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Libertés fondamentales - droits de l'homme
Liberté, indépendance et pluralisme des médias
Mots-clefs : Liberté d’expression, Média, Indépendance, Pluralisme, Loi, Conseil constitutionnel, Journaliste, Droit d’opposition, Protection du secret des sources, Liberté de communication, Droit au respect de la vie privée, Secret des correspondances
Avant d’être publiée, la loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias a fait l’objet d’une censure par le Conseil constitutionnel.
La disposition phare de cette loi est relative au droit d’opposition des journalistes, par ailleurs une autre disposition visant à renforcer la protection des sources des journalistes a été censurée par le Conseil constitutionnel.
■ Le droit d’opposition des journalistes : une nouveauté de la loi.
Il existe désormais un droit d’opposition en faveur des journalistes dans le cadre de leur relation avec leur employeur. Ce droit est prévu par le nouvel article 2 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Le droit d’opposition permet aux journalistes de refuser toute pression, de refuser de divulguer leurs sources et de refuser de signer un texte ou une émission, modifiés à leur insu ou contre leur volonté. Ce droit fait également obstacle à ce que les journalistes puissent être contraints à accepter un acte contraire à leur conviction professionnelle formée dans le respect de la charte déontologique de leur entreprise ou de leur société éditrice (les modalités de négociation et de conclusion de ces chartes sont précisées par ce nouvel article et à défaut de conclusion d’une telle charte avant le 1er juillet 2017, les déclarations et les usages professionnels relatifs à la profession de journaliste peuvent être invoqués en cas de litige).
■ Le renforcement de la protection du secret des sources journalistiques censuré par le Conseil constitutionnel
Le principe de protection du secret des sources des journalistes est actuellement prévu par la loi n° 2010-1 du 4 janvier 2010, qui a modifié l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. L’alinéa 1er de cet article précise que « Le secret des sources des journalistes est protégé dans l'exercice de leur mission d'information du public. » Toutefois ce principe n’est pas absolu. En effet, « Il ne peut être porté atteinte directement ou indirectement au secret des sources que si un impératif prépondérant d’intérêt public le justifie et si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi. Cette atteinte ne peut en aucun cas consister en une obligation pour le journaliste de révéler ses sources » (L. 29 juill. 1881, art. 2, al. 3 ; V. not. : CEDH, gr. ch., 27 mars 1996, Goodwin c/ Royaume-Uni, n° 17488/90. CEDH, gr. ch., 21 janv. 1999, Fressoz et Roire c/ France, n° 29183/95. CEDH 25 févr. 2003, Roemen et Schmit c/ Luxembourg, n° 51772/99. CEDH, gr. ch., 14 sept. 2010, Sanoma Ultgevers BV c/ Pays-Bas, n° 38224/03. CEDH 12 avr. 2012, Martin c/ France, n° 30002/08). Les modalités de protections, sont prévues par les articles 56-2, 77-1-1, 100-5, 109, 326 et 437 du Code de procédure pénale.
La loi du 4 janvier 2010 a fait l’objet de diverses critiques en raison notamment de son caractère insuffisamment protecteur et de l’imprécision de la notion d’« impératif prépondérant d’intérêt public » (V. J. Lasserre Capdeville, note ss. Crim. 14 mai 2013, n° 11-86.626).
L’objectif de l’article 4 du projet de loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias était de « renforcer », le régime de la protection des sources des journalistes en faisant bénéficier de la protection du secret des sources aux collaborateurs de la rédaction et aux directeurs de la publication ou de la rédaction.
Cet article avait pour objectif d’interdire qu'il soit porté atteinte au secret des sources pour la répression d'un délit, quels que soient sa gravité, les circonstances de sa commission, les intérêts protégés ou l'impératif prépondérant d'intérêt public qui s'attache à cette répression. Il instituait également une immunité pénale trop largement définie pour les personnes protégées et les délits couverts.
Cette immunité consistait également à interdire les poursuites pour recel de violation du secret professionnel et pour atteinte à l'intimité de la vie privée, délits pourtant punis de cinq ans d'emprisonnement et visant à réprimer des comportements portant atteinte au droit au respect de la vie privée et au secret des correspondances. Enfin, les poursuites pour recel de violation du secret de l'enquête et de l'instruction, délit puni de la même peine et protégeant la présomption d'innocence et la recherche des auteurs d'infractions étaient interdites.
Le Conseil constitutionnel a considéré que le législateur n'avait « pas assuré une conciliation équilibrée entre, d'une part, la liberté d'expression et de communication et, d'autre part, le droit au respect de la vie privée et le secret des correspondances. » Il n'avait « pas non plus assuré une conciliation équilibrée entre cette même liberté et les exigences inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, la recherche des auteurs d'infractions et la prévention des atteintes à l'ordre public nécessaires à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle. » L'article 4 a en conséquence était déclaré contraire à la Constitution.
Enfin, il convient de remarquer que le Conseil a, pour la première fois, expressément précisé dans sa décision qu’il « n’a soulevé d’office aucune autre question de conformité à la Constitution et ne s’est donc pas prononcé sur la constitutionnalité des autres dispositions que celles examinées dans la présente décision » (§ 32, source : Commentaire du Conseil constitutionnel).
Cons. const. 10 nov. 2016, n° 2016-738 DC
Loi n° 2016-1524 du 14 nov. 2016
Références
■ CEDH, gr. ch., 27 mars 1996, Goodwin c/ Royaume-Uni, n° 17488/90, AJDA 1996. 1005, chron. J.-F. Flauss ; D. 1997. 211, obs. N. Fricero ; RTD civ. 1996. 1026, obs. J.-P. Marguénaud.
■ CEDH, gr. ch., 21 janv. 1999, Fressoz et Roire c/ France, n° 29183/95, D. 1999. 272, obs. N. Fricero ; RSC 1999. 631, obs. F. Massias ; RTD civ. 1999. 359, obs. J. Hauser ; ibid. 909, obs. J.-P. Marguénaud ; RTD com. 1999. 783, obs. F. Deboissy.
■ CEDH 25 févr. 2003, Roemen et Schmit c/ Luxembourg, n° 51772/99, AJDA 2003. 603, chron. J.-F. Flauss ; D. 2003. 2271, obs. N. Fricero ; RSC 2004. 130, obs. J. Francillon.
■ CEDH, gr. ch., 14 sept. 2010, Sanoma Ultgevers BV c/ Pays-Bas, n° 38224/03, RSC 2011. 223, obs. J.-P. Marguénaud.
■ CEDH 12 avr. 2012, Martin c/ France, n° 30002/08, Constitutions 2012. 645, obs. D. de Bellescize ; RSC 2012. 603, obs. J. Francillon.
■ Crim. 14 mai 2013, n° 11-86.626, P, D. 2013. 1279 ; ibid. 2014. 508, obs. E. Dreyer ; AJ pénal 2013. 467, note J. Lasserre Capdeville ; RSC 2013. 576, chron. J. Francillon.
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