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Libertés fondamentales - droits de l'homme
L’hébergement d’urgence des personnes sans abri : une nouvelle liberté fondamentale dégagée par le Conseil d’État
Mots-clefs : Référé-liberté, Hébergement d’urgence, Personne sans abri, Liberté fondamentale, Pouvoir public
Par une ordonnance en date du 10 février 2012, le juge des référés du Conseil d’État précise que peut constituer une atteinte grave à une liberté fondamentale la méconnaissance des obligations législatives relatives à l’hébergement d’urgence des personnes sans abri.
En l’espèce, un ressortissant de Côte d’Ivoire, résidant en France depuis de nombreuses années, habitait un immeuble qui fût détruit par un incendie en janvier 2012. Après avoir été hébergé deux nuits [l’une par la mairie et l’autre par le service de veille sociale de la région Île-de-France (« 115 »)], il s’est retrouvé sans abri. Il a alors saisi le juge des référés sur le fondement de l’article L. 521-2 du CJA (référé-liberté) afin que soit suspendue la décision implicite du préfet de la région Île-de-France rejetant sa demande d’hébergement d’urgence et qu’il soit enjoint à cette autorité de l’État de lui assurer un hébergement d’urgence en attendant qu’il soit orienté vers « une structure d'hébergement stable ou de soins, ou vers un logement, adaptés à sa situation (art. L. 345-2-3 CASF) ».
L’article 73 de la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion introduit dans le CASF l’article L. 345-2-2 selon lequel : « Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique et sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence. Cet hébergement d'urgence doit lui permettre, dans des conditions d'accueil conformes à la dignité de la personne humaine, de bénéficier de prestations assurant le gîte, le couvert et l'hygiène, une première évaluation médicale, psychique et sociale, réalisée au sein de la structure d'hébergement ou, par convention, par des professionnels ou des organismes extérieurs et d'être orientée vers tout professionnel ou toute structure susceptibles de lui apporter l'aide justifiée par son état, notamment un centre d'hébergement et de réinsertion sociale, un hébergement de stabilisation, une pension de famille, un logement-foyer, un établissement pour personnes âgées dépendantes, un lit halte soins santé ou un service hospitalier. »
C’est notamment sur le fondement de cet article (mais également des art. L. 345-2 et L. 345-2-3 CASF) que le juge des référés du Conseil d’État a précisé que les autorités de l’État ont l’obligation de mettre tout en œuvre afin de satisfaire les exigences de la loi. Le juge des référés doit apprécier au cas par cas les diligences accomplies par l’administration en tenant compte de différents critères : des moyens dont dispose l’administration, de l’âge, de l’état de santé et de la situation familiale de la personne.
En l’espèce, il n’y avait plus lieu de statuer sur la requête car, la veille de l’audience devant le Conseil d’État, le département du Val-de-Marne a proposé des possibilités d’hébergement journalières au requérant ; sa situation est désormais suivie par les services de l’État et des partenaires associatifs.
Par cet arrêt, « le Conseil d’État consacre ainsi au rang de liberté fondamentale un nouveau droit créance, distinct du droit au logement, et issue de sources à valeur législative » (v. Marion Jenkinson).
CE, réf., 10 févr. 2012, M. Karaloco F. c. Min. des solidarités et de la cohésion sociale, req. n°356456
Références
« Procédure permettant au juge des référés administratif, en cas d’urgence, d’ordonner les mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une collectivité publique (ou un organisme chargé d’une mission de service public) aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale dans l’exercice d’un de ses pouvoirs. Cette atteinte peut être représentée aussi bien par un simple comportement que par une décision juridique. »
Source : Lexique des termes juridiques 2012, 19e éd., Dalloz, 2011.
■ Marion Jenkinson, « Consécration de l’hébergement d'urgence des personnes sans abri en situation de détresse comme liberté fondamentale dans le cadre du référé-liberté » in Lettre « Actualités Droits-Libertés » du CREDOF, 15 février 2012.
■ Article L. 521-2 du Code de la justice administrative
« Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. »
■ Code de l’action sociale et des familles
« Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique et sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence.
Cet hébergement d'urgence doit lui permettre, dans des conditions d'accueil conformes à la dignité de la personne humaine, de bénéficier de prestations assurant le gîte, le couvert et l'hygiène, une première évaluation médicale, psychique et sociale, réalisée au sein de la structure d'hébergement ou, par convention, par des professionnels ou des organismes extérieurs et d'être orientée vers tout professionnel ou toute structure susceptibles de lui apporter l'aide justifiée par son état, notamment un centre d'hébergement et de réinsertion sociale, un hébergement de stabilisation, une pension de famille, un logement-foyer, un établissement pour personnes âgées dépendantes, un lit halte soins santé ou un service hospitalier. »
« Toute personne accueillie dans une structure d'hébergement d'urgence doit pouvoir y bénéficier d'un accompagnement personnalisé et y demeurer, dès lors qu'elle le souhaite, jusqu'à ce qu'une orientation lui soit proposée. Cette orientation est effectuée vers une structure d'hébergement stable ou de soins, ou vers un logement, adaptés à sa situation. »
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