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Droit pénal général
Loi pénale dans le temps : application immédiate des règles nouvelles relatives à la saisie à titre conservatoire
Mots-clefs : Loi pénale, Application immédiate de la loi, Mesure conservatoires, Bien immobilier, Patrimoine propre, Saisie, Confiscation
L'article 706-148 du Code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 27 mars 2012, qui prévoit que la saisie à titre conservatoire des biens de la personne mise en examen, ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, des biens dont celle-ci a la libre disposition, peut être autorisée au cours de l'instruction lorsque la loi qui réprime le crime ou le délit poursuivi prévoit leur confiscation, est une loi pénale de forme applicable immédiatement à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur.
Dans le cadre d’une information judiciaire lors de laquelle, un individu a été mis en examen du chef de blanchiment en bande organisée d’escroqueries aggravées, le juge d’instruction a ordonné la saisie d’un bien immobilier appartenant à une société dont toutes les parts étaient détenues par des membres de la famille de la personne poursuivie, au motif que ce dernier est le véritable dirigeant de la société sur le fondement de l’article 706-148 du Code de procédure pénale alors en vigueur.
Le prévenu et la société ont interjeté appel de cette décision et la cour d’appel a infirmé l’ordonnance du juge d’instruction au motif que le mis en examen ne détenait aucune part dans la société et que le bien en cause est la propriété de cette société. À l’occasion de l’examen du pourvoi, la chambre criminelle casse la décision sur un moyen relevé d’office relatif à l’entrée en vigueur d’une loi nouvelle : l'article 706-148 du Code de procédure pénale relatif aux saisies conservatoires a été modifié par la loi du 27 mars 2012. Or, en application de l'article 112-2-2° du Code pénal, les lois fixant les modalités des poursuites et les formes de la procédure sont applicables immédiatement à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur.
Rappelons que la loi pénale est applicable à compter de sa promulgation au Journal officiel jusqu’à son abrogation. La norme nouvelle, quant à elle, s’applique à tous les faits commis postérieurement à son entrée en vigueur. Toutefois le champ d’application de la loi pénale n’est pas forcément enfermé dans ses deux limites. En effet une loi pénale peut parfois s’appliquer à des faits antérieurs à son entrée en vigueur. Il importe cependant de protéger l’intérêt des individus. Il est donc important de distinguer selon qu’il s’agit d’une loi pénale de fond ou d’une loi pénale de forme.
▪ Les lois pénales de fond sont celles qui définissent les faits constitutifs d’une infraction, les peines qui s’y attachent, ainsi que les lois relatives à la responsabilité pénale ou aux immunités et autres causes d’irresponsabilité. L’article 112-1 du Code pénal pose deux principes fondamentaux :
– la non-rétroactivité de la loi pénale (à l’exception des lois interprétatives, déclaratives, ou instituant des mesures de police ou de sûreté) ;
– l’application immédiate de la loi pénale plus douce.
▪ Contrairement aux lois pénales de fond, les lois pénales de forme s’appliquent immédiatement même au jugement des faits commis avant leur promulgation (art. 112-2 C. pén.). Cette application immédiate se justifie :
– d’une part par des considérations pratiques (éviter que les juges n’aient à appliquer des règles distinctes selon la date de commission des faits) ;
– et d’autre part, parce que ces lois sont étrangères aux faits jugés et à leur auteur, et ne sauraient donc porter atteinte à la liberté individuelle.
Constituent une loi pénale de forme :
– les lois de compétence (matérielle, personnelle ou juridictionnelle) et d’organisation judiciaire, tant qu’un jugement de fond n’a pas été rendu en première instance (art. 112-2, 1°C. pén. ; Crim. 8 déc. 2004) ;
– les lois fixant les modalités des poursuites et les formes de la procédure (art. 112-2, 2° C. pén. ; Crim. 24 janv. 2007) ;
– les lois relatives au régime d'exécution et d'application des peines (art. 112-2, 3°C. pén)
– les lois relatives à la prescription de l’action publique ou de la peine (art. 112-2, 4°C. pén.). Ces lois sont d’application immédiate même si elles allongent le délai de la prescription, sous réserve que ladite prescription ne soit pas déjà acquise au moment de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle. En effet, le principe de légalité s’oppose à ce qu’on puisse faire renaître la possibilité de sanctionner des faits devenus non punissables par l’effet d’une prescription déjà acquise (Crim. 25 nov. 2009).
