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Droit des obligations
L’indivisibilité contractuelle à l’épreuve du droit des entreprises en difficulté
Mots-clefs : Indivisibilité contractuelle, Opération de financement locatif, Contrat de prestation, Contrat de location, Redressement judiciaire, Liquidation judiciaire de la société prestataire, Contrats en cours, Caducité (non)
Lorsque des contrats incluant une location financière sont interdépendants, l’anéantissement du contrat principal est un préalable nécessaire à la caducité, par voie de conséquence, du contrat de location ; or la caducité du contrat principal de prestation ne peut, en l’espèce, être constatée dès lors que l’ouverture d’une procédure collective au profit de la société prestataire n’entraîne pas, en raison du principe de continuation des contrats en cours au jour du jugement d'ouverture de la procédure, la caducité des contrats en cours.
Une pharmacie avait commandé à une société spécialisée la fourniture du matériel nécessaire à une animation publicitaire et de CD-ROM, et demandé à ce que celle-ci fût financée par une troisième société, avec laquelle elle avait donc conclu un contrat de location financière du matériel pour une durée de cinq ans.
À la suite de la mise en liquidation judiciaire du prestataire de services, la pharmacie avait cessé d’acquitter les loyers au motif qu’elle ne recevait plus les CD-ROM mensuels. En conséquence de cette cessation, la société de financement avait mis en œuvre la clause résolutoire stipulée dans son contrat puis assigné la pharmacie en paiement des pénalités restant dues. Celle-ci lui avait alors, pour échapper au paiement, opposé la caducité du contrat de location financière. L’argument se comprenait dans l’hypothèse de l’espèce, celle d’un ensemble contractuel indivisible.
En effet, celui-ci existe dès lors que la disparition de l'un des contrats appartenant à l’ensemble entraîne nécessairement la disparition des autres. Une précision doit être faite : il existe des variantes en fonction de la nature – nullité, résiliation – de cette disparition, et on se souvient que, par deux arrêts rendus le 17 mai 2013, la chambre mixte de la Cour de cassation a dégagé, dans les groupes de contrats incluant une location financière, une situation objective d'interdépendance contractuelle qui ne peut être défaite par la volonté contraire des parties.
La cour d’appel refusa néanmoins de constater la caducité du contrat de financement en raison de son indépendance avec le contrat de fourniture, déduite à la fois du fait que la pharmacie aurait pu s’adresser à un autre prestataire pour obtenir la même prestation et des termes du contrat de location excluant expressément toute dépendance avec le contrat qu’il servait à financer.
À l’appui de son pourvoi en cassation, la demanderesse procéda au rappel du principe jurisprudentiel précité pour soutenir l’interdépendance objective des contrats litigieux, l’exigence corrélative de sanctionner par la nullité partielle toute clause contraire ou simplement inconciliable avec elle et, enfin, la nécessité de prendre en compte les conséquences d’une telle indivisibilité, notamment celle liée au besoin de constater judiciairement la résolution ou, à défaut, la caducité du contrat de financement, dès lors que ce dernier dépend du contrat de prestation dont l’inexécution, causée par la procédure collective ouverte au profit du prestataire, est avérée.
La thèse du pourvoi est rejetée en raison de la conjugaison, opérée par la Cour, du régime applicable à l’indivisibilité contractuelle et du principe propre au droit des entreprises en difficulté de la continuation des contrats en cours.
En effet, la Cour commence par rappeler que lorsque des contrats incluant une location financière sont interdépendants (formulation qui d’ailleurs tend à marquer un infléchissement au principe posé en 2013, lequel semblait généralement et objectivement applicable à l’ensemble des opérations de financement locatif), l’anéantissement du contrat principal (de fourniture) est un préalable nécessaire à la caducité, par voie de conséquence, du contrat de financement ; or la cour d’appel ayant rappelé à bon droit que l’ouverture d’une procédure collective n’entraîne pas la caducité des contrats en cours, la caducité du contrat de financement sollicitée par la demanderesse au pourvoi ne pouvait logiquement être prononcée.
En effet, si parmi les principales conséquences de l’indivisibilité ici rappelées par la demanderesse au pourvoi peuvent être relevées (d’une part, que le client est en droit de refuser le paiement relatif à l’un des contrats lorsque les prestations du second sont inexécutées, l’exception d’inexécution rayonnant au sein de l’ensemble contractuel et, d’autre part, que la résiliation ou l’annulation de l’un des contrats emporte l’anéantissement de l’ensemble), encore faut-il précisément pouvoir constater, avant d’annuler l’ensemble des contrats liés, l’anéantissement du contrat principal qui justifierait cette annulation globale.
