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Procédure civile
Liquidation de l’astreinte : date d’appréciation du comportement du débiteur
Mots-clefs : Astreinte, Liquidation, Comportement du débiteur, Date d'appréciation
Le comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et les difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter s'apprécient à compter du prononcé du jugement fixant l'injonction.
L'article L. 131-4, alinéa 1er, du Code des procédures civiles d'exécution prévoit que « le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour s'exécuter ». Le juge doit en conséquence se livrer à une analyse minutieuse du comportement du débiteur et (ou) des difficultés qu'il a rencontrées, sans être autorisé à statuer selon un critère distinct de ceux prévus par ce texte (Civ. 2e, 15 mai 2003, n° 01-11.909).
En revanche, le juge est libre de déterminer souverainement la proportion dans laquelle l'astreinte doit être modérée au regard des moyens susceptibles d’être mis en œuvre par le débiteur (Civ. 3e, 29 avr. 2009, n° 08-12.952).
Par un arrêt du 17 mars 2016, la Cour de cassation vient compléter ce dispositif légal et jurisprudentiel en rappelant la règle selon laquelle le comportement du débiteur s'apprécie à compter du jugement prononçant l'injonction.
En l’espèce, les occupants de plusieurs parcelles de terrain avaient, à la demande de leurs propriétaires, été condamnés sous astreinte à les libérer à compter de la signification de cette première décision. Les propriétaires des parcelles avaient par la suite saisi un juge de l’exécution pour obtenir la liquidation de l’astreinte provisoire et la fixation d’une astreinte définitive. Pour limiter la liquidation de l’astreinte provisoire à une certaine somme et refuser d’enjoindre une astreinte définitive, la cour d’appel retint qu’il ressortait des éléments du dossier que l’exécution tardive par les débiteurs condamnés de l’obligation de faire qui leur avait été enjointe résultait non de leur volonté manifeste de se soustraire à l’exécution de la décision de justice mais du contexte particulier de l’affaire dont témoignait l’existence de discussions entre les occupants et les propriétaires, engagées antérieurement à l’astreinte assortissant la décision de justice, pour que les premiers acquissent les parcelles détenues par les seconds. Au visa de l'article L. 131-4 du Code des procédures civiles d'exécution, la Cour de cassation censure la décision des juges du fond au motif que le comportement du débiteur s'apprécie à compter de la décision prononçant l'injonction.
La solution ici rappelée est conforme au pouvoir modérateur prévu par le texte visé par la Cour : pour juger de l’opportunité de le mettre en œuvre, le juge doit uniquement tenir compte du comportement du débiteur, indépendamment du préjudice subi par le créancier, contrairement à ce qu’une partie de la doctrine, souhaitant que la liquidation ramenât le taux de l'astreinte à la valeur du préjudice, avait un temps pu soutenir (L. Boyer, Rec. gén. lois 1960, n° 52 s. – Beudant et Lerebours-Pigeonnière, Cours de droit civil français, t. IX, par Lagarde et Perrot : 2e éd. 1952, n° 446, p. 324). En effet, le législateur (L. du 9 juill. 1991, art. 36) interdit au juge de déterminer le montant de l’astreinte à liquider en fonction de la valeur du préjudice, donc du montant des dommages-intérêts. Ainsi considère-t-il l'astreinte à liquider comme une condamnation entièrement distincte de l’indemnisation, cette mesure étant exclusivement destinée à garantir l'exécution d'une décision de justice. En conséquence, pour en modérer le montant, le juge doit tenir compte du comportement du débiteur récalcitrant, des moyens qu’il aura mis en œuvre pour se conformer à l’injonction qui lui a été faite et des éventuelles difficultés qu’il aura rencontrées pour y parvenir, mais il ne peut prendre en considération la valeur du préjudice qu’il cause. En outre, le juge doit procéder à cette appréciation du comportement, positif ou non, du débiteur, à compter du prononcé du jugement d'injonction. Ainsi le fait qu'en l’espèce, les débiteurs condamnés aient, préalablement au prononcé de l’injonction, engagé des négociations avec les propriétaires à l’effet d’acquérir les parcelles litigieuses devait être tenu pour indifférent.
La solution est logique : l’ordonnance de référé par laquelle les débiteurs avaient reçu injonction, sous astreinte, de libérer les parcelles, témoignant de l’inefficacité des discussions antérieurement menées. De manière tout aussi logique, la deuxième chambre civile, pour affirmer déjà que les diligences du débiteur doivent s’apprécier à la date du jugement fixant l’injonction, a jugé indifférente la date de la signification, postérieure à celle de son prononcé, du jugement de condamnation : en effet, il serait contraire à la nature même de l’astreinte de reprocher au débiteur d’avoir immédiatement obéi à la décision du juge sans attendre la signification de celle-ci (Civ. 2e, 9 janv. 2014, n° 12-25.297).
Civ. 2e, 17 mars 2016, n° 15-13.122
Références
■ Civ. 2e, 15 mai 2003, n° 01-11.909 P, D. 2003. 1477.
■ Civ. 3e, 29 avr. 2009, n° 08-12.952 P, D. 2009. 1424 ; ibid. 2010. 1307, obs. A. Leborgne ; AJDI 2009. 732, obs. F. de La Vaissière ; RTD civ. 2009. 575, obs. R. Perrot.
■ Civ. 2e, 9 janv. 2014, n° 12-25.297 P, D. 2014. 151.
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