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[ 29 avril 2016 ] Imprimer

Droit administratif général

L’obligation de substitution du juge administratif à l’autorité publique en matière d’exécution de décision d’aides d’État

Mots-clefs : Aide d’État, Récupération, Illégalité, Procédure d’astreinte d’office, Droit de l’Union, Énergie renouvelable

Le juge administratif doit prendre toutes les mesures d’exécution nécessaires impliquées par l’annulation d’un acte réglementaire concernant le versement d’une aide d’État. Le juge administratif se substitue ainsi à l’autorité administrative si celle-ci n’a pas tiré toutes les conséquences du jugement. L’intervention du juge est motivée afin de garantir la pleine effectivité du droit de l’Union.

Les aides d’État constituent un contentieux conséquent à la fois quant à la qualification d’une aide comme aide d’État, mais également concernant la récupération des aides illégales. Des difficultés plus spécifiques peuvent découler de l’absence de notification de l’aide d’État, alors même que l’aide a été par la suite déclarée compatible avec l’article 107 du traité sure le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). Dans cette hypothèse, cette absence de notification entraîne l’obligation de recouvrer les intérêts au titre de la période d’illégalité, l’acte réglementaire initial étant illicite. Cependant demeure l’obstacle de l’exécution de la décision du juge administratif reconnaissant l’illégalité de l’acte initial quant au versement de l’aide par les autorités administratives.

Cette situation s’est présentée dans le cas d’espèce ayant donné lieu à l’arrêt du Conseil d’État du 15 avril 2016. A l’origine de l’affaire, le Conseil d’État a annulé, le 28 mai 2014 (n° 324852), l’arrêté du 17 novembre 2008 fixant les conditions d’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie mécanique du vent. Cet arrêt du 28 mai 2014 du Conseil d’État n’était que la conséquence d’un arrêt en renvoi préjudiciel de la Cour de justice du 19 décembre 2013 (n° C-262/12), définissant les conditions d’achat, fixé par l’arrêté, comme constituant une aide d’État. La Cour de justice indique également cette aide n’avait pas été notifiée par l’État français contrairement aux obligations découlant de l’article 108, paragraphe 3 du TFUE. La Commission a toutefois déclaré compatible cette aide, fondé sur l’arrêté du 17 novembre 2008, le 27 mars 2014. Dès lors, seule l’absence de notification posait problème.

Dans le cas précis de l’absence de notification, la Cour de justice a indiqué, dans l’arrêt du 12 février 2008, Centre d’exportation du livre français (CELF) (n° C-199/06), que la sanction se limite au paiement des intérêts au titre de la période d’illégalité. En revanche si l’aide est véritablement incompatible, la sanction est celle de la récupération de l’aide. Concrètement ceci signifie que dans cette affaire, les autorités françaises doivent exiger, auprès des bénéficiaires de l’aide, les intérêts qu’ils auraient acquittés s’il avait dû emprunter sur le marché le montant correspondant aux aides accordées entre le 17 novembre 2008, date de la mise en œuvre de l’aide, et le 27 mars 2014, date de la décision de la Commission. Les autorités françaises n’ont cependant accompli aucune démarche en ce sens depuis l’arrêt du Conseil d’État du 19 décembre 2013, constatant l’absence de notification et déclarant l’arrêté illégal.

Sur ce dernier aspect, le Conseil d’État apporte des compléments à sa jurisprudence sur les aides d’État en reconnaissant que le juge administratif doit non seulement enjoindre l’administration d’agir, mais qu’il peut même se substituer à l’administration en prescrivant les mesures d’exécution nécessaires impliquées par l’annulation de l’acte. 

Cette solution répond, comme le rappelle le Conseil d’État, aux obligations découlant du droit de l’Union, qui implique que le juge national garantisse l’application effective du droit de l’Union, conformément au principe de primauté (CJCE, 9 mars 1978, Simmenthal, n° 106/77). Le juge national est en effet le juge de droit commun du droit de l’Union, il ne peut déroger à la mise en œuvre du droit de l’Union sans risquer d’entraîner une condamnation en manquement de l’État ou un engagement de sa responsabilité pour violation du droit de l’Union (CJCE, 30 sept. 2003, Köbler, n° C-224/01).

