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Droit du travail - relations individuelles
Licenciement du salarié protégé : quelles règles indemnitaires ?
Mots-clefs : Contrat de travail, Rupture, Licenciement, Salarié protégé, Mesures spéciales, Inobservations, Indemnisation, Cumul avec d’autres indemnités
Le salarié licencié à la fois sans autorisation administrative, alors que celle-ci était nécessaire, et en méconnaissance des règles applicables au plan de sauvegarde de l'emploi, a vocation à obtenir, d'une part, une somme correspondant aux salaires qu'il aurait perçus pendant la période comprise entre son éviction et l'expiration de sa période de protection et, d'autre part, soit l'indemnité réparant le préjudice résultant du caractère illicite de son licenciement, soit l'indemnité due au titre de l'absence ou de l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi, seule la plus élevée de ces indemnités pouvant être obtenue, le salarié ne pouvant prétendre deux fois à la réparation d'un même préjudice.
La loi ne précise pas le mode d’évaluation de l'indemnité à verser au salarié protégé dont la nullité du licenciement résulte de la violation de la procédure spéciale, et notamment, de la nécessité pour l’employeur d’obtenir de l’inspecteur du travail une autorisation de licencier (C. trav., art. L. 2411-13). C'est donc à la chambre sociale de la Cour de cassation qu’est revenue la tâche de fixer les modalités d'indemnisation de l’irrégularité du licenciement.
Précisément, l’arrêt rapporté vient rappeler les règles de calcul des indemnités dues au salarié protégé licencié au titre de la violation de son statut protecteur. Il présente également et surtout l’intérêt de préciser les règles de cumul des diverses indemnités que le salarié protégé est, par son statut, en droit de percevoir.
En l’espèce, une société avait licencié pour motif économique un salarié protégé (représentant du personnel) sans y avoir été autorisée par l'inspecteur du travail. Contestant les conditions de son licenciement, le salarié sollicita diverses indemnités, qu’il estimait lui être dues non seulement au titre de la violation de son statut protecteur, mais également au titre de l’absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement et enfin, de l’absence de plan de sauvegarde de l’emploi.
En appel, il fut débouté de ses demandes au motif de l’impossibilité de cumuler ces divers chefs d’indemnisation. Cette décision est censurée par la chambre sociale, jugeant, au contraire, que le salarié licencié sans autorisation administrative, alors que celle-ci était nécessaire, et en méconnaissance des règles applicables au plan de sauvegarde de l'emploi, a vocation à obtenir :
– d'une part, une somme correspondant aux salaires qu'il aurait perçus pendant la période comprise entre son éviction et l'expiration de sa période de protection ;
– et, d'autre part, soit l'indemnité réparant le préjudice résultant du caractère illicite de son licenciement, au moins égale en toute hypothèse à l'indemnité prévue par l'article L. 1235-3 du Code du travail, soit l'indemnité due au titre de l'absence ou de l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi prévue par l'article L. 1235-11 du même code, seule la plus élevée de ces indemnités pouvant être obtenue, le salarié ne pouvant prétendre deux fois à la réparation d'un même préjudice.
Deux règles indemnitaires sont ainsi rappelées :
– d’une part, le mode de calcul de l’indemnisation due au salarié protégé au titre de la violation de la procédure spéciale de licenciement. La Cour réaffirme ici le principe selon lequel l'indemnité ayant sa cause dans la violation du statut protecteur du salarié est égale à la rémunération que le salarié aurait perçue depuis son éviction jusqu'à l'expiration de la période de protection (v. égal. Soc. 8 juin 2011) ; il en résulte que le salarié, licencié en méconnaissance de son statut protecteur après l'expiration de la période de protection, ne peut bénéficier de cette indemnité qui couvre le préjudice lié à la perte du mandat (Soc. 8 juin 2011, préc.) ;
– d’autre part, la Cour rappelle qu’un salarié, même protégé, ne peut obtenir deux fois réparation d'un même préjudice. Il en résulte que le salarié protégé licencié à la fois sans autorisation administrative et en méconnaissance des règles applicables au plan de sauvegarde de l’emploi ne peut cumuler l'indemnité due au titre de son statut protecteur avec celle réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement, et qu'il ne peut obtenir que l'indemnité la plus élevée. Dans une affaire récente, la Cour avait retenu une solution parfaitement identique, jugeant qu’un salarié protégé licencié sans autorisation et en méconnaissance des règles applicables aux victimes d'accidents de travail, ne pouvait cumuler l'ensemble des indemnités qu’il était en droit de percevoir mais qu’il devait, en revanche, percevoir l'indemnité la plus élevée (Soc. 30 juin 2010) : le salarié protégé, victime d'un accident du travail, avait été licencié pour inaptitude avant l'expiration du délai de six mois suivant la fin de son mandat de délégué du personnel, sans autorisation de l'inspecteur du travail et sans qu'un reclassement n’ait été envisagé. Selon la Cour, les juges du fond, qui lui avaient alloué une indemnité égale à douze mois de salaire en application de l'article L. 1226-15 du Code du travail en réparation du préjudice lié à la perte de son emploi, avaient exactement retenu que ce salarié ne pouvait prétendre au paiement d'une autre indemnité au titre de ce même préjudice.
En somme, le cumul indemnitaire n’est possible qu’à la condition que chacune des indemnités prévues ait pour objet de réparer un préjudice distinct.
Soc. 15 oct. 2013, n°12-21.746
Références
■ Soc. 8 juin 2011, n° 10-11.933 et n° 10-13.663, JCP S 2011, 1321, note J. Daniel.
■ Soc. 30 juin 2010, n° 09-40.347, JCP S 2011, 1031, note P.-Y. Verkindt.
■ Code du travail
« Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9. »
« Lorsque le juge constate que le licenciement est intervenu alors que la procédure de licenciement est nulle, conformément aux dispositions des deux premiers alinéas de l'article L. 1235-10, il peut ordonner la poursuite du contrat de travail ou prononcer la nullité du licenciement et ordonner la réintégration du salarié à la demande de ce dernier, sauf si cette réintégration est devenue impossible, notamment du fait de la fermeture de l'établissement ou du site ou de l'absence d'emploi disponible.
Lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou lorsque la réintégration est impossible, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des douze derniers mois. »
« Lorsqu'un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions relatives à la réintégration du salarié déclaré apte, prévues à l'article L. 1226-8, le tribunal saisi peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Il en va de même en cas de licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues aux articles L. 1226-10 à L. 1226-12.
En cas de refus de réintégration par l'une ou l'autre des parties, le tribunal octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité ne peut être inférieure à douze mois de salaires. Elle se cumule avec l'indemnité compensatrice et, le cas échéant, l'indemnité spéciale de licenciement prévues à l'article L. 1226-14. »
Lorsqu'un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 1226-12, il est fait application des dispositions prévues par l'article L. 1235-2 en cas d'inobservation de la procédure de licenciement.»
« Le licenciement d'un représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail.
Cette autorisation est également requise pour le salarié ayant siégé en qualité de représentant du personnel dans ce comité, pendant les six premiers mois suivant l'expiration de son mandat ou la disparition de l'institution. »
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