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[ 20 mars 2014 ] Imprimer

Droit européen et de l'Union européenne

L’impossible litispendance en droit de l’Union

Mots-clefs : Litispendance, Compétence, Tribunal, Litige

La réalisation du marché intérieur conduit à des situations juridiques dans lesquelles plusieurs juridictions nationales peuvent être saisies d’un même litige. Ces multiples saisines engendrent le risque de décisions contradictoires et inconciliables. Souhaitant éviter une telle situation, le législateur de l’Union a organisé les conditions relatives au dessaisissement de la seconde juridiction saisie en faveur du tribunal saisi en premier lieu dès lors que la compétence de ce dernier est établie. La CJUE juge que la compétence est établie au sens de l’article 27 du règlement (CE) n° 44/2001 en l’absence de compétence exclusive du second tribunal, de déclin d’office de sa compétence ou de contestation de celle-ci par l’une des parties.

Un litige ayant le même objet et la même cause entre les mêmes parties ne peut être tranché que par une seule juridiction d’un État membre : la juridiction la première saisie. Cette situation impose que la seconde juridiction se dessaisisse sauf à de rares exceptions où la première juridiction verra sa compétence non établie. Le principe posé par la Cour de justice est celui de la reconnaissance de la compétence de la première juridiction, au regard du contenu de l’article 27 du règlement (CE) n°44/2001, à moins qu’il soit juridiquement démontré le contraire. Le règlement impose ainsi un mécanisme efficace qui a, en outre, l’avantage d’éviter les conflits négatifs de juridiction.

L’affaire rapportée trouve son origine dans un transport de marchandises de la société Cartier. Cette dernière avait confié le transport à la société Ziegler qui avait elle-même sous-traitée cette prestation. Lors du transport, une partie de la marchandise a été volée au Royaume-Uni. La société Ziegler a alors saisi une juridiction britannique afin d’apprécier les responsabilités et de chiffrer le préjudice. Par la suite, la société Cartier et Axa ont saisi un tribunal français d’une action en responsabilité solidaire contre la société Ziegler. Ziegler a demandé au juge français de se dessaisir en raison de la saisine préalablement du juge anglais, sa compétence lui paraissant établie. Face à la contestation de Cartier et d’Axa, la Cour de cassation a posé la question à la Cour de justice de l’Union européenne de préciser dans quelles circonstances la compétence de la première juridiction pouvait être établie obligeant la seconde à se dessaisir d’office.

La Cour de justice revient sur l’interprétation de l’article 27 du règlement (CE) n° 44/2001 afin de définir dans quelles circonstances la compétence du premier tribunal saisi peut être établie, mettant fin à toute situation de litispendance.

La Cour écarte l’interprétation retenue par Cartier et Axa : ces derniers estimaient que seule une décision définitive portant sur la compétence conduisait à l’établissement de celle-ci. Cette approche remettait en réalité en cause l’objectif même du règlement d’éviter les procédures parallèles et de prévoir un mécanisme clair et efficace offrant une bonne administration de la justice. En conséquence, la compétence n’a pas à être établie implicitement ou explicitement par une décision juridictionnelle.

En revanche, trois situations distinctes conduisent à ce que la compétence ne soit pas établie :

– la première situation est issue du règlement de l’Union qui prévoit expressément la compétence exclusive à l’égard d’une juridiction, qui serait en l’occurrence la seconde. La première n’a nécessairement pas la compétence ;

– la deuxième situation résulte du déclin d’office de compétence par la première juridiction saisie. En l’absence de reconnaissance de sa compétence, la seconde juridiction devient nécessairement à son tour compétente ;

– la troisième situation repose sur la contestation de la compétence par une des parties au litige. Cependant cette contestation doit intervenir conformément au droit procédural national. Si cette contestation n’est pas effectuée dans les temps, ou si elle n’a pas été envisagée par les parties, la compétence est finalement automatiquement et définitivement établie.

Les hypothèses de remises en cause de la compétence sont ainsi strictement énumérées imposant véritablement que pour un même litige il n’y ait finalement qu’une seule juridiction d’un État membre qui statue au fond.

CJUE 27 févr. 2014, Cartier parfums – lunettes SAS, Axa Corporate Solutions assurances SA, c/ Ziegler France SA et autres, C-1/13

Référence

■ Article 27 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale

"1. Lorsque des demandes ayant le même objet et la même cause sont formées entre les mêmes parties devant des juridictions d'États membres différents, la juridiction saisie en second lieu sursoit d'office à statuer jusqu'à ce que la compétence du tribunal premier saisi soit établie.

2. Lorsque la compétence du tribunal premier saisi est établie, le tribunal saisi en second lieu se dessaisit en faveur de celui-ci."

 

Auteur :V. B.


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