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[ 24 février 2014 ] Imprimer

Droit des obligations

L’obligation de résultat du garagiste réparateur

Mots-clefs : Obligation contractuelle de résultat, Présomption, Faute, Causalité, Charge de la preuve

L’obligation de résultat qui pèse sur le garagiste en ce qui concerne les réparations d’un véhicule emporte à la fois présomption de faute et présomption de causalité entre la faute et le dommage qu’il lui incombe de renverser.

En matière de responsabilité contractuelle engagée par suite de la violation d'une obligation de résultat, le créancier est généralement dispensé de faire la preuve de la faute – l'inexécution contractuelle – comme du lien causal que celle-ci entretient avec le dommage qu’il en a subi. La décision rapportée en fournit une nouvelle illustration.

En l’espèce, le véhicule d’un particulier, immobilisé par une panne électrique, avait été remorqué jusqu’à un premier garage ; après que la batterie et le démarreur eurent été remplacés, le véhicule, hors d’état de marche, avait été transporté vers un autre garage. Par la suite, le propriétaire du véhicule assigna les deux garagistes pour les faire solidairement condamner au paiement du coût de remplacement de certains organes électriques du véhicule.

Pour le débouter de sa demande, la juridiction de proximité saisie retint que le propriétaire du véhicule n’avait pas démontré qui, des deux garagistes, avait bénéficié du paiement des travaux réalisés sur les organes électriques litigieux et que, chacun d’entre eux ayant dénié les avoir exécutés, la preuve n’avait pas été apportée de l’identité du garage sous l’autorité duquel les réparations avaient été effectuées.

Rendu en dernier ressort, ce jugement est cassé par la première chambre civile de la Cour de cassation au visa, notamment, de l’article 1315 du Code civil, au motif qu’il appartenait à chacun des deux garagistes, dès lors qu’il était avéré que le véhicule n’avait pas été restitué en état de marche, de prouver que la persistance de la panne ne découlait pas de prestations insuffisantes ou défectueuses de leur part, au regard de l’obligation de résultat pesant par principe sur le réparateur professionnel, preuve que la seule indétermination de l’identité du garagiste au moment de ces interventions ne pouvait constituer.

En somme, la juridiction de proximité saisie des faits a, selon la Cour, inversé la charge de la preuve en refusant de considérer qu’il incombait aux deux garagistes de renverser la présomption de faute et la présomption de causalité entre la faute et le dommage qui pesait sur eux.

Certaines décisions avaient déjà posé en termes de principe l'existence d'une présomption de causalité concurremment à la présomption de faute : « Mais attendu que l'obligation de résultat emporte à la fois présomption de faute et présomption de causalité entre la prestation fournie et le dommage invoqué » (Civ. 1re, 16 févr. 1988  – Civ. 1re, 2 févr. 1994 – Civ. 1re, 20 juin 1995 – Civ. 1re, 21 oct. 1997 – Civ. 1re, 12 juill. 2001). Tous ces arrêts concernent, comme en l’espèce, des garagistes, quoique quelques décisions aient trait à d'autres contractants (Civ. 1re, 5 mars 1991, à propos d’un électricien ; Civ. 3e, 22 juin 2010, à propos d’un sous-traitant de travaux immobiliers).

La solution ici rappelée travestit la réalité technique de l'obligation de résultat : d’un côté, la présomption de faute est irréfragable en sorte que la responsabilité s'analyse techniquement comme une responsabilité sans faute, et d'un autre côté, la présomption de causalité ne vise pas exactement la relation entre la faute et le dommage, mais le lien entre l'inexécution et l'activité du débiteur ou l'inexécution et le dommage.

Tout d’abord, la responsabilité contractuelle du fait de l'inexécution d'une obligation de résultat est une responsabilité sans faute parce que la faute n'est ni une condition d'engagement, ni une cause d'exonération. Il s'agit d'une responsabilité objective, ce dont la Cour de cassation semble convenir lorsqu'elle vise « la responsabilité de plein droit qui pèse sur le garagiste réparateur » (Com. 22 janv. 2002). Or en toute rigueur, une présomption irréfragable n'est plus une présomption, mais une règle de fond.

Ensuite, si, de prime abord, la présomption de causalité vise seulement le lien entre l'inexécution et le fait du débiteur, c’est-à-dire une présomption d'imputation de la défectuosité du résultat à l'activité du débiteur, cette logique ne vaut que lorsqu'on analyse l'obligation de résultat comme une présomption de faute car on ne présume pas une faute quelconque mais seulement une faute causale. Toute présomption de faute ou toute défectuosité d'une prestation implique donc une présomption de causalité.

Mais cette relation causale entre l'inexécution et le fait du débiteur ne préjuge en rien de la question de la causalité du dommage et de l'inexécution. Certes, la plupart du temps, le rattachement du dommage à l'inexécution ne souffre d'aucune difficulté. Il n’est cependant pas automatique. Ainsi, lorsque le dommage n'apparaît pas dépendre de l'inexécution, il appartient en principe à la victime de rapporter la preuve du lien causal entre la prestation et le dommage parce qu'elle est tenue de prouver l'existence de l'obligation de réparation (C. civ., art. 1315, al. 1er).

Il ne faut donc pas s'étonner de certaines décisions qui, tout en consacrant l'existence d'une obligation de résultat, imposent la charge de la preuve de la causalité du dommage et de l'inexécution au créancier. C'est la raison pour laquelle, en l’espèce, le client des garagistes, même bénéficiaire d'une « obligation de résultat » a dû cependant établir que le dommage subi par son véhicule trouvait son origine dans les organes du véhicule sur lesquels étaient intervenus les garagistes (v. déjà, Civ. 1re, 14 mars 1995).

Civ. 1re, 5 févr. 2014, n°12-23.467

Références

■ Article 1315 du Code civil

« Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. 

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. »

■ Civ. 1re, 16 févr. 1988Bull. civ. I, n° 42.

■ Civ. 1re, 2 févr. 1994, n°91-18.764, Bull. civ. I, n° 41.

 Civ. 1re, 20 juin 1995, n°93-16.381, Bull. civ. I, n° 263.

■ Civ. 1re, 21 oct. 1997, n°95-16.717, Bull. civ. I, n° 279.

 Civ. 1re, 12 juill. 2001, n° 99-14.811.

■ Civ. 1re, 5 mars 1991, n° 88-14.156, RTD civ. 1991. 756, note Jourdain.

■ Civ. 3e, 22 juin 2010, n° 09-16.199.

 Com. 22 janv. 2002, n°00-13.510, RTD civ. 2002. 514, note Jourdain.

 Civ. 1re, 14 mars 1995, n°93-12.028, Bull. civ. I, n° 122 ; RTD civ. 1995. 635, note Jourdain.

 

Auteur :M. H.


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