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Droit du travail - relations individuelles
L’obésité confrontée au principe de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail
Mots-clefs : Emploi, Égalité de traitement, Discrimination, Principe général du droit de l’Union, Obésité, Handicap, Dir. n°2000/78/CE du 27 nov. 2000
Si le droit de l’Union ne consacre pas de manière autonome le principe général de non-discrimination en raison de l’obésité en ce qui concerne l’emploi et le travail, cette notion relève de celle de « handicap » lorsque cet état entraîne une limitation, résultant notamment d’atteintes physiques, mentales ou psychiques durables, dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à la pleine et effective participation de la personne concernée à la vie professionnelle sur la base de l’égalité avec les autres travailleurs.
Conformément à l'article 6, § 3, TUE, font partie du droit de l'Union en tant que principes généraux, les droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres.
Figurent parmi ces principes celui de non-discrimination et, plus spécifiquement, celui sur l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail au nom duquel est venue s’inscrire la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, dont l’article 1er vient préciser qu’elle a pour objet « d'établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, l'handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle, en ce qui concerne l'emploi et le travail, en vue de mettre en œuvre, dans les États membres, le principe de l'égalité de traitement ». Est entendue par « principe de l'égalité de traitement » l'absence de toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur un des motifs visés à l'article 1er » (Dir. 2000/78, art. 2). Le champ d’application de la directive 2000/78 s’étend, dans les limites des compétences conférées à l’Union, à toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le secteur privé, y compris les organismes publics, en ce qui concerne notamment les conditions de licenciement (Dir. 2000/78, art. 3, § 1, c).
Dans l’affaire rapportée, les questions préjudicielles suivantes ont, notamment, été posées à la Cour de justice de l’Union par un tribunal danois qui avait été saisi par une organisation syndicale agissant pour le compte d’un assistant maternel, considérant que le licenciement de ce dernier, par une municipalité, découlait d’une discrimination fondée sur son obésité :
– le droit de l’Union doit-il être interprété en ce sens qu’il consacre un principe général autonome de non-discrimination fondé en raison de l’obésité en ce qui concerne l’emploi et le travail ?
– l’obésité peut-elle constituer un handicap et relève-t-elle du champ d’application de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 précitée ?
À la première question, la Cour répond par la négative. Elle rappelle, tout d’abord, que le principe général de non-discrimination figure au nombre des droits fondamentaux faisant partie intégrante des principes généraux du droit de l’Union et lie les États membres lorsque la situation nationale en cause dans l’affaire au principal relève du champ d’application du droit de l’Union (CJCE 11 juill. 2006, Chacón Navas, pt. 56). Elle souligne, ensuite, qu’aucune disposition des traités UE et FUE ne contient une interdiction de la discrimination fondée sur l’obésité en tant que telle et que le droit dérivé de l’Union ne consacre pas davantage de principe de non-discrimination en raison de l’obésité en ce qui concerne l’emploi et le travail. Spécifiquement, la directive 2000/78 ne mentionne pas l’obésité en tant que motif de discrimination. Enfin, selon la Cour, il n’y a pas lieu d’étendre le champ d’application de la directive 2000/78 par analogie au-delà des discriminations fondées sur les motifs énumérés de manière exhaustive à l’article 1er de celle-ci (CJCE 11 juill. 2006, Chacón Navas, préc., pt. 56) : l’obésité ne peut donc pas être considérée comme un motif venant s’ajouter à ceux au titre desquels la directive 2000/78 interdit toute discrimination.
Sur la seconde question, et selon sa jurisprudence, la Cour conclut que « la directive 2000/78 doit être interprétée en ce sens que l’état d’obésité d’un travailleur constitue un “handicap”, au sens de cette directive, lorsque cet état entraîne une limitation, résultant notamment d’atteintes physiques, mentales ou psychiques durables, dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à la pleine et effective participation de la personne concernée à la vie professionnelle sur la base de l’égalité avec les autres travailleurs » et qu’il « appartient à la juridiction nationale de vérifier si, dans l’affaire au principal, ces conditions sont remplies » (CJUE 11 avr. 2013, HK Danmark c./Dansk almennyttigt Boligselskab, pts 37 à 39). Quelle que soit son origine (CJUE 11 avr. 2013, HK Danmark c./Dansk almennyttigt Boligselskab, préc. pt. 40) ou dans quelle mesure la personne a pu contribuer ou non à la survenance de son handicap, la notion de «handicap» au sens de la directive doit être entendue comme visant tant la gêne à l’exercice d’une activité professionnelle que l’impossibilité de l’exercer. En outre, le fait qu’un employeur n’ait pas mis en œuvre des mesures d’aménagement raisonnable édictées à l’article 5 de la directive « pour permettre à une personne handicapée d'accéder à un emploi, de l'exercer ou d'y progresser », ne saurait suffire à considérer qu’une personne ne peut pas être qualifiée d’handicapée au sens de ladite directive. En effet, ces mesures ne sont que la conséquence et non l’élément constitutif de la notion de «handicap» (Dir. cons. 16 ; CJUE 11 avr. 2013, HK Danmark c./Dansk almennyttigt Boligselskab, préc., pts 45 et 46).
