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Droit des obligations
L’objet de la preuve de l’inexécution d’une obligation de résultat
Mots-clefs : Obligation de résultat, Responsabilité de plein droit, Objet de la preuve
Le créancier d’une obligation de résultat doit rapporter la preuve de l’imputation du dommage au manquement contractuel du débiteur.
Un couple fait procéder, à la fin de l’année 2004, à la réparation de la boîte de vitesses de sa voiture. L’année suivante, de nouvelles pannes surviennent, puis se répètent. Le couple assigne alors le garagiste en responsabilité. D’abord, les juges du fond les déboutent de leur demande indemnitaire, l’expert judiciaire n’ayant pu établir l’imputabilité du dommage à l’inexécution des obligations incombant au garagiste. Dans le même sens, la Cour de cassation rejette, ensuite, le pourvoi formé par les propriétaires du véhicule : selon elle, la responsabilité de plein droit qui pèse sur le garagiste ne s'étend qu'aux dommages causés par le manquement à son obligation de résultat et qu’il appartient, par conséquent, à celui qui recherche cette responsabilité de rapporter la preuve que les dysfonctionnements allégués sont dus à une défectuosité déjà existante au jour de l'intervention du garagiste ou reliés à celle-ci. C'est donc sans inverser la charge de la preuve que la cour d’appel a pu en déduire que le dommage n'était pas imputable à un manquement contractuel du garagiste.
L'obligation d'entretien ou de réparation du garagiste est une obligation de résultat, justifiée par la certitude de la technique à mettre en œuvre. Or, la jurisprudence a maintes fois affirmé que « l'obligation de résultat emporte à la fois présomption de faute et présomption de causalité entre la faute et le dommage ». Ainsi l’inexécution du résultat promis se présente-t-elle comme l’unique condition d’engagement de la responsabilité du débiteur d'une telle obligation.
Il s'agit d'une responsabilité objective, ce que la Cour de cassation exprime ici lorsqu'elle vise « la responsabilité de plein droit qui pèse sur le garagiste réparateur » (v. déjà en ce sens, Com. 22 janv. 2002). Un des intérêts de cette qualification réside dans la présomption de causalité entre le fait du débiteur et le dommage ou, selon une formule voisine, dans la « présomption de causalité entre la prestation fournie et le dommage invoqué » (Civ. 1re, 16 févr. 1988). De prime abord, la présomption de causalité vise seulement le lien entre l'inexécution et le fait du débiteur : elle est une présomption d'imputation de la défectuosité du résultat à l'action du débiteur. Cette analyse se justifie par l’assimilation de l'obligation de résultat à une présomption de faute car on ne présume pas une faute stricto sensu, mais seulement une faute causale. La conclusion est identique lorsqu'on raisonne en termes de responsabilité sans faute car la défectuosité du résultat permet, à elle seule, de présumer que le débiteur en est la cause objective. Toute présomption de faute ou tout défaut d’un résultat promis implique donc une présomption de causalité.
Mais cette relation causale entre l'inexécution et le fait du débiteur ne préjuge en rien de la question de la causalité du dommage et de l'inexécution. « Il est en effet nécessaire non seulement que la non-obtention du résultat promis ait été causée par une exécution défectueuse mais aussi que le dommage invoqué trouve lui-même sa source dans la défaillance du résultat » (v. H., L. et J. Mazeaud et F. Chabas. – P. Jourdain). Ce second aspect de la relation causale est d'ailleurs le seul retenu par le Code civil, lequel vise les suites immédiates et directes de l'inexécution et non la question de la causalité entre la faute et l'inexécution (C. civ., art. 1151). Certes, la plupart du temps, le rattachement du dommage à l'inexécution ne souffre d'aucune difficulté : la preuve du dommage correspond ipso facto à l'inexécution de la prestation. Mais lorsque le dommage ne résulte pas de façon directe et immédiate de l'inexécution, il appartient à la victime d’établir ce lien causal dès lors que la loi lui impose de prouver l'existence de l'obligation de réparation (C. civ., art. 1315, al. 1er).
Ainsi doit se comprendre cette décision qui confirme une jurisprudence antérieure chargeant le créancier de prouver la causalité du dommage et de l'inexécution de l’obligation, même lorsque celle-ci est de résultat. C'est ainsi que le client d'un garagiste avait déjà dû établir que le dommage subi par son véhicule trouvait son origine dans l'intervention du garagiste, déjà tenu, pourtant, d’une obligation de résultat (Civ. 1re, 14 mars 1995 ; Civ. 1er, 28 mars 2008).
Civ. 1re, 31 oct. 2012, n°-11-24.324
Références
■ H., L. et J. Mazeaud et F. Chabas, Leçons de droit civil, t. 2, vol. 1, Montchrestien, 1998, n° 562.
■ P. Jourdain, obs. in RTD civ. 1988. 768.
■ Com. 22 janv. 2002, n°00-13.510, RTD civ. 2002. 514, obs. Jourdain.
■ Civ. 1re, 16 févr. 1988, n°86-14.918.
■ Civ. 1re, 14 mars 1995, n°93-12.028, Bull. civ. I, n° 122 ; RTD civ. 1995. 635, note Jourdain.
■ Civ. 1er, 28 mars 2008, n°06-18.350.
■ Code civil
« Dans le cas même où l'inexécution de la convention résulte du dol du débiteur, les dommages et intérêts ne doivent comprendre à l'égard de la perte éprouvée par le créancier et du gain dont il a été privé, que ce qui est une suite immédiate et directe de l'inexécution de la convention. »
« Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. »
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