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Procédure pénale
L’irrecevabilité devant la Cour de cassation d’arguments nouveaux fondés sur l’erreur sur le droit
Des prévenus ne sauraient se prévaloir pour la première fois devant la Cour de cassation, d’une erreur sur le droit qui résulterait, selon eux, d’un arrêt dont ils n’avaient pas indiqué avoir connaissance devant les juges du fond.
Deux cerfs sont abattus à l’occasion d’une action de chasse organisée de nuit par des personnes qui s’étaient rendues avec leur véhicules près de cervidés qu’ils avaient éblouis avec les phares de leurs voitures. C. J. et S. P. reconnaissaient à l’occasion de l’enquête avoir participé à cette chasse effectuant tous deux des tirs mortels. Ils sont alors poursuivis pour chasse non autorisée en réunion, de nuit, avec usage d’un véhicule et port d’arme.
Le tribunal correctionnel déclare la prévention établie.
Suite aux appels interjetés par les prévenus ainsi que par le ministère public, la cour d’appel alors saisie confirme le jugement de première instance. Elle les condamne pour infraction à la règlementation sur la chasse à des jours-amende ainsi que, pour l’un d’eux, à la privation d’un an du permis de chasser et à diverses mesures de confiscation.
La cour d’appel, pour retenir la responsabilité des prévenus, a exclu l’application de l’article 122-3 du Code pénal relatif à l’erreur sur le droit. Ce dernier prévoit que « n’est pas pénalement responsable la personne qui justifie avoir cru, par une erreur sur le droit qu’elle n’était pas en mesure d’éviter, pouvoir légitimement accomplir l’acte ». De jurisprudence constante, l’erreur sur le droit, pour être retenue, doit remplir certains critères, que sont son caractère insurmontable ou invincible et excusable. Ces critères semblent exclus pour la cour d’appel qui relève que les prévenus, « chasseurs depuis plus de vingt ans, ne sauraient affirmer sans une mauvaise foi évidente que la chasse de nuit est autorisée pour tout particulier sur ses propres terres, qui plus est avec des engins motorisés, alors que cette interdiction est notamment commandée par des impératifs de sécurité pour les chasseurs et des considérations éthiques ». Dès lors que les espaces privés peuvent être traversés par des espèces sauvages, ils ne sauraient échapper à toute règlementation.
Au soutien de leur pourvoi, les prévenus font grief à l’arrêt de la cour d’appel d’avoir retenu leur responsabilité alors que la règlementation générale de la chasse n’est, selon eux, pas applicable dans une propriété privée. Ils reprochent par ailleurs à la cour d’appel de ne pas avoir retenu, ainsi qu’ils l’évoquaient, la cause de non-imputabilité résidant dans l’erreur de droit. Selon les prévenus, la jurisprudence de la Cour de cassation depuis 1984 est en ce sens que la règlementation générale de la chasse ici violée n’est pas applicable dans une propriété qui répond aux critères de l’article L. 424-3 du Code de l’environnement. Selon ce dernier « le propriétaire ou possesseur peut, en tout temps, chasser ou faire chasser le gibier à poil dans ses possessions attenant à une habitation et entourées d'une clôture continue et constante faisant obstacle à toute communication avec les héritages voisins et empêchant complètement le passage de ce gibier et celui de l'homme ». L’exclusion injustifiée de l’erreur sur le droit viendrait violer conjointement les articles L. 424-3 du Code de l’environnement ainsi que l’article 122-3 du Code pénal.
La Cour de cassation répond aux deux arguments développés par les prévenus. Elle considère d’abord que les dispositions violées relatives à la chasse de nuit ne prévoient aucune dérogation pour ce qui a trait à la chasse réalisée sur les terrains des propriétaires visés par l’article L. 424-3 du Code de l’environnement. La règlementation générale de la chasse est alors pleinement applicable aux propriétés répondant aux critères de l’article L. 424-3 du Code de l’environnement.
Ensuite, pour ce qui concerne l’exclusion de l’erreur sur le droit, elle ne se prononce pas sur les conditions stricto sensu qui permettent de la retenir mais sur ses propres compétences. Elle relève en effet que les prévenus avaient invoqué l’erreur sur le droit à raison de leur ignorance d’un arrêt de la Cour de cassation de 2005 qui aurait interdit la chasse de nuit dans un enclos mais se prévalent, pour la première fois devant la Cour de cassation, « d’une erreur sur le droit fondée sur l’autorisation de chasse de nuit dans un tel enclos qui résulterait, selon eux, d’un arrêt du 3 mai 1984 dont ils n’avaient pas indiqué avoir connaissance devant les juges du fond ». La Cour de cassation rejette à juste titre le pourvoi dès lors que l’arrêt d’appel, conformément aux dispositions de l’article 593 du Code de procédure pénale, contient des motifs suffisants et permettent à la Cour d’exercer son contrôle.
Cet arrêt confirme la jurisprudence de la Chambre criminelle qui, au sujet de l’erreur sur le droit, considère que ce moyen de défense doit être invoqué en début d’instance (Crim. 13 nov. 1996, n° 95-86.003 ; Crim. 27 mars 1996, n° 95-80.889).
Crim. 17 décembre 2019, n° 18-86.358
Références
■ Rép. pén. Dalloz, V° Erreur sur le droit, D. Viriot-Barrial, oct. 2010, actualisation janv. 2019, spéc. n° 14.
■ Crim. 13 nov. 1996, n° 95-86.003
■ Crim. 27 mars 1996, n° 95-80.889 P : RSC 1997. 101, obs. B. Bouloc
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