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[ 6 juin 2012 ] Imprimer

Droit du travail - relations individuelles

Licenciement d’un salarié protégé exerçant un mandat extérieur à l’entreprise : conformité avec réserve

Mots-clefs : QPC, Réserve, Salarié protégé, Licenciement, Mandat extérieur à l’entreprise, Obligation d’information de l’employeur, Liberté d’entreprendre, Liberté contractuelle

Le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité des droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 2411-1, 13°, L. 2411-3 et L. 2411-12 du Code du travail, a considéré ces articles conformes tout en formulant une réserve relative à l’obligation d’information de l’employeur par le salarié de l’existence d’un mandat extérieur à l’entreprise au plus tard lors de l’entretien préalable au licenciement.

La chambre sociale de la Cour de cassation a transmis au Conseil constitutionnel, le 7 mars 2012, la question suivante : « Les dispositions des articles L. 2411-1L. 2411-18 et L. 2411-3 du code du travail méconnaissent-elles les principes constitutionnels de liberté et d'égalité tels qu'issus des articles 1er46 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ? ». La Cour de cassation estime que le moyen tiré d'une atteinte au principe d'égalité et à la liberté d'entreprendre présente un caractère sérieux en ce que les dispositions en cause ne prévoient pas, lorsque le salarié est investi d'un mandat extérieur à l'entreprise, l'obligation pour celui-ci d'en informer son employeur de sorte que ce dernier se trouve exposé, en cas de rupture du contrat de travail de ce salarié intervenue en l'absence d'autorisation administrative, à des sanctions, notamment pénales.

Ainsi, le Conseil constitutionnel devait répondre à la question suivante : un salarié exerçant un mandat extérieur à l’entreprise, en l’espèce, un mandat de membre du conseil ou administrateur d’une caisse de sécurité sociale (art. L. 2411-1, 13°C. trav.), est-il tenu d’informer son employeur de l’existence de ce mandat en cas de licenciement ?

L’article L. 2411-1 du Code du travail mentionne dix-neuf mandats ou catégories de mandats qui peuvent être exercés par un salarié que ce soit à l’intérieur de l’entreprise (délégué syndical, délégué du personnel, membre élu au comité d’entreprise…), ou à l’extérieur de l’entreprise (membre du conseil d’administration d’une mutuelle, représentant des salariés dans une chambre d’agriculture, membre du conseil ou administrateur d’une caisse de sécurité sociale…). Les mandats exercés au sein de l’entreprise « font corps » avec le contrat de travail et sont connus de l’employeur. Il en va différemment des mandats extérieurs à l’entreprise qui ne concernent ni l’entreprise ni son fonctionnement. En effet, il n’existe aucune obligation légale pour les salariés d’informer l’employeur de leur existence.

Or, en cas de licenciement, le régime de protection des délégués syndicaux s’applique aux membres du conseil ou administrateurs d’une caisse de sécurité sociale (lecture combinée des art. L. 2411-1, 13°, L. 2411-18 et L. 2411-3 C. trav.). Ainsi, le licenciement ne peut intervenir qu’après autorisation de l’inspecteur du travail. En cas de non-respect par l’employeur, celui-ci s’expose à des sanctions civiles (nullité du licenciement, réintégration) et pénales (1 an de prison et 3750 euros d’amende, art. L. 2431-1 C. trav.).

Le Conseil constitutionnel considère que la protection assurée au salarié par les articles L. 2411-1, 13°, L. 2411-18 et L. 2411-3 du Code du travail découle de l’exercice d’un mandat extérieur à l’entreprise. Les articles précités sont conformes à la Constitution, toutefois « ces dispositions ne sauraient, sans porter une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle, permettre au salarié protégé de se prévaloir d’une telle protection dès lors qu’il n’est pas établi qu’il n’en a pas informé son employeur au plus tard lors de l’entretien préalable au licenciement (réserve) ».

Cons. const. 14 mai 2012, Association Temps de vie, n°2012-242 QPC

Références

■ Code du travail

Article L. 2111-1

« Les dispositions du présent livre sont applicables aux employeurs de droit privé ainsi qu'à leurs salariés. 