On rappellera que la directive n°2000/78/CE du 27 nov. 2000 est entrée en vigueur le 2 décembre 2000 et a fait l’objet d’une transposition complète dans la législation française par la : loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations, loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale, loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique.
Le Code du travail ne contient aucune disposition prévoyant l’interdiction de la discrimination fondée sur l’obésité en tant que telle. Toutefois, l’article L. 1132-1, qui consacre le principe de non-discrimination, précise qu’aucune personne ne peut être sanctionnée, licenciée ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en raison de « son apparence physique » ou de « son état de santé ou de son handicap ».
Références
■ Directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, JO n° L 303 du 02/12/2000 p. 0016 – 0022.
« La mise en place de mesures destinées à tenir compte des besoins des personnes handicapées au travail remplit un rôle majeur dans la lutte contre la discrimination fondée sur un handicap. »
« La présente directive a pour objet d'établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, l'handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle, en ce qui concerne l'emploi et le travail, en vue de mettre en oeuvre, dans les États membres, le principe de l'égalité de traitement. »
Article 2- Concept de discrimination
« 1. Aux fins de la présente directive, on entend par "principe de l'égalité de traitement" l'absence de toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur un des motifs visés à l'article 1er.
2. Aux fins du paragraphe 1:
a) une discrimination directe se produit lorsqu'une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne le serait dans une situation comparable, sur la base de l'un des motifs visés à l'article 1er;
b) une discrimination indirecte se produit lorsqu'une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d'entraîner un désavantage particulier pour des personnes d'une religion ou de convictions, d'un handicap, d'un âge ou d'une orientation sexuelle donnés, par rapport à d'autres personnes, à moins que:
i) cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires, ou que
ii) dans le cas des personnes d'un handicap donné, l'employeur ou toute personne ou organisation auquel s'applique la présente directive ne soit obligé, en vertu de la législation nationale, de prendre des mesures appropriées conformément aux principes prévus à l'article 5 afin d'éliminer les désavantages qu'entraîne cette disposition, ce critère ou cette pratique.
3. Le harcèlement est considéré comme une forme de discrimination au sens du paragraphe 1 lorsqu'un comportement indésirable lié à l'un des motifs visés à l'article 1er se manifeste, qui a pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d'une personne et de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. Dans ce contexte, la notion de harcèlement peut être définie conformément aux législations et pratiques nationales des États membres.
4. Tout comportement consistant à enjoindre à quiconque de pratiquer une discrimination à l'encontre de personnes pour l'un des motifs visés à l'article 1er est considéré comme une discrimination au sens du paragraphe 1.
5. La présente directive ne porte pas atteinte aux mesures prévues par la législation nationale qui, dans une société démocratique, sont nécessaires à la sécurité publique, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé et à la protection des droits et libertés d'autrui. »
Article 3 - Champ d'application
1. Dans les limites des compétences conférées à la Communauté, la présente directive s'applique à toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le secteur privé, y compris les organismes publics, en ce qui concerne:
a) les conditions d'accès à l'emploi, aux activités non salariées ou au travail, y compris les critères de sélection et les conditions de recrutement, quelle que soit la branche d'activité et à tous les niveaux de la hiérarchie professionnelle, y compris en matière de promotion;
b) l'accès à tous les types et à tous les niveaux d'orientation professionnelle, de formation professionnelle, de perfectionnement et de formation de reconversion, y compris l'acquisition d'une expérience pratique;
c) les conditions d'emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération;
d) l'affiliation à, et l'engagement dans, une organisation de travailleurs ou d'employeurs, ou toute organisation dont les membres exercent une profession donnée, y compris les avantages procurés par ce type d'organisations.
2. La présente directive ne vise pas les différences de traitement fondées sur la nationalité et s'entend sans préjudice des dispositions et conditions relatives à l'admission et au séjour des ressortissants de pays tiers et des personnes apatrides sur le territoire des États membres et de tout traitement lié au statut juridique des ressortissants de pays tiers et personnes apatrides concernés.
3. La présente directive ne s'applique pas aux versements de toute nature effectués par les régimes publics ou assimilés, y compris les régimes publics de sécurité sociale ou de protection sociale.
4. Les États membres peuvent prévoir que la présente directive ne s'applique pas aux forces armées pour ce qui concerne les discriminations fondées sur l'handicap et l'âge.
« 1. L'Union reconnaît les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne du 7 décembre 2000, telle qu'adaptée le 12 décembre 2007 à Strasbourg, laquelle a la même valeur juridique que les traités.
Les dispositions de la Charte n'étendent en aucune manière les compétences de l'Union telles que définies dans les traités.
Les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte sont interprétés conformément aux dispositions générales du titre VII de la Charte régissant l'interprétation et l'application de celle-ci et en prenant dûment en considération les explications visées dans la Charte, qui indiquent les sources de ces dispositions.
2. L'Union adhère à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. Cette adhésion ne modifie pas les compétences de l'Union telles qu'elles sont définies dans les traités.
3. Les droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, font partie du droit de l'Union en tant que principes généraux. »
■ CJCE 11 juill. 2006, Chacón Navas, C‑13/05.
■ CJUE 11 avr. 2013, HK Danmark c./Dansk almennyttigt Boligselskab, C‑335/11 et C‑337/11.
■ Article L. 1132-1 du Code du travail
« Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap. »
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