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Droit administratif général
L’histoire du pleurant du tombeau de Philippe II le Hardi
Après plus de 200 ans passés dans une famille, le pleurant n° 17 doit être restitué à l’État, il appartient au domaine public.
En décembre 2014, trois sœurs décident de vendre une statuette achetée par leur arrière-grand-père en 1813. Cette statuette d’albâtre, dénommée le « pleurant n° 17 », provient du tombeau de Philippe II le Hardi.
Afin de réaliser leur projet, les trois sœurs se tournent vers la société de ventes aux enchères Pierre Bergé. Par précaution, comme il était possible que la statuette soit achetée pour l’étranger, cette société demande au ministre de la culture et de la communication un certificat d'exportation sur la base de l’article L. 111-2 du Code du patrimoine. Mais
Mais, ce certificat est refusé (V. également : CAA Paris, 4 avr. 2006, n° 04PA02037). De plus, le ministre de la culture enjoint la société de retirer cet objet de la vente et met en demeure les trois sœurs de restituer la statuette à l'État, estimant qu'elle n'avait cessé d'appartenir au domaine public mobilier.
Les trois sœurs saisissent alors la juridiction administrative afin de demander l’annulation des décisions ministérielles. Le tribunal administratif (TA Paris, 5 nov. 2015, n° 1430948/5-1), la cour administrative d’appel (CAA Paris, 13 janv. 2017, n° 15PA04256) et le Conseil d’État ne font pas droit à leur demande.
La statuette litigieuse appartient à un ensemble d’une quarantaine de statuettes représentant des chartreux et notables qui constitue un ornement du tombeau de Philippe II le Hardi, duc de Bourgogne, édifié entre 1340 et 1410 au sein de l'oratoire de la Chartreuse de Champmol, située près de Dijon. Cette Chartreuse, ainsi que ce tombeau et ses ornements, ont été « mis à la disposition de la Nation » et donc intégrés au domaine public national par le décret de l'Assemblée constituante du 2 novembre 1789. Par un acte du 4 mai 1791, les biens de la Chartreuse ont été vendus, toutefois, les tombeaux des ducs de Bourgogne et l'intégralité des pleurants en ont été expressément exclus comme en atteste l'inventaire du 11 mai 1792 dressé avant leur démontage et leur réinstallation à l'église Sainte-Bénigne de Dijon, consacrée comme cathédrale le 30 juillet 1792. Ensuite, le décret de la Convention nationale du 1er août 1793 a ordonné la destruction des effigies royales. Le conseil général de la commune de Dijon a donc détruit uniquement les gisants aux effigies des ducs de Bourgogne, les statuettes de chartreux ayant été, quant à elles, déplacées peu auparavant et conservées dans les locaux de l'évêché, puis exposées à compter de 1799 au muséum de Dijon, devenu le musée des Beaux-Arts de cette ville. Toutefois, huit de ces pleurants, dont la statuette litigieuse, se sont retrouvés chez des particuliers. Le pleurant n° 17 a été acheté, en 1811, par un collectionneur d'art puis acquis en 1813 par l’arrière-grand-père des trois sœurs qui en sont devenues les détentrices par héritage.
Pour le Conseil d’État, la cour administrative d’appel n’a pas entaché son arrêt d’inexacte qualification juridique des faits en jugeant que le « pleurant n° 17 » n’avait jamais cessé, depuis sa mise à disposition de la Nation en 1789, d’appartenir au domaine national puis au domaine public dont il a été irrégulièrement soustrait. Elle n’a pas davantage commis d’erreur de droit en en déduisant, après avoir relevé l’absence d’un décret formel du corps législatif autorisant expressément son aliénation, qu’il n’avait pu faire l’objet d’une prescription acquisitive au profit de ses détenteurs successifs, quelle que soit leur bonne foi.
Les sœurs doivent donc remettre leur statuette à l’État. Il convient toutefois de noter que celle-ci avait plusieurs fois été prêtée par la famille à des musées publics en France et à l’étranger. Lors de ces prêts, l’administration s’était toujours comportée comme si la famille en été propriétaire.
Il reste la possibilité aux trois sœurs de demander à être indemnisées…
Références
■ CAA Paris, 4 avr. 2006, n° 04PA02037 : AJDA 2006. 1294.
■ TA Paris, 5 nov. 2015, n° 1430948/5-1 : AJDA 2016. 496, concl. P. Martin-Genier ; RFDA 2016. 313, note C. Lavialle.
■ CAA Paris, 13 janv. 2017, n° 15PA04256 : AJDA 2017. 865, chron. J. Sorin.
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