– les lois relatives aux voies de recours, sauf instance en cours (art. 112-3 C. pén.).
En l’espèce, la Cour de cassation considère, qu’au jour de la décision, la chambre de l’instruction a fait une juste application de l’article 706-148 du Code de procédure pénale qui ne permettait la saisie de patrimoine contestée que sur les seuls biens appartenant au mis en examen. Toutefois, entre-temps, la loi du 27 mars 2012 étant intervenue en modifiant ce texte, la Cour annule l’arrêt afin qu’il soit prononcé conformément aux nouvelles dispositions qui autorisent, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, la saisie de biens n’appartenant pas au condamné mais dont il a la libre disposition, lorsque ni le condamné ni le propriétaire n’ont pu en justifier l’origine. Cette disposition concernant une mesure conservatoire est une loi de forme et donc d’application immédiate en vertu de l’article 112-2 2° du Code pénal.
Crim. 9 mai 2012, n°11-85.522 F-P+B
Références
■ Crim. 8 déc. 2004, n°04-83.602.
■ Crim. 24 janv. 2007, n°06-88.080.
■ Crim. 25 nov. 2009, n°09-81.040.
■ Code de procédure pénale
« Si l'enquête porte sur une infraction punie d'au moins cinq ans d'emprisonnement, le juge des libertés et de la détention peut, dans les cas prévus aux cinquième et sixième alinéas de l'article 131-21 du code pénal et sur requête du procureur de la République, autoriser par ordonnance motivée la saisie, aux frais avancés du Trésor, de tout ou partie des biens, lorsque la loi qui réprime le crime ou le délit prévoit la confiscation de tout ou partie des biens du condamné ou lorsque l'origine de ces biens ne peut être établie. Le juge d'instruction peut, sur requête du procureur de la République ou d'office après avis du ministère public, ordonner cette saisie dans les mêmes conditions.
L'ordonnance prise en application du premier alinéa est notifiée au ministère public, au propriétaire du bien saisi et, s'ils sont connus, aux tiers ayant des droits sur ce bien, qui peuvent la déférer à la chambre de l'instruction par déclaration au greffe du tribunal dans un délai de dix jours à compter de la notification de l'ordonnance. Cet appel n'est pas suspensif. Le propriétaire du bien et les tiers peuvent être entendus par la chambre de l'instruction. Les tiers ne peuvent toutefois pas prétendre à la mise à disposition de la procédure. »
Nouvel article 706-148 du Code de procédure pénale (L. n°2012-409 du 27 mars 2012)
« Si l'enquête porte sur une infraction punie d'au moins cinq ans d'emprisonnement, le juge des libertés et de la détention peut, sur requête du procureur de la République, autoriser par ordonnance motivée la saisie, aux frais avancés du Trésor, des biens dont la confiscation est prévue en application des cinquième et sixième alinéas de l'article 131-21 du code pénal lorsque la loi qui réprime le crime ou le délit le prévoit ou lorsque l'origine de ces biens ne peut être établie. Le juge d'instruction peut, sur requête du procureur de la République ou d'office après avis du ministère public, ordonner cette saisie dans les mêmes conditions.
L'ordonnance prise en application du premier alinéa est notifiée au ministère public, au propriétaire du bien saisi et, s'ils sont connus, aux tiers ayant des droits sur ce bien, qui peuvent la déférer à la chambre de l'instruction par déclaration au greffe du tribunal dans un délai de dix jours à compter de la notification de l'ordonnance. Cet appel n'est pas suspensif. Le propriétaire du bien et les tiers peuvent être entendus par la chambre de l'instruction. Les tiers ne peuvent toutefois pas prétendre à la mise à disposition de la procédure. »
■ Code pénal
« Sont seuls punissables les faits constitutifs d'une infraction à la date à laquelle ils ont été commis.
