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Libertés fondamentales - droits de l'homme
Liberté d’expression et débat public
Mots-clefs : Liberté d'expression, Débat public, Limites, Diffamation, Article 10 Conv. EDH
Selon la CEDH, « si tout individu qui s'engage dans un débat public d'intérêt général est certes tenu de ne pas dépasser certaines limites quant au respect — notamment — de la réputation et des droits d'autrui, il lui est également permis de recourir à une certaine dose d'exagération, voire de provocation, c'est-à-dire d'être quelque peu immodéré dans ses propos ».
Les limites admises à la liberté d'expression fluctuent en fonction du domaine concerné : tel est l'enseignement dispensé par la Cour de Strasbourg qui érige ses arrêts en tribune pour affirmer qu'il n'y a guère de place pour des restrictions à la liberté d'expression dans le domaine du discours politique ou des questions d'intérêt général.
En l'espèce, un conseiller municipal d'opposition avait accusé le maire d'avoir détourné de l'argent et de ne pas avoir respecté les règles d'attribution des marchés publics dans un tract distribué dans la commune. Considérant que les faits n'étaient pas établis, les juridictions internes le condamnèrent pour diffamation envers une personne chargée d'un service ou d'un mandat public. La restriction apportée à la liberté d'expression était prévue par un texte (L. 29 juill. 1881, art. 29 et 31) et poursuivait un but légitime (protection de la réputation), mais le point bloquant était son caractère nécessaire dans une société démocratique.
Se ralliant à la position du gouvernement et après avoir exposé leur jurisprudence pertinente, les juges européens considèrent que les propos litigieux ne s'inscrivaient pas dans le contexte d'un débat public sur la gestion de la commune et que le maire n'avait pas fait l'objet de poursuites judiciaires à ce sujet. Par conséquent, la protection de la réputation d'autrui devait primer.
Il en aurait donc été autrement si un débat public s'était engagé sur la gestion de la collectivité. C'est d'ailleurs ce qui avait justifié la condamnation de la France, dans une espèce où les propos, qualifiés d'injurieux et de diffamatoires par les juridictions internes, s'inscrivaient dans le cadre d'une polémique sur la politique d'urbanisme, conduite par le maire (CEDH 25 févr. 2010, Renaud c. France, n° 13290/07).
La notion de « débat public » semble s’entendre de plus en plus largement par la Cour puisqu’elle a estimé contraire à l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme la condamnation pour diffamation due à la publication d'articles consacrés aux réseaux islamistes lyonnais, au lendemain des attentats du 11 septembre 2001. Selon la Cour, la publication litigieuse s'intégrait dans un débat d'intérêt général (CEDH 6 mai 2010).
CEDH 11 mai 2010, Fleury c. France, req. n° 29784/06
Références
« Allégation ou imputation d’un fait, constitutive d’un délit ou d’une contravention selon son caractère public ou non, qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération d’une personne ou d’un corps constitué. »
Source : Lexique des termes juridiques 2010, 17e éd., Dalloz, 2009.
■ Loi du 29 juillet 1881
« Toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l'identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés.
Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait est une injure. »
« Sera punie de la même peine, la diffamation commise par les mêmes moyens, à raison de leurs fonctions ou de leur qualité, envers un ou plusieurs membres du ministère, un ou plusieurs membres de l'une ou de l'autre Chambre, un fonctionnaire public, un dépositaire ou agent de l'autorité publique, un ministre de l'un des cultes salariés par l'État, un citoyen chargé d'un service ou d'un mandat public temporaire ou permanent, un juré ou un témoin, à raison de sa déposition.
La diffamation contre les mêmes personnes concernant la vie privée relève de l'article 32 ci-après. »
■ Article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme – Liberté d’expression
« 1 Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n’empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations.
2 L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires,
dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire. »
■ CEDH 25 févr. 2010, Renaud c. France, n° 13290/07, Dalloz Actualité 4 mars 2010, obs. Lavric.
■ CEDH 6 mai 2010, Dalloz Actualité 12 mai 2010, obs. Lavric.
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