d'y exercer un emploi conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l'emploi des travailleurs nationaux,
d) de demeurer, dans des conditions qui feront l'objet de règlements établis par la Commission, sur le territoire d'un État membre, après y avoir occupé un emploi.
4. Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux emplois dans l'administration publique. »
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