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Droit des obligations
L’obligation de ponctualité du transporteur ferroviaire
Mots-clefs : Responsabilité contractuelle, Obligation de ponctualité du transporteur ferroviaire, Obligation de résultat, Exonération, Cause étrangère, Réparation du préjudice prévisible
L’obligation de ponctualité à laquelle s’engage un transporteur ferroviaire constitue une obligation de résultat ; sa méconnaissance est réparée à concurrence du préjudice prévisible.
En l’espèce, un voyageur avait acheté deux billets de train pour effectuer le trajet Marseille-Istres en première classe et, le lendemain, le voyage d’Istres à Nîmes avec correspondance à Miramas. Toutefois, il avait été contraint de voyager en seconde classe dans le premier train et de se rendre en taxi à Nîmes en raison d’un retard de plus de trente minutes du second train. Il avait alors saisi la juridiction de proximité et sollicité de la SNCF l’indemnisation de ses préjudices. A l’exception du remboursement du coût du siège de première classe et du billet de train inutilisé ses demandes ont été rejetées, cela aux motifs qu’il ne démontrait pas la faute du transporteur.
La Cour de cassation, qualifiant l’obligation de ponctualité du transporteur ferroviaire d’obligation de résultat, censure le jugement rendu au visa des articles 1147 et 1150 du Code civil sauf en ce qu’il condamne la SNCF au remboursement du coût du siège de première classe et du billet de train inutilisé.
Contrairement à l’obligation de moyen qui n’impose pas un résultat précis au débiteur et pour laquelle sa responsabilité ne peut être engagée qu’en cas de faute, lorsque tous les moyens pour l’exécution de l’obligation n'ont pas été utilisés, l’obligation de résultat demande un résultat précis. La responsabilité du débiteur est alors engagée en cas de non obtention du résultat promis, sans avoir à rapporter la preuve d’une faute. En l’espèce, la Cour de cassation affirme clairement que l’obligation de ponctualité du transporteur ferroviaire est bien une obligation de résultat, et décide que le juge de proximité ne pouvait écarter la responsabilité de la SNCF aux motifs que sa faute n’était pas établie.
Concernant l’obligation de résultat, la cause étrangère est la seule cause exonératoire de responsabilité. Cette solution est rappelée par la Cour de cassation qui précise que le transporteur ferroviaire ne peut s’exonérer de l’obligation de résultat que par la preuve d’une cause étrangère. Cette dernière se définit comme tout événement, (par ex. la guerre ou des inondations), ou fait qui intervient dans la réalisation d’un dommage et qui est imprévisible, irrésistible et extérieur. La cour d’appel de Paris, à ce sujet, a par exemple considéré que des pannes relevant d’un défaut d’entretien des services, ou des intempéries ne constituaient pas des causes exonératoires de responsabilité (Paris, 4 oct. 1996, n° 95-5713 et 95-8312).
Enfin, la Cour de cassation explique qu’en cas de mise en jeu de la responsabilité du transporteur ferroviaire pour violation de l’obligation de ponctualité, l’indemnisation se limite au préjudice prévisible lors de la conclusion du contrat et qui constitue une suite immédiate et directe du retard dans l’exécution de celui-ci.
Appliquant cette exigence de préjudice prévisible, dans deux arrêts où les voyageurs, en raison d’un retard de train, réclamaient l’indemnisation des préjudices résultant de l'impossibilité pour eux de poursuivre leur voyage et de prendre une correspondance aérienne prévue, la Cour de cassation a censuré des juridictions de proximité ayant fait droit à ces demandes faute d’expliquer comment la SNCF pouvait prévoir, lors de la conclusion du contrat que le terme du voyage n’était pas la destination finale et qu’ils avaient conclu un contrat de transport aérien (Civ. 1re, 28 avr. 2011, n° 10-15.056 et Civ. 1re, 23 juin 2011, n° 10-11.539). Également, réaffirmant l’exigence de prévisibilité du préjudice, la Cour de cassation, concernant un avocat n’ayant pu plaider en raison d’un retard imputable à la SNCF, a censuré un jugement ayant retenu que le transporteur ferroviaire devait l’indemniser, outre que pour le prix du voyage, pour sa perte d’honoraire, sa perte de crédibilité vis-à-vis de son client ainsi que l’inquiétude et l’énervement éprouvés. Faute d’établir que le dommage invoqué était prévisible lors de la conclusion du contrat de transport et constituait une suite immédiate et directe de l'inexécution de ce contrat, sauf en ce qui se rapporte au coût du trajet, la cassation a été prononcée (Civ. 1re, 26 sept. 2012, n° 11-13.177).
La solution de l’arrêt du 14 janvier 2016, rappelant qu’en matière contractuelle la réparation est limitée au préjudice prévisible, est conforme à l’article 1150 du Code civil disposant que : «Le débiteur n'est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n'est point par son dol que l'obligation n'est point exécutée ».
Civ. 1re, 14 janv. 2016, n° 14-28.227 P
Références
■ Paris, 4 oct. 1996, n° 95-5713 et 95-8312.
■ Civ. 1re, 28 avr. 2011, n° 10-15.056 P, Dalloz Actu Étudiant 4 mai 2011, D. 2011. 1725, obs. I. Gallmeister; ibid. 1745, édito. F. Rome ; ibid. 2012. 47, obs. P. Brun et O. Gout ; ibid. 459, obs. S. Amrani Mekki et M. Mekki ; ibid. 1439, obs. H. Kenfack ; RTD civ. 2011. 547, obs. P. Jourdain ; RTD com. 2011. 631, obs. B. Bouloc.
■ Civ. 1re, 23 juin 2011, n° 10-11.539.
■ Civ. 1re, 26 sept. 2012, n° 11-13.177 P, Dalloz Actu Étudiant 12 oct. 2012, D. 2012. 2305, obs. I. Gallmeister ; ibid. 2649, édito. F. Rome ; ibid. 2013. 2432, obs. H. Kenfack ; RTD com. 2012. 843, obs. B. Bouloc.
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