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Droit administratif général
Litige relatif à l’indemnisation du préjudice résultant d’une faute commise par un maire
Mots-clefs : Tribunal des conflits, Compétence, Faute de service, Faute personnelle, Infraction, Maire, Juridiction judicaire, Juridiction administrative
Dans une décision rendue le 19 mai 2014, le Tribunal des conflits donne compétence aux deux ordres de juridictions selon que la demande d’indemnisation est fondée sur la faute personnelle du maire ou sur la faute du maire commise à l’occasion de ses fonctions.
En l’espèce, le maire d’une commune avait fait pression sur sa directrice générale des services pour la dissuader de témoigner alors qu’une employée municipale avait engagé une procédure pénale de harcèlement contre lui. Sur plainte de la directrice générale des services contre le maire, celui-ci a été condamné pour subordination de témoin. La juridiction répressive s’est toutefois déclarée incompétente en appel, pour statuer sur les demandes indemnitaires au motif que le fait délictueux ne constituait pas une faute personnelle détachable des fonctions du maire ; ainsi, la réparation de ses conséquences dommageables ressortissait de la juridiction administrative.
La directrice générale des services a alors demandé à la juridiction administrative la condamnation in solidum du maire et de la commune à lui verser des dommages-intérêts en réparation des préjudices qu’elle estimait avoir subis en raison des agissements du maire. Le juge administratif a également statué sur son incompétence.
Saisi d’un conflit négatif, le Tribunal des conflits vient de désigner compétents, de façon inédite, les deux ordres de juridiction.
Depuis l’arrêt Pelletier (30 juill. 1873), le Tribunal des conflits distingue entre la faute personnelle et la faute de service et fonde ainsi le partage de responsabilité entre l’administration et ses agents, en cas de faute causant des dommages à des tiers.
Ainsi, la faute personnelle est celle qui se détache complètement du service pour que le juge judiciaire soit compétent pour la constater. En revanche, le juge administratif est compétent pour statuer sur la faute de service. Selon la formule classique issue des conclusions de Laferrière (T. confl. 5 mai 1877, Laumonnier-Carriol), il y a faute de service « si l’acte dommageable est impersonnel, s’il révèle un administrateur plus ou moins sujet à erreur » et il y a faute personnelle si cet acte révèle « l’homme avec ses faiblesses, ses passions, ses imprudences. Si la personnalité de l’agent se révèle par des fautes de droit commun, par un dol, alors la faute est imputable au fonctionnaire, non à la fonction ».
Par ailleurs, la jurisprudence du Conseil d’État a également précisé que la victime d’une faute personnelle peut demander la condamnation devant la juridiction administrative lorsque cette faute n’est pas dépourvue de tout lien avec le service (CE 26 juill. 1918, Épx Lemonnier et CE 18 nov. 1849, Dlle Mimeur).
En l’espèce, le Tribunal des conflits considère que la faute commise par le maire est une faute personnelle détachable du service en raison de sa gravité et des objectifs purement personnels poursuivis par son auteur. Toutefois, il considère également que le maire a commis cette faute à l’occasion de l’exercice de ses fonctions. Ainsi, même si la faute a fait l’objet d’une condamnation pénale, elle n’est pas dépourvue de tout lien avec le service.
Pour la première fois, le Tribunal des conflits annule les deux décisions des deux ordres de juridictions ayant abouti à un conflit négatif et juge que la victime peut engager la responsabilité du maire devant le juge judiciaire et celle de la commune devant le juge administratif.
Le Tribunal administratif précise néanmoins que si les deux juridictions estiment devoir allouer une indemnité à la requérante en réparation du préjudice dont elle se prévaut, celles-ci ne peuvent accorder une réparation globale supérieure à la valeur du préjudice subi.
T. confl. 19 mai 2014, n° 3939
Références
■ T. confl. 30 juill. 1873, Pelletier, Lebon 1er suppl. 117 ; GAJA, n°2.
■ T. confl. 5 mai 1877, Laumonnier-Carriol, Lebon 437.
■ CE 26 juill. 1918, Épx Lemonnier, Lebon 761 ; GAJA, n°32.
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