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[ 7 mai 2019 ] Imprimer

Droit de la copropriété

Liquidation d’un syndic de copropriété : le droit spécial écarte le droit des entreprises en difficulté

Lorsque le nouveau syndic demande à l'ancien syndic en liquidation judiciaire la remise des fonds, documents et archives du syndicat ainsi que l'état des comptes de ce dernier et de celui des copropriétaires, l'action qu'il exerce à cette fin en application de l'article 18-2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, échappe à l'interdiction des poursuites de l'article L. 622-21, I, du Code de commerce, dès lors qu'elle tend au respect d'une obligation légale, inhérente à la profession de syndic, et non au paiement d'une somme d'argent.

Un syndic de copropriété a été mis en liquidation judiciaire le 18 décembre 2013. Le liquidateur a été mis en demeure par le nouveau syndic d'une copropriété en place depuis le 5 mai 2014, de remettre des fonds et documents en application de l'article 18-2 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis. Puis le liquidateur a été assigné aux fins de les remettre sous astreinte. Les juges du fond donnent droit à cette demande.

Le liquidateur conteste et forme un pourvoi en cassation, en se fondant sur le droit des entreprises en difficulté. Seules les créances visées à l'article L. 622-17 du Code de commerce, à savoir celles nées régulièrement après le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, échappent à l'interdiction des actions en justice tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent. Aussi, selon lui, les juges d'appel auraient dû rechercher si la créance litigieuse était née, dans sa totalité, pour les besoins de la période d'observation ou de la procédure, ou en contrepartie d'une prestation fournie au syndic. Autrement dit, le droit des entreprises en difficulté écarterait la loi de 1965. C'est la question à laquelle la Cour de cassation est invitée à répondre.

La Cour de cassation y répond par la négative en application du célèbre adage romain Specialia generalibus derogant. Le droit des entreprises en difficulté s’écarte au profit du droit spécial, ici la loi de 1965. Les juges du Quai de l’Horloge affirment ainsi que « lorsque le nouveau syndic demande à l'ancien syndic en liquidation judiciaire la remise des fonds, documents et archives du syndicat ainsi que l'état des comptes de ce dernier et de celui des copropriétaires, l'action qu'il exerce à cette fin en application de l'article 18-2 de la loi du 10 juillet 1965, échappe à l'interdiction des poursuites de l'article L. 622-21, I, du code de commerce, dès lors qu'elle tend au respect d'une obligation légale, inhérente à la profession de syndic, et non au paiement d'une somme d'argent».

Dans la procédure de liquidation judiciaire, la règle de l’interdiction des poursuites de l’article L. 622-21 du Code de commerce s’applique par renvoi (C. com., art. L. 641-3), consacrant en cela la jurisprudence rendue sous l’empire de la loi du 25 janvier 1985 (Com. 19 déc. 1995, n° 92-19.525). Cette règle assure le respect de la discipline collective. Elle a toutefois une portée plus limitée pour certains créanciers autorisés, sous réserve du respect de certaines conditions, à exercer leur droit de poursuite. 

Le liquidateur reprochait justement aux juges d’avoir écarté la règle de l’interdiction des poursuites sans caractériser l’existence d’une des exceptions mais en écartant le droit commun des entreprises en difficulté au profit du droit spécial de la copropriété des immeubles bâtis. 

La Cour de cassation confirme le raisonnement de la Cour d’appel et ce n’est pas la première fois que, ce droit commun est écarté au profit d’un droit spécial. En effet, selon l’article L. 113-2 du Code des assurances, à défaut de paiement d’une prime d’assurance dans les dix jours de l’échéance, la garantie ne peut être suspendue que trente jours après une mise en demeure de l’assuré, l’assurant ayant le droit de résilier le contrat dix jours après l’expiration de ce délai. Or, l’application de cette disposition n’est pas exclue en cas de procédure collective de l’assuré (Com. 15 nov. 2016, n° 14-27.045; V. égal. Com. 10 févr. 2015, n° 13-24.659). 

Com. 20 mars 2019, n° 17-22.417

Références

■ Com. 19 déc. 1995, n° 92-19.525 P: D. 1996. 145, note M.-J. Campana ; ibid. 390, obs. S. Piédelièvre ; RTD com. 1996. 533, obs. A. Martin-Serf

■ Com. 15 nov. 2016, n° 14-27.045 P:  D. 2016. 2396

■ Com. 10 févr. 2015, n° 13-24.659 P: D. 2015. 429 ; AJ fam. 2015. 227, obs. J. Casey

 

Auteur :Léo Marronnier

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