Elles sont également applicables au personnel des personnes publiques employé dans les conditions du droit privé, sous réserve des dispositions particulières ayant le même objet résultant du statut qui régit ce personnel. »

Article L. 2411-1

« Bénéficie de la protection contre le licenciement prévue par le présent chapitre, y compris lors d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, le salarié investi de l'un des mandats suivants : 

1° Délégué syndical ; 

2° Délégué du personnel ; 

3° Membre élu du comité d'entreprise ; 

4° Représentant syndical au comité d'entreprise ; 

5° Membre du groupe spécial de négociation et membre du comité d'entreprise européen ; 

6° Membre du groupe spécial de négociation et représentant au comité de la société européenne ; 

6° bis Membre du groupe spécial de négociation et représentant au comité de la société coopérative européenne ; 

6° ter Membre du groupe spécial de négociation et représentant au comité de la société issue de la fusion transfrontalière ; 

7° Représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; 

8° Représentant du personnel d'une entreprise extérieure, désigné au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail d'un établissement comprenant au moins une installation classée figurant sur la liste prévue au IV de l'article L. 515-8 du code de l'environnement ou mentionnée à l'article L. 211-2 du code minier ; 

9° Membre d'une commission paritaire d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail en agriculture prévue à l'article L. 717-7 du code rural et de la pêche maritime ; 

10° Salarié mandaté, dans les conditions prévues à l'article L. 2232-24, dans les entreprises dépourvues de délégué syndical ; 

11° Représentant des salariés mentionné à l'article L. 662-4 du code de commerce lors d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire ; 

12° Représentant des salariés au conseil d'administration ou de surveillance des entreprises du secteur public ; 

13° Membre du conseil ou administrateur d'une caisse de sécurité sociale mentionné à l'article L. 231-11 du code de la sécurité sociale ; 

14° Membre du conseil d'administration d'une mutuelle, union ou fédération mentionné à l'article L. 114-24 du code de la mutualité ; 

15° Représentant des salariés dans une chambre d'agriculture, mentionné à l'article L. 515-1 du code rural et de la pêche maritime ; 

16° Conseiller du salarié inscrit sur une liste dressée par l'autorité administrative et chargé d'assister les salariés convoqués par leur employeur en vue d'un licenciement ; 

17° Conseiller prud'homme. »

Article L. 2411-3

Le licenciement d'un délégué syndical ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. 

Cette autorisation est également requise pour le licenciement de l'ancien délégué syndical, durant les douze mois suivant la date de cessation de ses fonctions, s'il a exercé ces dernières pendant au moins un an. 

Elle est également requise lorsque la lettre du syndicat notifiant à l'employeur la désignation du délégué syndical a été reçue par l'employeur ou lorsque le salarié a fait la preuve que l'employeur a eu connaissance de l'imminence de sa désignation comme délégué syndical, avant que le salarié ait été convoqué à l'entretien préalable au licenciement. 

Article L. 2411-18

« Conformément à l'article L. 231-11 du code de la sécurité sociale, la procédure d'autorisation de licenciement et les périodes et durées de protection du salarié membre du conseil ou administrateur d'une caisse de sécurité sociale sont celles applicables au délégué syndical, prévues par l'article L. 2411-3. »

Article L. 2431-1

« Le fait de rompre le contrat de travail d'un délégué syndical ou d'un ancien délégué syndical en méconnaissance des dispositions relatives à la procédure d'autorisation administrative prévues par le présent livre est puni d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 3 750 euros. 

Le fait de transférer le contrat de travail d'un salarié mentionné au premier alinéa compris dans un transfert partiel d'entreprise ou d'établissement, en méconnaissance des dispositions relatives à la procédure d'autorisation administrative, est puni des mêmes peines. »

■ Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789

Article 1er

« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune. »

Article 4

« La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi. »

Article 6

« La Loi est l'expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les Citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. »

Article 13

« Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. »

 

Auteur :C. G.


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