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[ 17 novembre 2021 ] Imprimer

Libertés fondamentales - droits de l'homme

Loi portant diverses dispositions de vigilance sanitaire

DAE vous propose de faire un point sur les dispositions les plus marquantes de la loi vigilance sanitaire et sur les censures du Conseil constitutionnel.

Loi n° 2021-1465 du 10 novembre 2021 portant diverses dispositions de vigilance sanitaire

Conseil constitutionnel 9 novembre 2021, n° 2021-828 DC

-        Prorogation du cadre juridique organisant le régime de l’état d’urgence sanitaire

La loi n° 2021-1465 du 10 novembre 2021 prévoit la prorogation de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 31 juillet 2022.

Pour rappel, l'état d'urgence sanitaire est un régime juridique spécial, crée par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, applicable en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population, selon des modalités précises. Il s'agit d'un régime juridique temporaire introduit dans le Code de la santé publique de façon provisoire (CSP, art. L. 3131-12 s. : V. DAE 24 mars 2020, note C. de Gaudemont), qui n’est mis en place, uniquement si cela est nécessaire. Initialement la loi du 23 mars 2020 avait prévu son application jusqu’au 1er avril 2021, puis la loi n° 2021-160 du 15 février 2021 prorogeant l'état d'urgence sanitaire l’a prolongé jusqu’au 31 décembre 2021 ; enfin celui-ci vient d’être à nouveau prorogé jusqu’au 31 juillet 2022. 

Le Conseil constitutionnel précise dans sa décision du 9 novembre 2021 (n° 2021-828 DC) relative à la loi portant diverses dispositions de vigilance sanitaire, que la prorogation de l’état d’urgence sanitaire prévue par cette nouvelle loi n’a « ni pour objet ni pour effet de déclarer l'état d'urgence sanitaire lui-même ou d'en proroger l'application » (§ 6), elle maintient uniquement « jusqu'au 31 juillet 2022 le cadre juridique organisant l'état d'urgence sanitaire ».

-        Prorogation du régime de gestion de la sortie de crise sanitaire et de la possibilité de subordonner l'accès à certains lieux, établissements, services ou événements à la présentation d'un « passe sanitaire ».

Le Conseil constitutionnel rappelle qu’il « appartient au législateur d'assurer la conciliation entre l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé et le respect des droits et libertés reconnus à toutes les personnes qui résident sur le territoire de la République. »

Cette prorogation du régime de gestion de la sortie de crise sanitaire jusqu’au 31 juillet 2022 a pour objectif de permettre aux pouvoirs publics de prendre des mesures visant à lutter contre la propagation de l'épidémie de covid-19. Il existe toujours un risque important de propagation de l'épidémie à l'échelle nationale. Le Conseil constitutionnel n’est pas compétent pour « remettre en cause l'appréciation par le législateur de ce risque, dès lors que, comme c'est le cas en l'espèce, cette appréciation n'est pas, en l'état des connaissances, manifestement inadéquate au regard de la situation présente ».

Enfin, l’année 2022 sera une année électorale (élection présidentielle en avril et législatives en juin), toutefois, la présentation du « passe sanitaire » ne pourra être exigée pour l'accès aux bureaux de vote ou à des réunions et activités politiques (2021-828 DC § 17).

-        Censure de la possibilité pour les directeurs des établissements d'enseignement scolaire d'accéder à des informations médicales relatives aux élèves et de procéder à leur traitement.

Cet article prévoyait qu’afin de lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19, pour la durée strictement nécessaire à cet objectif et uniquement, au plus tard, jusqu’à la fin de l’année scolaire 2021-2022, les directeurs des établissements d’enseignement scolaires primaires et secondaires et les personnes qu’ils habiliteraient, pourraient accéder à des informations relevant du secret médical et concernant le statut virologique de leurs élèves, leurs statuts vaccinal et l’existence des cas contacts potentiels de ceux-ci. Le traitement de ces données devait faciliter l’organisation des campagnes de dépistage et de vaccination et permettre également l’organisation des conditions d’enseignement afin de prévenir les risques de contamination du virus.

Le Conseil constitutionnel censure cette disposition qui porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée. En effet, « les dispositions contestées permettent d'accéder non seulement au statut virologique et vaccinal des élèves, mais également à l'existence de contacts avec des personnes contaminées, ainsi que de procéder au traitement de ces données, sans que soit préalablement recueilli le consentement des élèves intéressés ou, s'ils sont mineurs, de leurs représentants légaux. » De plus, ces dispositions « autorisent l'accès à ces données et leur traitement tant par les directeurs des établissements d'enseignement scolaire des premier et second degrés que par « les personnes qu'ils habilitent spécialement à cet effet ». Les informations médicales en cause sont donc susceptibles d'être communiquées à un grand nombre de personnes, dont l'habilitation n'est subordonnée à aucun critère ni assortie d'aucune garantie relative à la protection du secret médical. » Enfin, « en se bornant à prévoir que le traitement de ces données permet d'organiser les conditions d'enseignement pour prévenir les risques de propagation du virus, le législateur n'a pas défini avec une précision suffisante les finalités poursuivies par ces dispositions » (2021-828 DC § 38 à 41).

-        Fraude au passe sanitaire. 

L’utilisation ou la fabrication d’un faux QR code est désormais « punie de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende » (L. du 10 nov. 2021, art. 2) au lieu de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

Par ailleurs, toute personne qui prête son passe sanitaire à une autre en vue de l’utiliser frauduleusement sera passible d’une amende de 750 euros (avant la L. du 10 nov. 2021 : 135 euros).

-        Exclusion de la vaccination obligatoire pour les personnels de crèche et autres personnels de petite enfance 

Sont exclus de l’obligation vaccinale : les personnels de crèches (V. a contrario : CE, réf., 28 oct. 2021, n° 457230) et les personnels des autres établissements de l’enfance (établissements et services de soutien à la parentalité, établissements et services de protection de l'enfance…) qui ne sont pas professionnels de santé ou à usage de titre, mais aussi, parmi ces professionnels, ceux qui ne réalisent aucune activité médicale. Seuls les professionnels et les personnes dont l'activité comprend l'exercice effectif d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins attachés à leur statut ou à leur titre sont soumis à cette obligation vaccinale (L. 10 nov. 2021, art. 5).

-        Censure des habilitations du Gouvernement à prendre des ordonnances

Le Conseil constitutionnel censure comme contraire à l’article 38 de la Constitution des dispositions de la loi habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnance en matière de travail et d’emploi et d’activité réduite ainsi que de copropriété. 

En effet, la procédure utilisée n’était pas conforme à la Constitution.

Pour rappel, selon le premier alinéa de l'article 38 de la Constitution : « Le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi ». Ces dispositions précisent que seul le Gouvernement peut demander au Parlement l'autorisation de prendre de telles ordonnances.

Or le Conseil constitutionnel rapporte que « les dispositions contestées, introduites pour certaines par le projet de loi initial et pour d'autres par des amendements gouvernementaux, avant d'être supprimées en première lecture, ont été rétablies en nouvelle lecture par voie d'amendements parlementaires. Elles n'ont donc pas été adoptées à la demande du Gouvernement » et méconnaissent donc les exigences de l'article 38 de la Constitution (2021-828 DC § 43 à 47).

 

Auteur :Christelle de Gaudemont


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