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Droit de l'entreprise en difficulté
L'ouverture de la procédure collective ne fait pas échec à l'effet négatif de la clause compromissoire.
Mots-clefs : Procédure collective, Liquidation ; Mandataire liquidateur ; Contrats ; Clause compromissoire ; Incidence de la procédure (non)
Dès lors que le mandataire liquidateur a usé de la faculté de poursuivre l’exécution des contrats avec tous les droits et obligations qui s’y rattachent, ce qui implique l’observation de la clause compromissoire qui y est stipulée, ses demandes en paiement doivent être jugées irrecevables.
Dès lors que le mandataire liquidateur d'une société a usé de la faculté de poursuivre l'exécution des contrats avec tous les droits et obligations qui s’y rattachent, ce qui implique l’observation de la clause compromissoire qui y est stipulée, le recours de ce dernier à la juridiction étatique, sans respect de la procédure d’arbitrage, est irrecevable. Tel est l’enseignement de la décision rapportée.
En l'espèce, le mandataire liquidateur avait saisi la justice consulaire pour obtenir le paiement de sommes dues par une entreprise ayant confié à la société placée en liquidation des travaux de sous-traitance, aux termes de quatre contrats contenant des conditions particulières et des conditions spécifiques, notamment une clause compromissoire.
La cour d’appel avait déclaré ses demandes irrecevables, faute pour le mandataire liquidateur d'avoir respecté la procédure d'arbitrage contractuellement convenue. Le mandataire forma un pourvoi en cassation.
Il soutenait principalement qu'une clause compromissoire n'est opposable aux organes de la procédure que tant qu'ils agissent en représentation du débiteur, et non lorsqu'ils le font au nom des créanciers. Ainsi, dès lors qu'il agissait en représentation des créanciers, la clause compromissoire ne lui aurait pas été opposable.
La Haute juridiction rejette son pourvoi, confirmant la décision d’irrecevabilité des premiers juges.
Expressément réservés au juge de la procédure collective, certains litiges ne peuvent être soumis à l’arbitrage, tels ceux relatifs à l'ouverture de la procédure collective, aux nullités de la période suspecte, aux pouvoirs de gestion du débiteur après le jugement d'ouverture, aux responsabilités particulières, aux sanctions que la loi édicte à l'encontre des dirigeants de l'entreprise.
La nullité de la convention d'arbitrage portant sur ces matières est absolue et peut être invoquée par chacune des parties à la convention d'arbitrage, par l'administrateur ou le liquidateur, par le ministère public (V. P. Ancel).
Ainsi l'arbitrage devrait être exclu si le litige était relatif aux conditions de la continuation d'un contrat en cours par l'administrateur.
En revanche, lorsque le litige a sa cause « dans des faits ou dans des contrats antérieurs à la faillite et se serait produit de la même façon en dehors d'elle » (Civ., 26 avr. 1906), la convention d'arbitrage redevient valable, notamment lorsque le litige porte sur « l'exécution d'un contrat antérieur à l'ouverture de la procédure collective et qui se serait produit pareillement sans l'intervention de cette procédure » (Com., 19 juill. 1982). La convention d'arbitrage est, a fortiori, également valable lorsqu'elle est contenue dans des contrats conclus postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective, si sa formation satisfait les conditions posées par le droit des procédures collectives. Cependant, l'ouverture de la procédure collective affectera nécessairement la possibilité de recourir à l’arbitrage.
L’articulation des règles des procédures collectives avec celles du droit de l'arbitrage mérite en conséquence d’être précisée. La décision commentée contribue à cet éclaircissement.
Concernant les litiges nés, comme en l’espèce, d'une convention d'arbitrage conclue antérieurement au jugement d'ouverture, le principe est celui de l’opposabilité de cette convention aux organes de la procédure collective. Malgré l’ouverture de celle-ci, la convention continue de lier le débiteur et demeure opposable aux créanciers, aux organes de la procédure collective, et même aux éventuels repreneurs qui poursuivent le contrat contenant la clause compromissoire.
La raison de cette règle tient au fait que, même sans l'intervention de la procédure collective, le litige se serait tout de même produit, ce qui permet de comprendre que l'arbitrage n'est pas seulement permis du fait que le contrat litigieux a été conclu antérieurement à l'ouverture de la procédure, mais parce que le litige y afférant ne trouve pas sa cause dans la procédure collective (Com., 19 juill. 1982 et Com., 10 janv. 1984: l’arbitrage est permis à propos d'un litige provoqué par l'inexécution du contrat indépendamment de l'état de « faillite »).
En l’espèce, dès lors que le créancier n’avait pas renoncé à la clause compromissoire laquelle, de surcroît, répondait aux exigences légales (C. pr. civ., art. 1443 et 1444), celle-ci était non seulement valable, mais également opposable à la société mise en liquidation – le débiteur – ainsi qu’au mandataire liquidateur de celle-ci. Ce dernier, même sans être partie à la convention d’arbitrage, ne pouvait donc valablement prétendre que cette clause ne lui était pas opposable.
Selon la même logique, la société créancière de celle placée en liquidation, était en droit de mettre en œuvre la clause d’arbitrage, sans que le liquidateur puisse s’y opposer, la seule limite tenant, au nom du principe d’ordre public de l’arrêt des poursuites individuelles, dans l’interdiction faite au créancier (dont la créance a son origine antérieurement au jugement d’ouverture) de saisir un tribunal arbitral après l’ouverture de la procédure collective sans s’être préalablement soumis à la procédure de vérification des créances (Com., 2 juin 2004), en cas de poursuite des contrats en cours.
Mais comme le relève ici la Cour, la discussion relative à l’admission de la créance ne portait, en l’espèce, que sur la régularité de la déclaration et la forclusion encourue par le créancier.
Civ. 1re, 1er avril 2015, n ̊ 14-14.552
Références
■ Code de procédure civile
« A peine de nullité, la convention d'arbitrage est écrite. Elle peut résulter d'un échange d'écrits ou d'un document auquel il est fait référence dans la convention principale. »
« La convention d'arbitrage désigne, le cas échéant par référence à un règlement d'arbitrage, le ou les arbitres, ou prévoit les modalités de leur désignation. A défaut, il est procédé conformément aux dispositions des articles 1451 à 1454. »
■ Civ. 26 avr. 1906 ; D. 1907. I. 25, note Valéry.
■ Com. 19 juill. 1982, n° 80-17.183.
■ Com. 10 janv. 1984, n° 83-10.066.
■ Com. 2 juin 2004, n° 02-13.940, D. 2004. 3184, note T. Clay.
■ P. Ancel, « Arbitrage et procédure collective », Rev. arb. 1983, spéc. p. 261.
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