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Droit de la famille
Logement familial : sa vente forcée doit être autorisée par l’époux in bonis
L'article 215, alinéa 3, du Code civil est applicable à une demande en partage d'un logement de famille indivis formée par un liquidateur judiciaire sur le fondement de l'article 815 du Code civil.
Après qu’un époux eut été placé en liquidation judiciaire, le liquidateur l’avait assigné en même temps que son épouse, pour voir ordonner, sur le fondement de l'article 815 du Code civil, le partage de l'indivision existant entre eux sur l'immeuble servant au logement de la famille et la licitation en un seul lot de ce bien.
Pour accueillir cette demande, la cour d’appel retint que l'article 215 du Code civil n'était pas applicable à une vente forcée poursuivie par le liquidateur judiciaire de l'un des époux, peu important que l'action eût été engagée sur le fondement de l'article 815 du Code civil ou de l'article 815-17 du même code.
Le pourvoi formé par le couple contre cette décision revenait à soumettre à la Cour de cassation la question suivante : l’action en partage de l’indivision et licitation engagée par le liquidateur d’un débiteur en liquidation judiciaire propriétaire indivis de l’immeuble constituant son logement de famille peut-elle être accueillie nonobstant le défaut d’autorisation de son épouse ?
A cette question, la Cour répond par la négative. Cassant en conséquence la décision des juges du fond, elle considère que le liquidateur ayant agi, en l’espèce, aux lieu et place de l'époux débiteur dessaisi, les juges du fond ayant relevé que l'immeuble en indivision dont il était demandé le partage et la licitation en un seul lot constituait le logement de la famille, n’ont pas tiré les conséquences légales de leurs constatations violant ainsi l'article 215, alinéa 3, du Code civil.
L’article 215 du Code civil prévoit une protection particulière du logement familial, qui s’entend de la résidence principale de la famille, c’est-à-dire de son lieu d’habitation effective. En particulier, l'article 215, alinéa 3, subordonne au consentement des deux époux les actes de disposition portant sur les droits par lesquels ce logement est assuré. Il s’agit d’une règle d’ordre public qui s’applique quel que soit le régime matrimonial du couple. Ainsi, le logement familial ne peut-il pas, en principe, être vendu par un époux seul. Le consentement de l’autre est requis. Des limites à ce principe de cogestion ont toutefois été posées par les juges, notamment pour préserver les intérêts des créanciers des époux (V. aussi, pour un autre exemple lié à la qualité d’associés des conjoints, Civ. 1re, 14 mars 2018, n° 17-16.482). En effet, la protection du logement familial n’interdit pas aux créanciers du couple de prendre des mesures d’exécution. Ceux-ci peuvent donc provoquer le partage du bien s’il est indivis, demander l’inscription d’une hypothèque judiciaire ou la vente forcée du logement, cette dernière étant en outre soustraite, en vertu de la loi du 13 juill.1967 sur la liquidation des biens, à l’application de l’article 215 du Code civil (Civ. 3ème, 12 oct. 1977, n° 76-12.482), lequel doit être considéré comme inopposable aux créanciers, sous peine de frapper les biens d’une insaisissabilité contraire à la loi (Civ. 1re, 4 juill. 1978, n° 76-15.253), sous la réserve, au demeurant offerte au seul entrepreneur individuel (artisan, commerçant, travailleur indépendant..), d’une déclaration d’insaisissabilité de sa résidence principale (C. com., art. L. 526-1 s.). De surcroît, en vertu de l’article 815 du code civil, nul ne pouvant être contraint à demeurer dans l’indivision, le partage peut toujours être provoqué, notamment par le liquidateur d’un débiteur en liquidation judiciaire propriétaire indivis d’un immeuble (Com. 3 déc. 2003, n° 01-01.390 ; Civ. 1re, 29 juin 2011, n° 10-25.098). Enfin, en application de l’article 815-17, dès lors que l’indivision préexistait à l’ouverture de la procédure collective, le liquidateur, représentant des créanciers de l’indivisaire en liquidation, est fondé à solliciter la licitation de l’immeuble (Com. 3 oct. 2006, n° 05-16.463), même lorsque celui-ci sert au logement de la famille (Civ.1re, 3 déc. 1991, n° 90-13.311). C’est la conjonction de l’ensemble de ces dispositions qui justifie la décision rendue en appel, dont la cassation n’allait pas de soi. Celle-ci s’explique toutefois par l’indifférence exprimée par les juges du fond au fondement de la demande du liquidateur, en l’espèce formée sur l’article 815 du code civil pour agir en qualité de représentant du seul débiteur dessaisi plutôt que dans l’intérêt collectif des créanciers de l’indivision ce qui, compte tenu du droit que leur reconnaît l’article 815-17 de demander le partage d’un bien indivis, aurait pu justifier l’atteinte susceptible d’être en ce cas portée à la protection du logement familial.
Civ. 1re, 3 avr. 2019, n°18-15.177
Références
■ Civ. 1re, 14 mars 2018, n° 17-16.482 P: D. 2018. 1428, note D. Sadi ; ibid. 1104, obs. J.-J. Lemouland et D. Vigneau ; ibid. 2019. 505, obs. M. Douchy-Oudot ; AJ fam. 2018. 300, obs. J. Casey ; Rev. sociétés 2019. 59, note E. Naudin ; RTD civ. 2018. 469, obs. B. Vareille
■ Civ. 3e, 12 oct. 1977, n° 76-12.482
■ Civ. 1re, 4 juill. 1978, n° 76-15.253
■ Com. 3 déc. 2003, n° 01-01.390 P: D. 2004. 141 ; AJ fam. 2004. 67, obs. S. D.-B.
■ Civ. 1re, 29 juin 2011, n° 10-25.098 P: D. 2011. 1970
■ Com. 3 oct. 2006, n° 05-16.463 P: D. 2006. 2602, obs. A. Lienhard
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