Or, en l’espèce, cette dernière conséquence ne pouvait être tirée sans contrarier le principe de continuation des contrats en cours au jour du jugement d'ouverture d’une procédure collective, lequel est d'ordre public. En effet, un contrat en cours, c’est-à-dire celui n’ayant pas épuisé tous ses effets au jour du jugement d'ouverture, ne peut être résilié ou résolu du seul fait de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire (C. com., art. L. 622-13 ; art. L. 631-14 ; art. L. 641-11-1), et toute clause prévoyant la résiliation de plein droit d'un contrat en raison de l'ouverture d'une procédure collective serait d’ailleurs inapplicable. Seuls l'administrateur judiciaire, pour les procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire, et le liquidateur judiciaire, pour la procédure de liquidation judiciaire, ont la faculté de résilier les contrats sous certaines conditions. Tant que l'organe de la procédure compétent ne se sera pas prononcé, le contrat se poursuit ce qui, en l’espèce, conduisait à paralyser l’effet d’anéantissement global traditionnellement attaché à la disparition d’un contrat lié à d’autres.
Com. 4 nov. 2013, n°13-24.270
Références
■ Ch. mixte 17 mai 2013, n° 11-22.927 et n° 11-22.768 ; Dalloz Actualité Étudiant 3 juin 2013, D. 2013. 1658, note D. Mazeaud ; RTD civ. 2013. 597, obs. H. Barbier ; RTD com. 2013. 569, obs. D. Legeais ; RDC 2013. 849, note L. Le Mesle ; RLDC 2013, n° 107, p. 7, note N. Martial-Braz.
■ Code de commerce
« I. - Nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d'un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde.
Le cocontractant doit remplir ses obligations malgré le défaut d'exécution par le débiteur d'engagements antérieurs au jugement d'ouverture. Le défaut d'exécution de ces engagements n'ouvre droit au profit des créanciers qu'à déclaration au passif.
II. - L'administrateur a seul la faculté d'exiger l'exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise au cocontractant du débiteur.
Au vu des documents prévisionnels dont il dispose, l'administrateur s'assure, au moment où il demande l'exécution du contrat, qu'il disposera des fonds nécessaires pour assurer le paiement en résultant. S'il s'agit d'un contrat à exécution ou paiement échelonnés dans le temps, l'administrateur y met fin s'il lui apparaît qu'il ne disposera pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du terme suivant.
III. - Le contrat en cours est résilié de plein droit :
1° Après une mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat adressée par le cocontractant à l'administrateur et restée plus d'un mois sans réponse. Avant l'expiration de ce délai, le juge-commissaire peut impartir à l'administrateur un délai plus court ou lui accorder une prolongation, qui ne peut excéder deux mois, pour se prononcer ;
2° A défaut de paiement dans les conditions définies au II et d'accord du cocontractant pour poursuivre les relations contractuelles. En ce cas, le ministère public, l'administrateur, le mandataire judiciaire ou un contrôleur peut saisir le tribunal aux fins de mettre fin à la période d'observation.
IV. - A la demande de l'administrateur, la résiliation est prononcée par le juge-commissaire si elle est nécessaire à la sauvegarde du débiteur et ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant.
V. - Si l'administrateur n'use pas de la faculté de poursuivre le contrat ou y met fin dans les conditions du II ou encore si la résiliation est prononcée en application du IV, l'inexécution peut donner lieu à des dommages et intérêts au profit du cocontractant, dont le montant doit être déclaré au passif. Le cocontractant peut néanmoins différer la restitution des sommes versées en excédent par le débiteur en exécution du contrat jusqu'à ce qu'il ait été statué sur les dommages et intérêts.
VI. - Les dispositions du présent article ne concernent pas les contrats de travail. Elles ne concernent pas non plus le contrat de fiducie, à l'exception de la convention en exécution de laquelle le débiteur conserve l'usage ou la jouissance de biens ou droits transférés dans un patrimoine fiduciaire. »
« Les articles L. 622-3 à L. 622-9, à l'exception de l'article L. 622-6-1, et L. 622-13 à L. 622-33 sont applicables à la procédure de redressement judiciaire, sous réserve des dispositions qui suivent.