CE 15 avril 2016, Association Vent de colère, n° 393721

Références

■ Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Article 107

« 1. Sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.

2. Sont compatibles avec le marché intérieur:

a) les aides à caractère social octroyées aux consommateurs individuels, à condition qu'elles soient accordées sans discrimination liée à l'origine des produits,

b) les aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d'autres événements extraordinaires,

c) les aides octroyées à l'économie de certaines régions de la république fédérale d'Allemagne affectées par la division de l'Allemagne, dans la mesure où elles sont nécessaires pour compenser les désavantages économiques causés par cette division. Cinq ans après l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le Conseil, sur proposition de la Commission, peut adopter une décision abrogeant le présent point.

3. Peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur:

a) les aides destinées à favoriser le développement économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi, ainsi que celui des régions visées à l'article 349, compte tenu de leur situation structurelle, économique et sociale,

b) les aides destinées à promouvoir la réalisation d'un projet important d'intérêt européen commun ou à remédier à une perturbation grave de l'économie d'un État membre,

c) les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun,

d) les aides destinées à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges et de la concurrence dans l'Union dans une mesure contraire à l'intérêt commun,

e) les autres catégories d'aides déterminées par décision du Conseil sur proposition de la Commission. »

Article 108

« 1. La Commission procède avec les États membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces États. Elle propose à ceux-ci les mesures utiles exigées par le développement progressif ou le fonctionnement du marché intérieur.

2. Si, après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations, la Commission constate qu'une aide accordée par un État ou au moyen de ressources d'État n'est pas compatible avec le marché intérieur aux termes de l'article 107, ou que cette aide est appliquée de façon abusive, elle décide que l'État intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu'elle détermine.

Si l'État en cause ne se conforme pas à cette décision dans le délai imparti, la Commission ou tout autre État intéressé peut saisir directement la Cour de justice de l'Union européenne, par dérogation aux articles 258 et 259.

Sur demande d'un État membre, le Conseil, statuant à l'unanimité, peut décider qu'une aide, instituée ou à instituer par cet État, doit être considérée comme compatible avec le marché intérieur, en dérogation des dispositions de l'article 107 ou des règlements prévus à l'article 109, si des circonstances exceptionnelles justifient une telle décision. Si, à l'égard de cette aide, la Commission a ouvert la procédure prévue au présent paragraphe, premier alinéa, la demande de l'État intéressé adressée au Conseil aura pour effet de suspendre ladite procédure jusqu'à la prise de position du Conseil.

Toutefois, si le Conseil n'a pas pris position dans un délai de trois mois à compter de la demande, la Commission statue.

3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché intérieur, aux termes de l'article 107, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'État membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale.

4. La Commission peut adopter des règlements concernant les catégories d'aides d'État que le Conseil a déterminées, conformément à l'article 109, comme pouvant être dispensées de la procédure prévue au paragraphe 3 du présent article. »

■ CE 28 mai 2014, Assoc. Vent de colère et a., n° 324852, Lebon ; AJDA 2014. 1127 ; ibid. 1784, note Olga Mamoudy ; AJCT 2014. 504, obs. P. Villeneuve ; RFDA 2014. 783, concl. C. Legras ; RTD eur. 2014. 952-4, obs. E. Muller.

■ CJUE 19 déc. 2013, Assoc. Vent de colère et a., n° C-262/12, AJDA 2014. 7 ; ibid. 926 ; D. 2014. 13 ; RTD eur. 2014. 563, obs. P. Thieffry.

■ CJUE, gr. ch., 12 févr. 2008, Centre d’exportation du livre français (CELF), n° C-199/06, AJDA 2008. 277 ; ibid. 871, chron. E. Broussy, F. Donnat et C. Lambert.

■ CJCE, 9 mars 1978, Simmenthal, n° 106/77.

■ CJCE, 30 sept. 2003, Köbler, n° C-224/01, AJDA 2003. 2146, chron. J.-M. Belorgey, S. Gervasoni et C. Lambert ; D. 2003. 2546; RSC 2004. 178, chron. L. Idot ; RTD eur. 2015. 232, obs. C. Yannakopoulos ; ibid. 232, obs. C. Yannakopoulos.

 

Auteur :V. B.

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