Peuvent seules être prononcées les peines légalement applicables à la même date.
Toutefois, les dispositions nouvelles s'appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu'elles sont moins sévères que les dispositions anciennes. »
« Sont applicables immédiatement à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur :
1° Les lois de compétence et d'organisation judiciaire, tant qu'un jugement au fond n'a pas été rendu en première instance ;
2° Les lois fixant les modalités des poursuites et les formes de la procédure ;
3° Les lois relatives au régime d'exécution et d'application des peines ; toutefois, ces lois, lorsqu'elles auraient pour résultat de rendre plus sévères les peines prononcées par la décision de condamnation, ne sont applicables qu'aux condamnations prononcées pour des faits commis postérieurement à leur entrée en vigueur ;
4° Lorsque les prescriptions ne sont pas acquises, les lois relatives à la prescription de l'action publique et à la prescription des peines. »
« Les lois relatives à la nature et aux cas d'ouverture des voies de recours ainsi qu'aux délais dans lesquels elles doivent être exercées et à la qualité des personnes admises à se pourvoir sont applicables aux recours formés contre les décisions prononcées après leur entrée en vigueur. Les recours sont soumis aux règles de forme en vigueur au jour où ils sont exercés. »
« La peine complémentaire de confiscation est encourue dans les cas prévus par la loi ou le règlement. Elle est également encourue de plein droit pour les crimes et pour les délits punis d'une peine d'emprisonnement d'une durée supérieure à un an, à l'exception des délits de presse.
La confiscation porte sur tous les biens meubles ou immeubles, quelle qu'en soit la nature, divis ou indivis, ayant servi à commettre l'infraction ou qui étaient destinés à la commettre, et dont le condamné est propriétaire ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition.
Elle porte également sur tous les biens qui sont l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction, à l'exception des biens susceptibles de restitution à la victime. Si le produit de l'infraction a été mêlé à des fonds d'origine licite pour l'acquisition d'un ou plusieurs biens, la confiscation peut ne porter sur ces biens qu'à concurrence de la valeur estimée de ce produit.
La confiscation peut en outre porter sur tout bien meuble ou immeuble défini par la loi ou le règlement qui réprime l'infraction.
S'il s'agit d'un crime ou d'un délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement et ayant procuré un profit direct ou indirect, la confiscation porte également sur les biens meubles ou immeubles, quelle qu'en soit la nature, divis ou indivis, appartenant au condamné ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition, lorsque ni le condamné, ni le propriétaire, mis en mesure de s'expliquer sur les biens dont la confiscation est envisagée, n'ont pu en justifier l'origine.
Lorsque la loi qui réprime le crime ou le délit le prévoit, la confiscation peut aussi porter sur tout ou partie des biens appartenant au condamné ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition, quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis.
La confiscation est obligatoire pour les objets qualifiés de dangereux ou nuisibles par la loi ou le règlement, ou dont la détention est illicite, que ces biens soient ou non la propriété du condamné.
La peine complémentaire de confiscation s'applique dans les mêmes conditions à tous les droits incorporels, quelle qu'en soit la nature, divis ou indivis.
La confiscation peut être ordonnée en valeur. Pour le recouvrement de la somme représentative de la valeur de la chose confisquée, les dispositions relatives à la contrainte judiciaire sont applicables.
La chose confisquée est, sauf disposition particulière prévoyant sa destruction ou son attribution, dévolue à l'État, mais elle demeure grevée, à concurrence de sa valeur, des droits réels licitement constitués au profit de tiers.
Lorsque la chose confisquée est un véhicule qui n'a pas été saisi ou mis en fourrière au cours de la procédure, le condamné doit, sur l'injonction qui lui en est faite par le ministère public, remettre ce véhicule au service ou à l'organisme chargé de sa destruction ou de son aliénation.»
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