Il est réalisé une prisée des actifs du débiteur concomitamment à l'inventaire prévu à l'article L. 622-6.
Lorsque l'administrateur a une mission de représentation, il exerce les prérogatives conférées au débiteur par le II de l'article L. 622-7 et par le troisième alinéa de l'article L. 622-8. En cas de mission d'assistance, il les exerce concurremment avec le débiteur.
Lorsqu'est exercée la faculté prévue par le II de l'article L. 622-13 et que la prestation porte sur le paiement d'une somme d'argent, celui-ci doit se faire au comptant, sauf pour l'administrateur à obtenir l'acceptation de délais de paiement par le cocontractant du débiteur. Au vu des documents prévisionnels dont il dispose, l'administrateur s'assure, au moment où il demande l'exécution, qu'il disposera des fonds nécessaires à cet effet.
Lorsque la procédure de redressement judiciaire a été ouverte en application du troisième alinéa de l'article L. 626-27 et que le débiteur a transféré des biens ou droits dans un patrimoine fiduciaire avant l'ouverture de la procédure de sauvegarde ayant donné lieu au plan résolu, la convention en exécution de laquelle celui-ci conserve l'usage ou la jouissance de ces biens ou droits n'est pas soumise aux dispositions de l'article L. 622-13 et les dispositions de l'article L. 622-23-1 ne sont pas applicables.
Pour l'application de l'article L. 622-23, l'administrateur doit également être mis en cause lorsqu'il a une mission de représentation.
Les personnes coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie ne bénéficient pas de l'inopposabilité prévue au deuxième alinéa de l'article L. 622-26 et ne peuvent se prévaloir des dispositions prévues au premier alinéa de l'article L. 622-28. »
« I. - Nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d'un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l'ouverture ou du prononcé d'une liquidation judiciaire.
Le cocontractant doit remplir ses obligations malgré le défaut d'exécution par le débiteur d'engagements antérieurs au jugement d'ouverture. Le défaut d'exécution de ces engagements n'ouvre droit au profit des créanciers qu'à déclaration au passif.
II. - Le liquidateur a seul la faculté d'exiger l'exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise au cocontractant du débiteur.
Lorsque la prestation porte sur le paiement d'une somme d'argent, celui-ci doit se faire au comptant, sauf pour le liquidateur à obtenir l'acceptation, par le cocontractant du débiteur, de délais de paiement. Au vu des documents prévisionnels dont il dispose, le liquidateur s'assure, au moment où il demande l'exécution, qu'il disposera des fonds nécessaires à cet effet. S'il s'agit d'un contrat à exécution ou paiement échelonnés dans le temps, le liquidateur y met fin s'il lui apparaît qu'il ne disposera pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du terme suivant.
III. - Le contrat en cours est résilié de plein droit :
1° Après une mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat adressée par le cocontractant au liquidateur et restée plus d'un mois sans réponse. Avant l'expiration de ce délai, le juge-commissaire peut impartir au liquidateur un délai plus court ou lui accorder une prolongation, qui ne peut excéder deux mois, pour se prononcer ;
2° A défaut de paiement dans les conditions définies au II et d'accord du cocontractant pour poursuivre les relations contractuelles ;
3° Lorsque la prestation du débiteur porte sur le paiement d'une somme d'argent, au jour où le cocontractant est informé de la décision du liquidateur de ne pas poursuivre le contrat.
IV. - A la demande du liquidateur, lorsque la prestation du débiteur ne porte pas sur le paiement d'une somme d'argent, la résiliation est prononcée par le juge-commissaire si elle est nécessaire aux opérations de liquidation et ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant.
V. - Si le liquidateur n'use pas de la faculté de poursuivre le contrat ou y met fin dans les conditions du II ou encore si la résiliation du contrat est prononcée en application du IV, l'inexécution peut donner lieu à des dommages et intérêts au profit du cocontractant, dont le montant doit être déclaré au passif. Le cocontractant peut néanmoins différer la restitution des sommes versées en excédent par le débiteur en exécution du contrat jusqu'à ce qu'il ait été statué sur les dommages et intérêts.
VI. - Les dispositions du présent article ne concernent pas les contrats de travail. Elles sont également inapplicables au contrat de fiducie et à la convention en exécution de laquelle le débiteur constituant conserve l'usage ou la jouissance de biens ou droits transférés dans un patrimoine fiduciaire. »
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