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[ 22 avril 2013 ] Imprimer

Droit administratif général

Limitation du droit de grève dans les centrales nucléaires

Mots-clefs : Droit de grève, Limitation, EDF, Société privée, Service public, Centrale nucléaire, Production d’électricité

Dans un arrêt du 12 avril 2013, le Conseil d’État a jugé que les mesures de réquisition de salariés d’EDF travaillant dans des centrales nucléaires étaient justifiées au vu de la situation et proportionnées au but poursuivi.

Différentes organisations syndicales contestaient devant le Conseil d’État des mesures de réquisition de salariés prises, au printemps 2009, par la société EDF lors de mouvements de grève qui ont affecté les opérations de maintenance de certains réacteurs nucléaires. Ces arrêts de travail entraînant un important décalage dans les opérations nécessaires au redémarrage des réacteurs, les dirigeants de la société EDF ont pris la décision de réquisitionner certains salariés sous peine de sanctions disciplinaires. Le Conseil d’État décide que ces dirigeants avaient le pouvoir de limiter le droit de grève et que les mesures prises en l’espèce étaient légales.

▪ Compétence des dirigeants d’EDF pour limiter le droit de grève dans les centrales nucléaires

Après avoir rappelé l’alinéa 7 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 selon lequel le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent, et le principe selon lequel « la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour conséquence d’exclure les limitations qui doivent être apportées à ce droit comme à tout autre, en vue d’éviter un usage abusif, ou bien contraire aux nécessités de l’ordre public ou aux besoins essentiels du pays » (V. not. : CE, Ass., 7 juill. 1950, Dehaene), le Conseil d’État précise que seuls les organes dirigeants d’un organisme de droit privé responsable d’un service public qui agissent en vertu des pouvoirs généraux d’organisation des services placés sous leur autorité, ont compétence pour limiter l’exercice du droit de grève, sauf dispositions contraires.

En l’espèce, il résulte des dispositions de l’article 1er de la loi n°2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public (codifié à l'art. L. 121-1 du Code de l'énergie) que l’objet du service public de l’électricité est de garantir l’approvisionnement sur l’ensemble du territoire national. Pour cela, il doit répondre à des conditions de sécurité suffisantes et aux besoins essentiels des consommateurs. En 2009, date des décisions de réquisitions dans cette affaire, le parc de production nucléaire contribuait pour environ 80 % à la production d’électricité en France. Ce taux confirme une contribution indispensable à l’approvisionnement de la métropole. La société EDF, exploitant la totalité de ces centres de production d’électricité, le Conseil d’État en déduit qu’elle est chargée d’une mission d’intérêt général répondant à un besoin essentiel du pays. Le Conseil précise également que l’État détient plus de 70 % du capital de cette société dont le président du conseil d’administration et le directeur général sont nommés par décret en Conseil des ministres. Ainsi, selon les juges du Palais Royal, la société EDF est responsable d’un service public en ce qu’elle exploite les centres nucléaires de production d’électricité et ses organes dirigeants sont compétents pour déterminer les limitations à apporter au droit de grève des agents.

▪ Légalité des mesures

En l’espèce, le Conseil d’État a reconnu la légalité des décisions de réquisitions des agents, sous peine de sanctions disciplinaires, et de désignation des réacteurs concernés par les réquisitions.

En effet, le Conseil constate qu’il n’existe pas de solutions alternatives aux mesures de réquisitions afin d’éviter tout problème d’approvisionnement en électricité sur le territoire national. Ni les capacités de production électrique françaises mobilisables, ni les importations possibles, ni la mise en œuvre des procédures de diminution volontaire ou contractuelle de la demande d’électricité ne permettent au gestionnaire du réseau public de transport de préserver l’équilibre entre la demande et l’offre d’électricité avec la marge de sécurité minimale indispensable. Par ailleurs, seuls les salariés, dont l’intervention était strictement nécessaire, ont été réquisitionnés.

Ainsi, le Conseil d’État considère que les mesures prises par les dirigeants de la société EDF ne portent pas atteinte au droit de grève et étaient dès lors justifiées.

CE 12 avr. 2013, Fédération Force ouvrière Énergie et Mines et autres, req. nos 329570, 329683, 330539, 330847

Références

 CE, Ass., 7 juill. 1950, Dehaene, Lebon 426.

 Article 1er de la loi n°2000 -108 du 10 février 2000 (abrogé au 1er juin 2011)

« Le service public de l'électricité a pour objet de garantir l'approvisionnement en électricité sur l'ensemble du territoire national, dans le respect de l'intérêt général. 

Dans le cadre de la politique énergétique, il contribue à l'indépendance et à la sécurité d'approvisionnement, à la qualité de l'air et à la lutte contre l'effet de serre, à la gestion optimale et au développement des ressources nationales, à la maîtrise de la demande d'énergie, à la compétitivité de l'activité économique et à la maîtrise des choix technologiques d'avenir, comme à l'utilisation rationnelle de l'énergie. 

Il concourt à la cohésion sociale, en assurant le droit à l'électricité pour tous, à la lutte contre les exclusions, au développement équilibré du territoire, dans le respect de l'environnement, à la recherche et au progrès technologique, ainsi qu'à la défense et à la sécurité publique. 

Matérialisant le droit de tous à l'électricité, produit de première nécessité, le service public de l'électricité est géré dans le respect des principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité, et dans les meilleures conditions de sécurité, de qualité, de coûts, de prix et d'efficacité économique, sociale et énergétique. 

Le service public de l'électricité est organisé, chacun pour ce qui le concerne, par l'État et les communes ou leurs établissements publics de coopération. »

■ Article L. 121-1 du Code de l’énergie

« Le service public de l'électricité a pour objet de garantir, dans le respect de l'intérêt général, l'approvisionnement en électricité sur l'ensemble du territoire national.

Dans le cadre de la politique énergétique, il contribue à l'indépendance et à la sécurité d'approvisionnement, à la qualité de l'air et à la lutte contre l'effet de serre, à la gestion optimale et au développement des ressources nationales, à la maîtrise de la demande d'énergie, à la compétitivité de l'activité économique et à la maîtrise des choix technologiques d'avenir, comme à l'utilisation rationnelle de l'énergie.

Il concourt à la cohésion sociale, à la lutte contre les exclusions, au développement équilibré du territoire, dans le respect de l'environnement, à la recherche et au progrès technologique, ainsi qu'à la défense et à la sécurité publique.
Matérialisant le droit de tous à l'électricité, produit de première nécessité, le service public de l'électricité est géré dans le respect des principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité et dans les meilleures conditions de sécurité, de qualité, de coûts, de prix et d'efficacité économique, sociale et énergétique. »

 Aliéna 7 du Préambule de la Constitution de 1946

« Le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent. »

 

Auteur :C. G.


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