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Libertés fondamentales - droits de l'homme
Limitation du droit de décider du sort de ses embryons
Mots-clefs : Embryons, Convention européenne des droits de l’homme, Vie privée, Fécondation in vitro, Don à la recherche
Interdire à une femme de faire don à la recherche scientifique de ses embryons issus d’une FIV n’est pas contraire au respect de sa vie privée protégé par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.
En 2002, la requérante et son compagnon eurent recours aux techniques de la procréation médicalement assistée. Le compagnon de la requérante mourut en novembre 2003, avant qu’une implantation des embryons obtenus n’ait pu être effectuée. Ayant renoncé à engager une grossesse, la requérante souhaite faire don des embryons obtenus par fécondation in vitro pour aider la recherche scientifique. Toutefois, une loi italienne de 2004 interdit les expériences sur les embryons humains, fût-ce à des fins de recherche scientifique, et punit pareilles expériences d’une peine d’emprisonnement de deux à six ans. La requérante saisit la Cour européenne alléguant que l’interdiction de donner à la recherche scientifique des embryons conçus par procréation médicalement assistée était incompatible avec le droit au respect de sa vie privée (Conv. EDH, art. 8), le droit au respect de ses biens (Protocole n° 1, art. 1er ) et constituait également une violation de la liberté d’expression, dont la recherche scientifique constituerait un aspect fondamental (Conv. EDH, art. 10).
Si la requête a été déclarée irrecevable sous l’angle de l’article 10 (CEDH, 28 mai 2013, Parillo c/ Italie, n° 46470/11), la Grande Chambre s’est en revanche prononcée sur la violation des articles 1er du protocole n° 1 à la Convention et 8 de la Convention.
Sous l’angle de l’article 1er du Protocole n° 1 d’abord, la requérante se plaignait de ne pouvoir donner ses embryons, conçus par procréation médicalement assistée, à des fins de recherche scientifique et d’être obligée de les maintenir en état de cryoconservation jusqu’à leur mort. La Cour écarte rapidement et logiquement le grief, considérant la disposition non applicable en l’espèce. Indépendamment de toute argutie sur le début de la vie humaine, il n’est pas possible de considérer que les embryons humains sont des « biens » au sens patrimonial.
Sur l’angle de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme ensuite, la cour tranche préalablement la question de savoir si le droit de disposer des embryons humains dans le but d’en faire don à la recherche scientifique relève ou non de la notion de « droit au respect de la vie privée ». Rappelant que dans les affaires dont elle a eu à connaître où se posait la question du sort à réserver aux embryons issus d’une procréation médicalement assistée, elle s’est référée à la liberté de choix des parties et affirmant par ailleurs que les embryons ainsi conçus renferment le patrimoine génétique de la personne en question et représentent à ce titre une partie constitutive de celle-ci et de son identité biologique, la Cour en conclut que la possibilité pour la requérante d’exercer un choix conscient et réfléchi quant au sort à réserver à ses embryons touche un aspect intime de sa vie personnelle et relève à ce titre de son droit à l’autodétermination, protégé par l’article 8 de la Convention, sous l’angle du droit au respect de la vie privée.
La cour se penche ensuite sur la conventionalité de la limitation du droit de décider du sort de ses embryons. L’interdiction résulte de l’adoption d’une loi en 2014 et la « protection de la potentialité de vie dont l’embryon est porteur » peut être rattachée au but de protection de la morale et des droits et libertés d’autrui » (CEDH 28 août 2012, Costa et Pavan c/ Italie, n° 54270/10). Concernant la nécessité de la mesure dans une société démocratique, La cour admet d’abord que l’Italie bénéficie d’une large marge d’appréciation notamment en raison de l’absence de consensus au sein des États membres du Conseil de l’Europe sur la question, du fait que l’affaire soulève des questions morales ou éthiques délicates et enfin parce que les textes du Conseil de l’Europe ou de l’Union européenne admettent que les autorités nationales jouissent d’une ample marge de discrétion pour adopter des législations restrictives lorsque la destruction d’embryons humains est en jeu ( Convention d’Oviedo du 4 avr. 1997, Règlement n° 1394/2007 du Parlement Européen et du Conseil du 13 nov. 2007 par exemple). La Cour relève ensuite que l'élaboration de la loi italienne a donné lieu à un important débat et le législateur a tenu compte de l'intérêt de l'État à protéger l'embryon, comme de celui des individus à exercer leur droit à l'autodétermination. Elle souligne in fine, que rien n'atteste de la volonté du compagnon décédé de donner les embryons à des fins de recherche scientifique.
La Cour en conclut donc que l’Italie a su ménager un juste équilibre entre les intérêts en cause. L'interdiction faite par la loi italienne à une femme de donner à la recherche scientifique ses embryons issus d'une fécondation in vitro n'est pas contraire au respect de sa vie privée
Par comparaison, en France, le don d’embryons surnuméraires à la recherche scientifique est aujourd’hui possible. La loi n° 2013-715 du 6 août 2013 tendant à modifier la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique autorise sous certaines conditions la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires. Le don est assujetti au consentement du couple dont les embryons sont issus et qui n’a plus de projet parental, ce consentement devant être recueilli par un professionnel d’assistance médicale à la procréation sous forme écrite après délivrance d’une information complète.
CEDH, gr. ch., 27 août 2015, Parrillo c/ Italie, n° 46470/11.
Références
■ Convention européenne des droits de l’homme du 4 novembre 1950
Article 8
« Droit au respect de la vie privée et familiale. 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »
Article 10
« Liberté d'expression. 1. Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n'empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d'autorisations.
2. L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions, prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire. »
■ Protocole additionnel n° 1 du 20 mars 1952,
Article 1er
« Protection de la propriété. Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. »
■ CEDH, 28 mai 2013, Parillo c/ Italie, n° 46470/11.
■ CEDH 28 août 2012, Costa et Pavan c/ Italie, n° 54270/10, D. 2012 ; 1963 ; AJ fam. 2012. 552, obs. A. Dionisi-Peyrusse ; RDSS 2013. 67, note C. Bénos ; RTD civ. 2012. 697, obs. J.-P. Marguénaud.
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